L’Homme n’ira jamais dans l’espace

Dans un article de la série « Answers to Gospel Questions » (Réponses aux questions sur l’Évangile, Salt Lake City, 1953), Joseph Fielding Smith Jr. (19 juillet 1876 – 2 juillet 1972) alors Président du Collège des douze apôtres, qui dirigera l’Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers jours (Mormons) à partir du 23 janvier 1970, avait écrit : 

« Il est très peu probable que l’homme ne puisse jamais fabriquer un instrument ou un vaisseau pour voyager dans l’espace et visiter la Lune ou toute planète lointaine. »

En 1961, lors d’une conférence à Hawaii, il enfonce le clou :

« Nous n’enverrons jamais un homme dans l’espace. Cette Terre est la sphère de l’homme et il n’a jamais été prévu qu’il s’en éloigne. La Lune est une planète au-dessus de la Terre et il n’a jamais été prévu que l’homme s’y rende. Vous pouvez l’écrire dans vos livres, cela n’arrivera jamais. »

Interrogé sur ses affirmations en 1970, il a bien dû admettre qu’il s’était lourdement trompé.

En septembre 1971, dix mois avant sa mort, les astronautes de la mission Apollo 15 lui ont offert un drapeau de l’Utah, le siège de l’église mormone se trouve à Salt Lake City, ayant fait le voyage avec eux, sur la surface de Lune.

Joseph Fielding Smith

Le sapin de Noel d’Harrison Schmitt

Le 15 décembre 1970, Harrison Schmitt se rend à la base aérienne de Dover dans un T-38, car il doit effectuer les essayages de sa combinaison spatiale chez le fabricant, ILC. La ville de Dover dans le Delaware se trouve à quelque 2 100 km de Houston à vol d’oiseau.

A ce moment-là, Harrison Schmitt fait partie de l’équipage remplaçant (back-up crew) de la mission Apollo 15, la quatrième mission sur la surface de la Lune, qui s’est déroulée du 26 juillet au 7 août 1971.

La salle qui sert aux essayages est surnommée « Astronaut Heaven » (Le Paradis des astronautes).

En quittant les locaux d’ILC, il demande à brûle-pourpoint si quelqu’un peut l’aider à couper un petit sapin dans la forêt avoisinante, car il est trop tard pour qu’il puisse en trouver un à Houston. Ralph Armstrong va s’acquitter de la tâche, et ramène Harrison Schmitt et son arbre de Noël à la base aérienne.

Il se rappelle avoir eu du mal à faire entrer le conifère dans la soute non pressurisée du T-38.

Harrison Schmitt révèlera que son plan ne s’est pas déroulé comme prévu, car peu après avoir installé le sapin chez lui, ce dernier a perdu toutes ses aiguilles. Le froid extrême en altitude, a certainement été la cause de son dessèchement prématuré.

Les larmes d’ Edward Fendell

Edward Fendell (1932-  ) était un contrôleur de vol, INCO (Integrated Communications Officer – modifié en Instrumentation & Communications Officer pour le programme navette spatiale) de l’équipe blanche (Shift 2) d’Eugene Kranz, lors de la mission Apollo 11.

L’INCO était responsable de tous les systèmes de communication (données, voix et vidéo) de la surveillance et de la configuration des systèmes de communication et d’instrumentation en vol. Il surveille également la télémétrie entre le véhicule et le sol, ainsi que les commandes en liaison montante.

Nommé directeur de la section communications en 1969 (d’abord au sein de la Flight Control Operations Branch, puis de la Flight Control Division), Edward Fendell va devenir une célébrité en opérant les caméras couleur à 582 000 dollars (3 700 000 dollars en monnaie constante), véritables bijoux de technologie, de la division Astro-Electronics de la société RCA (GCTA pour Ground Commanded Television Assembly que l’on prononçait « gotcha »).

La presse lui donnera le sobriquet de Captain Video, d’après le premier feuilleton de science-fiction jamais diffusé à la télévision américaine, de 1949 à 1955 : Captain Video and His Video Rangers.

Wernher von Braun (1912-1977) inspecte la caméra d’Apollo 15. Crédit photo : NASA – juin 1971.
Cette photo avec Wernher von Braun permet d’appréhender « l’encombrement » de la caméra. Crédit photo : NASA – juin 1971.

Montées sur les rovers lunaires (LRV pour Lunar Roving Vehicle), lors des missions Apollo 15, 16, et 17, ces caméras peuvent être télécommandées à partir d’une console spéciale comptant 18 boutons (ajoutée au poste INCO de la salle de contrôle des missions), mais seulement lorsque le LRV est à l’arrêt, puisqu’il faut précisément orienter l’antenne haut gain.

Comme le signal met quelque 2 secondes pour être « interprété » et parvenir à la caméra, cela complique un peu les choses pour suivre les astronautes en mouvement… Ce dispositif permet de soulager le travail photographique des astronautes.

Edward Fendell zoome, à la demande des géologues et scientifiques, sur les formations intéressantes, et suit en direct le travail des astronautes.

C’est William E. Perry du E&D (Engineering and Development Directorate) du centre spatial texan, qui a proposé l’idée d’une caméra télécommandée. Edward Fendell avait une doublure, Granvil A. Pennington (1944-2013) surnommé « Al » ou « Gap », INCO également, qui sera le 22e Directeur de Vol de la NASA.

La caméra à proprement parler (CTV pour Color Television Camera) à une masse de 5,8 kg, le tube à technologie SIT (Silicon Intensifier Target) permet de pointer la caméra sur le soleil sans aucun dommage (contrairement à celle d’Apollo 12 équipée d’un tube SEC Secondary Electron Conduction) et surtout, produit des images de qualité bien supérieure à ce qui a été fait précédemment.

Elle est équipée d’un zoom Angénieux de 12,5-75 mm de focale, d’ouverture f2,2-22, le rapport de zoom est de 6:1. La caméra est orientable à distance grâce au TCU (Television Control Unit) d’une masse de 5,9 kg permettant une amplitude de 134° vers la gauche, 214° vers la droite, et de 85° vers le haut et 45° vers le bas, à la vitesse moyenne de 3° par seconde.

Le LRV-3 et la caméra télécommandée d’Apollo 17. Cette caméra a permis de retransmettre quasiment la totalité des trois explorations de la Lune de cette mission, soit près de 22 heures, et elle fonctionnera encore quelque 27 heures après le départ des astronautes. Chaque modèle a été amélioré au fil des missions. La caméra pouvait être connectée au LM (MESA mode) ; via une rallonge, posée sur un trépied sur la surface de la Lune (LM Tripod Mode) ; montée sur le LRV (LCRU/LRV Mode).

MESA = Modularized Equipment Stowage Assembly, une sorte de coffre à bagage que les astronautes déploient pour accéder aux outils qu’il contient. Il se trouve dans le Quad 1 de l’étage de descente du module lunaire.
LCRU = Lunar Communications Relay Unit. Installé sur le LRV, il s’agit du système de communication principal entre les astronautes et la Terre lorsqu’ils sont sur la surface de la Lune, loin du LM. Il permet de télécommander la caméra depuis la Terre.
Eugene Cernan et le LRV 3 (13 décembre 1972). Au premier plan la caméra, et l’antenne parabolique (HGA – High Gain Antenna) du LCRU. A gauche de la base du mât de l’antenne se trouve l’électronique du LCRU.
Gros plan de la caméra (CTV + TCU) montée sur le LRV-2 (Apollo 16). Le pare-soleil ne fut ajouté qu’à partir de la mission Apollo 16.

Le fait d’arme le plus connu d’ Edward Fendell (et de son assistant, INCO également, Harley W. Weyer avec lequel il a conçu le « script ») est la spectaculaire retransmission du décollage de l’étage de remontée du module lunaire d’Apollo 17.

Pour la mission Apollo 15, la caméra ayant des problèmes de rotation dans le plan vertical, le décollage n’a pu être « suivi ».

Pour Apollo 16 le suivi fut partiel car le Rover était garé trop près du LM, et le mouvement vertical de la caméra pas assez rapide.

En 1973 il recevra une Goldene Kamera (Caméra d’or), qui est une récompense allemande de télévision et de cinéma existant depuis 1965, dans la catégorie meilleure photographie (Best Cinematography).

Décollage de Eugene Cernan et Harrison Schmitt à bord de Challenger – Apollo XVII –
Edward Fendell devant la console INCO.
Edward Fendell, « Captain Video »

En ce lundi 21 juillet 1969 au matin, après quelques heures de repos, Edward Fendell, qui n’est pas encore Captain Video, retourne travailler, en chemin il s’arrête au Dutch Kettle pour prendre un rapide petit-déjeuner.

Il s’assoit au comptoir et commande des œufs brouillés. En attendant, il boit tranquillement son café et lit son journal qui rapporte l’événements de la veille. Il n’a pas encore eu le temps de réaliser pleinement la portée des premiers pas de Neil Armstrong et Buzz Aldrin sur la Lune et le fait qu’il y ait activement participé.

Lorsque deux personnes viennent s’asseoir à côté de lui, et entament une conversation :

– « J’ai débarqué en Normandie le jour J, combattu les nazis jusqu’à Berlin, mais je n’ai jamais été aussi fier d’être américain que hier. »

A ces mots, Edward Fendell, submergé par l’émotion, retourne dans sa voiture et fond en larmes…