Les leçons d’Apollo : maîtriser la science des calculateurs et du traitement de l’information

Le fait que la NASA ait appris à travailler avec les ordinateurs est l’une des plus grandes avancées techniques due au programme Apollo. Les systèmes informatiques de la NASA étaient à la pointe de la technologie, ce qu’il se faisait de mieux au monde.

Les opérations liées à la préparation du lancement (lanceur et vaisseau spatial) par exemple nécessitaient plusieurs systèmes informatiques.

Les cinq principaux :

LE SATURN LAUNCH COMPUTER COMPLEX

Appelé également Ground Launch Computer Complex, ce complexe informatique de lancement dédié aux lanceurs de la classe Saturne permettait de tester et vérifier divers éléments du lanceur ainsi que les équipements du pas de tir, de manière automatique. Deux ordinateurs RCA 110 A constituaient le cœur du système, l’un se trouvait dans la salle de lancement ou salle de mise à feu, l’autre dans le LUT, ils étaient reliés par un câble coaxial. Entre eux les ingénieurs faisaient référence à ce système sous la simple dénomination de « 110 » ( the one ten) ou  « 110-A » …

La plupart des programmes informatiques destinés aux tests étaient écrits par les ingénieurs du Marshall en ATOLL (Acceptance Test or Launch Language) et demandaient des compétences en programmation très poussées…

Au départ ingénieurs et techniciens chargés des tests ne faisaient pas trop confiance à ce système… Lors du compte à rebours de la mission AS-501 (Apollo 4) seulement 21 programmes ATOLL furent utilisés, pour Apollo 11 il y en aura 43, et pour Apollo 14, 105. Pour Apollo 17, le compte à rebours était tellement automatisé que Bill Heink de la société Boeing avoua que « c’était mortellement ennuyeux dans la salle de mise à feu » !

Quel temps gagné ; par exemple pour tester manuellement le bon fonctionnement du système EDS (Emergency Detection System) de la Saturne V il fallait entre six et huit heures, avec l’informatique ce test durait moins d’une heure !

LE ACCEPTANCE CHECKOUT EQUIPMENT – SPACECRAFT SYSTEM (ACE-S/C)

Si pour la capsule Mercury, il y avait 88 points de vérification, pour Apollo il y en avait plus de 3 000 ! Le system ACE était extrêmement puissant, il pouvait prendre le contrôle total du vaisseau spatial auquel il était connecté. L’ingénieur Charlie Mars, l’apprendra à ses dépens, à trois occasions il « éteindra » complètement  le vaisseau spatial à partir de l’ACE.

ACE Control Room

LE CENTRAL INSTRUMENTATION FACILITY COMPUTER SYSTEM (CIF)

Le CIF constituait le centre névralgique de la réception et la diffusion des informations concernant la totalité des systèmes composants l’ensemble Apollo/Saturne. Les milliers de mesures télémétriques reçues étaient traitées en temps réel. C’est un bâtiment de trois étages qui abritait les deux ordinateurs principaux, des GE-635 (General Electric) et les salles de travail. Des dizaines d’ingénieurs surveillaient les données dans la plus grande salle du CIF, la n° 307 (Data Presentation and Evaluation Room). Le CIF était dirigé par Karl Sendler (1914-2001) (Director of Information Systems). Les ordinateurs étaient sous la responsabilité du Dr Rudolph Bruns, qui dirigeait la Computer Systems Division.

CIF Control Room7

CIF Salle 307

Le CIF permettait également de relier les simulateurs du Flight Crew Training Building du Centre Spatial Kennedy, au centre de contrôle des missions à Houston. Lorsque les astronautes étaient au KSC, ils pouvaient utiliser les simulateurs du CM et LM, exactement comme s’ils étaient à Houston.

Un ingénieur avait calculé que si l’on imprimait la totalité des données générées par une session de tests d’une durée de 8 heures consécutives, et si l’on empilait toutes les feuilles à côté de la Saturne V, la pile dépasserait la fusée d’une vingtaine de mètres !

THE PROPELLANT TANKING COMPUTER SYSTEM (PTCS)

Chacun des six systèmes de ravitaillement de la Saturne V était contrôlé par un ordinateur qui permettait de mesurer très exactement le débit, la quantité, le ratio des ergols, la pression dans les réservoirs, en fonction de la durée de fonctionnement des moteurs calculée pour chaque mission. Il s’agissait notamment d’éviter tout surplus qui viendrait alourdir inutilement le lanceur.

Les ordinateurs du PTCS étaient situés dans la pièce 9A qui se trouve dans la partie la plus basse du LUT, et étaient contrôlés depuis des consoles dédiées dans la salle de mise à feu.

En résumé : sans informatique, pas de programme Apollo !  Le succès du programme Apollo n’a définitivement rien à voir avec la chance, comme le prétendent souvent des personnes fort mal informées !