Apollo-Soyouz, un repas traditionnel kazakh

Après avoir visité Tiouratam, le cosmodrome de Baïkonour, la délégation américaine de la mission Apollo-Soyouz est conviée à découvrir le mode de vie des bergers de la steppe.

C’est dans une yourte kazakhe aux murs recouverts de peaux en cuir, sur les rives du fleuve Syr-Daria, qu’ils prennent place.

Assis, les jambes croisées, selon la coutume, ayant revêtu le costume traditionnel  et le chapeau de feutre, les convives multiplient les toasts d’amitié et goûtent aux spécialités locales. 

Donald Slayton et Anatole Forestenko, le professeur de russe, et interprète des astronautes, prennent de la graisse durcie de mouton, pour une pâtisserie ! Les kazakhs font également passer un breuvage sirupeux également à base de graisse de mouton… Stafford arrive à décliner l’offre… Il préfère la vodka.

En tant que commandant de la « moitié » de la mission conjointe Apollo-Soyouz, il ne peut malheureusement éviter la suite…

Alexeï Leonov l’informe qu’il faut respecter la tradition locale, en effet selon cette dernière, l’hôte principal, et son invité le plus important, doivent chacun manger un œil de bélier.

Sur un plateau, disposé en bonne place sur la table, se trouve une tête de bélier bouillie, avec les yeux toujours en place.

Ne manquant certainement pas, de cette étoffe des héros, dont les astronautes sont censés être nanti, Thomas Stafford se saisit d’une fourchette, la plante dans un œil, porte ce mets de choix à la bouche, et commence à mâcher… 

Assis à une table adjacente l’astronaute Karol Bobko n’a pas le temps de sortir et vomit.

Quant à Slayton et Forestenko, ils durent s’absenter également peu après.

D’où l’expression « sortir par les yeux » !

Donald Slayton, le code de bonne conduite

Lors de la première réunion plénière des neufs astronautes du groupe 2 à Ellington*, en présence notamment de Robert Gilruth, directeur du Centre des Vaisseaux Spatiaux Habités,  Walter Williams, directeur des Opérations en Vol, et Donald Slayton, chef du bureau des astronautes et responsable de leurs affectations… Ce dernier leur tint ces propos :

« Il y aura beaucoup de missions pour vous tous, nous avons prévu 11 missions Gemini, au moins quatre vols Apollo Block I, ainsi qu’un nombre encore indéterminé de vols Apollo Block II, dont celui qui effectuera le premier atterrissage sur la Lune. Vous aurez donc largement de quoi vous occuper.  Une dernière chose, surtout faites bien gaffe aux cadeaux et autres avantages en nature. En tant qu’astronaute vous serez sollicités de toutes parts, notamment par les sociétés en compétition pour remporter les appels d’offres. Ne succombez pas à ces tentations, quelles qu’elles soient ! Si vous n’êtes pas sûrs, avant de faire un faux pas, suivez le crédo des pilotes d’essais : tout ce que vous pouvez manger, boire ou baiser en moins de 24 heures est acceptable, au-delà je vous conseille vivement de vous abstenir ! »

John Young se souvient encore comment Robert Gilruth et Walt Williams ont tressaillis en entendant les paroles un peu crues de Donald Slayton, eux, qui ont pourtant côtoyé bon nombre de pilotes de chasse au cours de leur carrière.

Fort de son expérience acquise avec les « Sept Premiers », Donald Slayton connaissait parfaitement les écueils que ces nouveaux astronautes devront absolument éviter, et les nombreuses tentations auxquelles ils ne devront surtout pas succomber…

Des opportunités, qui pour certains, seront d’ailleurs bien trop belles et trop alléchantes pour les laisser passer !

* Base aérienne d’Ellington – En 1962 le Centre des Vaisseaux Spatiaux Habités près de Houston qui deviendra le Centre Spatial Johnson en 1973 est encore en construction.

Un cadeau très spécial pour Donald Slayton

Les astronautes Virgil « Gus » Grissom, Edward White et Roger Chaffee avaient fait faire, par un grand joaillier de Houston, un insigne d’astronaute (Astronaut pin) en or, avec un diamant incrusté dans l’étoile.

Ils devaient emmener le bijou avec eux, lors de la première mission Apollo, et en faire cadeau à leur chef, Donald « Deke » Slayton* à leur retour. Ils souhaitaient ainsi lui témoigner leur amitié, respect et reconnaissance, pour son travail à la tête du bureau des astronautes. Même s’il n’ était pas allé dans l’espace, il était un Astronaute.

Malheureusement le sort en décida autrement, les trois astronautes d’Apollo 1 périrent dans l’incendie de leur capsule en janvier 1967, au cours d’un banal test sur le pas de tir.

Une semaine après la tragédie Donald Slayton rend une visite personnelle aux veuves des trois astronautes, Betty Grissom, Patricia White et Martha Chaffee. Après avoir discuté un moment, elles sortent un écrin, et lui présentent ce cadeau de la part de leurs maris.

On imagine ce qu’ il a dû ressentir lorsqu’il découvre le bijoux !

Donald Slayton considérera toute sa vie ce maudit vendredi 27 janvier 1967 comme le pire jour de son existence !

Jusqu’à la fin, il ne sortira jamais sans son pin, quelles que soient les circonstances,  il ne se séparait jamais de ce qu’il considérait comme un mémorial en l’honneur de ses amis disparus.

Lorsqu’après 16 ans d’attente, il est enfin allé dans l’espace *, il a reçu comme tous les astronautes ayant fait un vol spatial un pin en or « officiel ».

Il a rangé ce dernier dans un tiroir, et a continué à porter celui que l’équipage d’Apollo 1 lui avait offert, il représentait tellement plus pour lui !

Donald Slayton portera cet insigne jusqu’à sa mort, excepté une petite semaine de juillet 1969, lorsque le bijou fera un petit voyage sur la Lune…

Donald Slayton est mort d’une tumeur au cerveau le 13 juin 1993, il n’avait que 69 ans.

Patricia White s’ est suicidée en 1983…

* Sélectionné en avril 1959 avec le premier groupe d’astronaute de l’histoire, il a été Interdit de vol spatial en août 1962 en raison d’un problème cardiaque mineur. Il finira par faire un vol spatial en juillet 1975 avec la mission Apollo – Soyouz.

Le 13 avril 2010 les ayants droits Slayton ont vendu le bijou aux enchères !