Alan Shepard à trois semaines près

Dans la soirée du 19 janvier 1961, lorsque Alan Shepard dit droit dans les yeux de son épouse : « Tu prends dans tes bras, l’homme qui sera le premier à aller dans l’espace », Louise Shepard s’exclame « Qui a laissé entrer un russe ici ? »

Cette boutade s’avèrera hélas prophétique, car trois mois plus tard, Youri Gagarine est le premier Homme dans l’espace, et Alan Shepard ne sera que le deuxième… à seulement 23 jours près !

Shepard est furax, et il le fait savoir, en privé comme en public: « On les tenait, on était à un cheveu, et on a laissé passer notre chance ».

Le vol suborbital du Chimpanzé Ham (Mercury Redstone 2 du 31 janvier 1961) ayant connu quelques problèmes, Wernher von Braun avait préféré jouer la sécurité, et avait ordonné un autre vol d’essai.

Ce vol, qui a eu lieu le 24 mars 1961, a le nom de code de MR-BD. Les membres du Space Task Group ont donné à cette mission la dénomination BD (Booster Development) pour marquer leur désapprobation. Ils voulaient faire passer le message que leur capsule était fin prête, contrairement au lanceur !

Les astronautes et les membres du STG, Robert Gilruth et Christopher Kraft en tête, ont vainement tenté de faire pression sur von Braun.

Quant aux dirigeants de la NASA, plutôt fébriles, ils ont également opté pour la prudence. Kraft fera ce commentaire sardonique : «  Nous étions freinés de l’extérieur par des médecins timorés, et maintenant nous avons des allemands, tout aussi poltrons qui sabotent notre programme de l’intérieur ».

MR-BD ayant été un succès, il était facile de critiquer von Braun pour son manque de prise de risque !

Mais c’est à lui seul, qu’aurait incombé la responsabilité de l’échec, en cas de défaillance de la Redstone.

Tout le monde se rappelle du fiasco MR-1 – (cf anecdote intitulée « Un nouveau record »).

Time magazine avait alors ridiculisé von Braun, pour avoir minimisé l’échec de ce lancement.).

Pourtant, la fiabilité du lanceur Redstone, était alors estimée à 88%, et la survie de l’astronaute, grâce au système d’éjection de la capsule (Launch Escape Tower), à 98%.