Le 10 mai 1968, Charles C. Lutz (chef du Apollo Support Branch), dans un mémo confidentiel, entérine une décision d’Alan Shepard qui ne voulait pas que les noms des prochains équipages du programme Apollo puissent être révélés avant l’annonce officielle de la NASA, d’après les commandes effectuées auprès du fabricant des combinaisons spatiales ; ILC Dover (International Latex Corporation).
C’est ainsi qu’au lieu d’utiliser le nom des astronautes, on se servirait d’un code, qui ne serait connu que par un minimum de personnes ; Alan Shepard du bureau des astronautes, Charles Lutz, et Leonard « Len » Shepard chef de projet chez ILC. Il appartient à chacun des trois de communiquer ces codes aux seules personnes qui doivent être dans la confidence au sein de leurs services respectifs.
Voici la liste des astronautes et leur nom de code correspondant ; des noms d’étoiles.
Certains patronymes sont mal orthographiés, Gordan au lieu de Gordon, Pouge au lieu de Pogue, Worran au lieu de Worden.
Sur la liste figurent deux astronautes qui n’iront jamais dans l’espace ; Curt Michel (5 juin 1934 – 26 février 2015) sélectionné dans le groupe 4 en juin 1965 qui a démissionné de la NASA le 18 août 1969, et John Bull (25 septembre 1934 – 11 août 2008) sélectionné dans le groupe 5 en avril 1966 contraint à la démission du corps des astronautes en juillet 1968 (la NASA annonce la nouvelle le 16 juillet) pour raisons de santé (problème pulmonaire).
On notera que le futur premier Homme sur la Lune, Neil Armstrong, se voit affecter l’étoile la plus brillante de notre ciel après le Soleil ; Sirius. Il avait décidément une très bonne étoile…
Le Lieutenant Clarence James Clancy Hatleberg est le responsable de l’unité d’élite de la Navy, chargée de la récupération en mer des astronautes d’Apollo 11.
Les règles de la NASA sont très claires, le premier hélicoptère « Swim » de la Navy qui arrive sur les lieux de l’amerrissage, déploie ses plongeurs pour sécuriser le vaisseau spatial. Il n’y a pas de temps à perdre…
Pourtant lors de la mission Apollo 11, cette règle souffrira une exception. L’hélicoptère Swim One arrivé le premier, devra laisser sa place à Swim Two …
Swim Two
En cas d’un amerrissage distant, hors zone, ce sont les commandos de recherche et de sauvetage de l’US Air Force (ARRS – Aerospace Rescue and Recovery Service) du 41st Aerospace Rescue and Recovery Wing, positionnés à plus de 300 km du bâtiment de récupération principal, qui doivent intervenir à partir des avions Douglas HC-54 et surtout Lockheed HC-130H capables de couvrir un rayon d’action beaucoup plus large, ce dernier peut rester en l’air jusqu’à 24 heures.
Ce fut le cas lors du vol Mercury-Atlas 7 ou Aurora 7 (Scott Carpenter – 24 mai 1962), et de Gemini 8 (Neil Armstrong – David Scott – 16 mars 1966) qui ont amerris respectivement à quelque 400 km et et 350 km du point prévu.
Pour revenir à l’UDT Apollo Detachment de l’US Navy (UDT = Underwater Demolition Team – équipe de démolition sous-marine, unité d’élite de l’US Navy) ; il comprend 12 personnes volontaires, triés sur le volet. L’OIC (Officer in Command / Charge), le Lieutenant Clarence James « Clancy » Hatleberg, trois équipes de trois personnes ; Swim One : John McLachlan, Terry A. « Muehl » Muehlenbach, Mitchell L. « Buck » Bucklew ; Swim Two : Wesley T. « Wes » Chesser , John M. Wolfram, Michael G. « Mike » Mallory ; Swim Three : Robert R. Rohrbach, Joseph « Joe » Via, Charlie A. Free. Swim 3 restera en alerte sur le pont du porte-avions.
Nous avons également Michael P. Bennett qui est la doublure du decontamination « decon » swimmer, Clancy Hatleberg, il a un « aigle américain » (en réalité un pygargue à tête blanche) tatoué sur tout le torse… Et Thomas G. « Doc » Holmes en stand-by, il peut remplacer n’importe lequel des « nageurs ».
Swim 2 et Bennett avaient participé aux opérations de récupération de la mission Apollo 10.
Lorsque Clancy Hatleberg doit se rendre quelques jours à Houston pour rencontrer les trois astronautes d’Apollo 11, c’est Wesley Chesser qui prend le commandement du UDT Apollo Detachment.
Des trois équipes, c’est celle sous le commandement de Wesley Chesser (Swim Two) qui est la plus aguerrie, issus du UDT 11 (Swim One est composé de membres de l’UDT 12), avec John Wolfram qui aura 21 ans dans trois mois, il est né le 21 octobre 1948, le plus jeune et le plus rapide des nageurs du détachement. Sur les photos, c’est celui qui a des fleurs sur sa combinaison… Et Michael G. « Mike » Mallory qui avec ses 1 m 88 a « la force d’un hippopotame » selon ses collègues…
Lors des nombreux exercices, de jour comme de nuit, (SIMEX – SIMulated EXercise), Clancy Hatleberg avait noté que l’un des nageurs de Swim One avait une propension à être sujet au mal de mer lorsqu’il restait plusieurs heures sur le radeau ou la bouée qui entoure le module de commande. Il ne s’agit aucunement d’une occurrence exceptionnelle. Nager des heures dans l’eau est une chose, rester des heures sur un radeau gonflable ballotté par de grosses vagues en est une autre, et même les meilleurs peuvent avoir des nausées, un vomissement permet souvent de les faire passer.
Juste après l’amerrissage, les astronautes d’Apollo 11 ont pris une pilule (Dexedrine) contre le mal de mer.
Pour la récupération de la mission Apollo 11, suivie par des millions de téléspectateurs, en présence du président des Etats-Unis Richard Nixon, de l’amiral 4 étoiles John S. McCain (CINCPAC – Commander-in-Chief, Pacific Command), de l’administrateur de la NASA Thomas Paine, de plus de 120 journalistes etc., Clancy Hatleberg ne veut prendre aucun risque, d’autant que la mer est agitée (échelle de Percy Douglas), avec des vagues entre 1,25 et 1,50 mètres.…
Si l’un des hommes-grenouilles était victime de vomissements, certains observateurs ne manqueraient pas d’en déduire qu’il a été contaminé par des agents pathogènes rapportés sur la Terre par les marcheurs lunaires.
Buzz Aldrin ayant un peu tardé à commuter l’interrupteur qui permet le décrochage des parachutes après l’amerrissage, le vent, qui souffle à 18 nœuds, soit 33 km/h, puis l’eau, se sont engouffrés dans les voilures et ont provoqué le basculement du module de commande (Stable 2 position).
Swim One arrive le premier au-dessus du CM, suivi de Recovery One, et de Photo…
Swim One attend, John McLachlan le nageur qui doit déployer l’ancre flottante est debout prêt à sauter à l’eau… Mais Hatleberg s’adresse à Donald S. Jones le pilote de Recovery et commandant du HS-4 (Helicopter anti-submarine Squadron 4) « Black Knights », une conversation privée s’engage, au cours de laquelle le chef du détachement UDT Apollo évoque le problème de mal de mer de l’un des membres de Swim One…
Ce jour-là les plongeurs de Swim One resteront au sec, ils ont dû l’avoir un peu mauvaise, mais comme pour tout militaire, un ordre est un ordre…
Ce n’est qu’à 5:58, (11:58 heure de Houston) soit 9 minutes après l’amerrissage, et 2 minutes après le redressement du CM (Stable 1 position) que John Wolfram de l’hélicoptère Swim 2, qui vient de se positionner au-dessus du CM, se jette à l’eau avec deux ancres flottantes…Il sera le premier à établir un contact visuel avec les trois astronautes…
Les opérations de récupération seront effectuées de main de maître. Swim 2 a eu de la chance, sans le renversement du module de commande, il est peu probable que Clancy Hatleberg et Donald Jones aient pu différer aussi longtemps l’intervention des plongeurs de combat.
La fine équipe : dans le radeau Clancy Hatleberg, sur le CM de g. à d. Wesley Chesser, Michael Mallory, John Wolfram. Photo prise du USS Hornet juste avant que le module de commande ne soit hissé à bord, à l’aide de la grue B&A (Boat and Aircraft Crane), le grutier à la manœuvre n’a que 19 ans. A ce moment là, les astronautes sont en sécurité sur le porte-avions.
Apollo 11 a failli être percuté par l’hélicoptère « Swim 1 », qui a tout juste eu le temps de manœuvrer pour éviter la collision. Cela s’est joué à trois ou quatre secondes.
C’est le système de localisation SARAH (Search and Rescue and Homing system – Système de recherche et sauvetage et localisation) qui fut utilisé par les hélicoptères du HS-4 (Helicopter anti-submarine Squadron 4) pour localiser les modules de commande (CM) Apollo.
La radiobalise du CM est automatiquement activée, juste après la libération des parachutes de stabilisation vers 7 000 mètres d’altitude. Elle émet à la fréquence de 243 MHz qui est celle dévolue aux aéronefs militaires en détresse.
A l’altitude de 3 000 mètres, lorsque les parachutes principaux sont déployés, il reste environ 5 minutes avant le contact avec l’océan. C’est le temps imparti pour localiser visuellement le CM.
Sachant que plus il s’approche de la surface de l’eau, plus la portée de la balise décroit (environ 8 km lorsque le CM a amerri).
Par ailleurs, si le CM se retourne dans l’eau (stable two position – c. à d. bouclier ablatif vers le haut. Cf photo ci-dessous) la balise est immergée et reste « inaudible ». Le gonflage des trois ballons, qui permettent de redresser la vaisseau spatial (stable one position), prend entre 6 et 7 minutes.
Apollo 11 touche l’eau à 05:49 heure locale, et se « renverse » en raison d’un décrochage tardif des parachutes, et un océan houleux. A 05:56 le CM est « redressé »
Deux hélicoptères Sikorsky HS-3 Sea King, dont les indicatifs sont Swim One (#53) et Swim Two (#64) foncent vers la cible à plus de 250 km/h.
Les deux hélicoptères sont initialement positionnés à une vingtaine de kilomètres du point d’amerrissage prévu. Le premier en amont, et l’autre en aval du corridor de rentrée du module de commande, à quelque 1 500 mètres d’altitude.
Swim One, le plus proche du CM d’ Apollo 11, est piloté par le capitaine de frégate (Commander) Donald G. Richmond, avec le lieutenant de vaisseau William Wesley « Bill » Strawn comme copilote.
L’opérateur du système SARAH, à l’arrière, lui indique la direction à suivre ; « Un peu plus à droite, monsieur. », « Tout droit, c’est parfait comme cela, monsieur. », car devant lui, sur un moniteur, le technicien doit garder le pic du signal au centre de l’écran. Mais ce système, fourni par la NASA, est incapable de calculer à quelle distance se trouve la cible.
Les conditions météo, et l’alignement des antennes type Yagi (antenne râteau), installées sur les côtés droit et gauche de l’hélicoptère, peuvent également avoir une incidence sur la « force » du signal.
Dans chaque hélicoptère, outre deux pilotes et deux membres d’équipage, il y a trois nageurs de combat issus des unités d’élite UDT (Underwater Demolition Team – équipe de démolition sous-marine), dont le rôle est de sécuriser le module de commande après l’amerrissage, et permettre l’extraction des astronautes.
Normalement, le premier sur les lieux, déploie son équipe, sur ordre du responsable du détachement, qui se trouve dans le légendaire hélicoptère # 66 Recovery One, l’autre restant en attente, en soutien, prêt à intervenir en cas de besoin.
Le temps est couvert. Alors que l’hélicoptère émerge d’un nuage, à environ 250 mètres d’altitude, Donald Richmond pousse un cri, ou plutôt un juron, devant lui a surgi le module de commande d’ Apollo 11, Columbia.
Avec ses trois parachutes de 25 mètres de diamètre chacun, l’ensemble, avec les suspentes, fait environ 45 de mètres de long et plus de 60 mètres de large au niveau des corolles.
Il a tout juste le temps de manœuvrer pour éviter la collision. Cela s’est joué à trois ou quatre secondes…
Apollo 11 en phase de redressement
« Swim One », l’hélicoptère # 53, arrive le premier sur la « cible », ici en phase de redressement… Et pourtant c’est « Swim Two » qui effectuera la sécurisation de Columbia, le module de commande d’ Apollo 11… Mais ça, c’est une autre histoire… On aperçoit en bas à gauche les parachutes en train de couler. La photo a été prise depuis l’hélicoptère #70 dont l’indicatif est « Photo ».