Lors de son premier vol d’essai, STS-1, du 12 au 14 avril 1981, la navette Columbia a perdu 16 tuiles de protection thermique placées sur les pods OMS (Orbital Maneuvering System) lors du décollage.
148 tuiles furent par ailleurs endommagées, sur les 30 759 qui protègent l’engin dans l’espace et surtout lors de la rentrée atmosphérique… Ce qui n’a pas alarmé les astronautes John Young et Robert Crippen… (15% des tuiles représentent 85% des risques encourus.)
Tuiles manquantes sur le pod droit de Columbia. (A gauche sur la photo) Crédit photo : NASA
Les contrôleurs de vol et la presse, en revanche, se sont inquiétés… Mais Eugene Kranz, Directeur Adjoint des Opérations, a rassuré tout le monde en annonçant que des caméras de l’U.S Air Force à Hawaii [USAF Maui Optical Site (AMOS)] et en Floride (USAF Phillips Lab Malabar Test Facility à Valkaria), avaient permis d’examiner le ventre de l’orbiter et les ailes, et qu’aucune tuile manquante n’avait été décelée à ces endroits névralgiques.
Ce faisant il a dévoilé une information top secrète concernant les performances de ces caméras… Comme le fit remarquer le Washington Post ; « si elles sont capables de photographier des tuiles manquantes sur la navette à 300 km d’altitude, le même dispositif en orbite autour de la Terre, peut photographier une plaque d’immatriculation sur un parking de Moscou… »
Six mois après la mission, le magazine Aviation Week and Space Technology révèle que la navette avait également été photographiée par un satellite d’observation ultra-secret de la NRO (National Reconnaissance Office), le KH 11-2 (Keyhole = trou de serrure).
La résolution théorique du KH 11-2 est estimée à 8,6 cm à une distance de 300 km.
En 1925, alors que Willy Ley (1906-1969) se balade à Berlin, dans la Friedrichstraße, il aperçoit dans la devanture d’une librairie le livre de Max Valier (1895-1930) A la conquête de l’espace (Der Vorstoss in den Weltenraum – R. Oldenbourg,München und Berlin, 1925), la couverture du livre représente un vaisseau spatial en route vers Saturne.
Ley qui était jusque-là beaucoup plus intéressé par la zoologie et la géologie, est passionné par ce qu’il découvre. En réalité, ce livre reprend les idées d’un certain Hermann Oberth (1894-1989), dont il n’avait jamais entendu parler, dans un ouvrage intitulé La fusée pour atteindre l’espace (Die Rakete zu den Planetenräumen – Oldenbourg, München und Berlin, 1923). Intrigué, Ley décide de l’acheter, le libraire lui propose également un autre livre sur le même sujet, celui du Dr. Walter Hohmann (1880-1945), L’accessibilité des coprs célestes (Die Erreichbarkeit der Himmelskörper – Verlag Oldenbourg, München 1925 – qui sera traduit par la NASA en 1960 – NASA Technical Translation – F44) qu’il prend également, ne lui laissant plus d’argent pour prendre le tram, c’est à pieds qu’il doit parcourir les 5 km qui le séparent de son domicile.
Lorsqu‘il en commence la lecture il est dépité, les deux ouvrages lui sont totalement abscons, « il y a des équations à toutes les pages » celles d’Oberth, brillant mathématicien, sont encore plus ardues que celles de Hohmann… « Le livre aurait tout aussi bien pu être écrit en caractères sumériens… »
Willy Ley s’accroche et étudie jusqu’à ce qu’il en saisisse le sens, (la même démarche sera effectuée par Wernher von Braun de six ans son cadet). A partir de ce moment, il considère que Max Valier est passé un peu à côté de son travail de vulgarisation. « Autant Oberth est trop hermétique, trop élitiste, autant Valier manque de bases scientifiques ».
A 19 ans, il va se fixer l’objectif d’y remédier, et c’est ainsi que Willy Ley commence sa brillante carrière de vulgarisateur scientifique, en traduisant les équations de Oberth en langage intelligible pour tout le monde, dans un opuscule de 68 pages Le Voyage dans l’espace (Die Fahrt ins Weltall – Hachmeister & Thal, 1926), dont la conclusion est la suivante :
« Lorsque la première fusée s’affranchira de l’atmosphère terrestre, l’humanité qui règne sur la Terre, à la fois physiquement et spirituellement, aura franchi un nouveau pas, dans une nouvelle ère… L ’è r e d e l a c o n q u ê t e d e l’ e s p a c e. »
Ce premier livre n’est pas un succès populaire, il n’en vendra que mille par an entre 1926 et 1932, bien moins que Valier… Mais la consécration suprême viendra lorsqu’ Oberth affirmera que le livre de Ley est bien supérieur à celui de Valier !
Valier et Ley se rencontrent et deviennent amis, Valier demande un jour à Ley de prendre contact avec un certain Johannes Winkler (1897-1947) de Breslau…
En juillet 1927 Valier et Winkler fondent la Verein für Raumschiffahrt (VfR), sans aucun doute la plus prestigieuse des associations consacrées au vol spatial.
Deux mois plus tard elle compte déjà 400 membres. Ley a sans doute quelque peu exagéré son rôle dans sa création, il a prétendu être l’un des co-fondateurs alors que son nom ne figure pas dans les statuts de l’association… Il ne deviendra vraiment actif qu’en 1928, car jusque-là il travaille sur un livre de 208 pages qui parait en 1927 et qui s’intitule : Le livre du dragon : discussions sur les lézards, les amphibiens et les dinosaures. ; (Das Drachenbuch: Plaudereien von Echsen, Lurchen und Vorweltsauriern – Leipzig: Thüringer Verlags-Anstalt H. Bartholomäus, 1927) dans lequel il évoque les mythes entourant certains animaux, ainsi que l’origine de certains animaux imaginaires. Il s’agit d’un livre à la fois éducatif et divertissant. Sa première passion étant la zoologie et les sciences naturelles.
Willy Ley – Source: National Air and Space Museum Archives, Smithsonian Institution.
Dès 1928 il s’investit de plus en plus au sein de la VfR, les années 1928 et 1929 marquent l’apogée de l’engouement de la population allemande pour les fusées, avec notamment le film de Fritz Lang (1890-1976) Frau Im Mond (La Femme sur la Lune) dont Oberth fut le consultant technique.
Valier avait été pressenti, mais il était de plus en plus considéré comme un cascadeur avec ses tests sur les voitures-fusées. D’abord des moteurs à propergols solides, puis à compter de décembre 1929, à ergols liquides. Le 17 mai 1930 il décède lors d’un test de moteur lorque ce dernier explose et qu’un éclat lui sectionne l’aorte. Il meurt dans les bras d’Arthur Rudolph (1906-1996)… Erich Wurm le président de l’antenne berlinoise de la VfR dira : « Valier est le premier martyr d’une nouvelle science ».
Oberth devait lancer une petite fusée à ergols liquides le jour de la première, mais le projet se solda par un cuisant échec et entraina son retour provisoire dans son pays natal, la Roumanie. Fritz Lang affirme que Ley fut également consultant pour son film, un rôle, que curieusement, Ley a toujours minimisé. Il s’occupera également de la publicité scientifique du film… Willy Ley et Fritz Lang deviendront de très bons amis.
En 1929 parait une deuxième édition de Die Fahrt ins Weltall, revue et augmentée avec, suprême consécration, une préface de Hermann Oberth. Ley ajoute notamment, un chapitre sur l’histoire des fusées à travers les âges, trente illustrations…
Au sein de la VfR, Ley qui est depuis le 1er novembre 1930 son vice président, tisse des relations internationales, notamment avec la France, l’URSS, l’Angleterre et les Etats-Unis, lesquelles lui permettront de quitter l’Allemagne en 1935… Ley avait des facilités pour les langues, il se débrouillait bien en anglais, français, italien et russe. Edward Pendray (1901-1987), co-fondateur de la American Interplanetary Society, et son épouse, passent trois jours à Berlin du 10 au 13 avril 1931. Pendray visite le Raketenflugplatz (Centre d’envol des fusées) de la VfR le dimanche 12 avril, et assiste à un test qui l’impressionne beaucoup…
Les difficultés économiques, le départ de Wernher von Braun, embauché par l’armée le 27 novembre 1932, l’arrivée au pouvoir d’Adof Hitler en 1933 et la mise sous séquestre de tous les travaux sur les fusées, les frasques de Rudolf Nebel, etc. sonne le glas de la VfR.
Lors des autodafés de mai et juin 1933, faisant suite aux « propositions contre l’esprit non allemand », les nazis brûlent notamment le livre préféré de science-fiction de Willy Ley ; Auf Zwei Planeten (Sur deux planètes), paru en 1897, du génial Kurd Lasswitz (1848-1910).
Adepte de l’internationalisation de la science et de la recherche scientifique, Ley ne pouvait que s’opposer aux nazis et leurs pseudo-sciences.
C’est ainsi que le trois février 1935, à 29 ans, il quitte l’Allemagne et entamera une nouvelle et fructueuse carrière aux Etats-Unis.
Avec Wernher von Braun, Willy Ley est assurément l’un des plus grands prosélytes de la conquête de l’espace, dont l’influence fut incommensurable.
L’épouse de Willy Ley, Olga (1912-2001) a dessiné cette vignette artistique résumant les deux passions de son époux.
Le 29 décembre 1971, Peter Magnus Flanigan (1923-2013) un conseiller très influent du Président Richard Nixon (1913-1994), demande à la NASA de suggérer un nouveau nom pour le programme navette spatiale.
James Fletcher (1919-1991), l’administrateur de l’agence spatiale, lui répond le lendemain, en proposant les noms suivants, extraits d’une liste plus longue, compilée par les services des relations publiques de la NASA, par les personnes qui travaillent sur le programme, par George Low* (1926-1984) administrateur adjoint de la NASA, et par lui-même.
Cette liste contient notamment les propositions suivantes :
Mayflower
Starship
Spaceliner
Star Frigate
Caravel
Star Packet
Star Freighter
Rocket Clipper
Star Ferry
Space Tram
Star Schooner
Space Shooner
Qui sont rejetées d’emblée… Ainsi que :
Skyclipper
Skyship
Hermes
Pegasus
Space Clipper
Astroplane
Starlighter
Skylark
Dragonfly
Dans un memorandum en date du 4 janvier 1972, adressé au président Nixon, Peter Flanigan suggère que l’appellation navette spatiale (space shuttle) n’est pas assez distinguée pour un tel programme. Le mot navette a une connotation quelque peu péjorative, un système de transport de seconde zone, qui ne correspond pas du tout à l’envergure du projet, et n’évoque rien de particulièrement exaltant. Partant du principe que le président souhaite changer le nom, il lui soumet les trois propositions les plus souvent retenues :
Space Clipper – Qui a la préférence de la NASA, de George Pratt Shultz (né en 1920) directeur du Bureau de la gestion et du budget, William Safire (1929-2009) assistant spécial du président, Richard Moore (1914-1995) conseiller spécial du président, Dr Edward David (1925-2017) conseiller scientifique du président, et lui-même. Ce nom désignerait l’ensemble du projet. Les différents engins auraient chacun leur nom, ainsi, le premier serait baptisé Yankee Clipper.
Pegasus – Préféré par les « classiques », tel James Fletcher.
Starlighter – Le favori de Richard « Dick » Moore.
William Safire, quant à lui, avait suggéré, Space Clipper, The Yankee Clipper, Rocket Ship #1, et Space Ship #1… Sa préférence allait vers The Yankee Clipper en raison de sa connotation historique et patriotique. (A noter : Yankee Clipper fut le nom choisi par l’équipage d’Apollo 12 pour le module de commande.)
En revanche, Safire n’aime pas le nom Pegase… Son argument est le suivant : Pegase pourrait dériver en Peg (diminutif de Peggy), et bientôt on l’associerait à cette vieille chanson datant de 1913 : « Peg o’ My Heart » .
Pressé de choisir un nom, Nixon demande un délai de réflexion, du coup, dans son important discours du lendemain, toutes les mentions relatives à Space Clipper (l’appellation finalement plébiscitée par les conseillers) furent effacées. C’est avec cette déclaration du 5 janvier 1972 que Richard Nixon approuve officiellement le programme navette spatiale. Il faudra attendre le mois d’avril pour qu’il soit voté par le Congrès, alors même que John Young et Charles Duke sont sur la Lune… John Young qui effectuera le premier vol orbital du programme navette spatiale…
Le nom ne sera en définitive jamais modifié.
* Anecdote dans l’anecdote : Son fils George David Low (1956-2008) deviendra astronaute (groupe 10 en 1984) quelques semaines avant la mort de son père, il effectuera trois vols spatiaux entre 1990 et 1993, STS-32, STS-43, et STS-57…