Everett Dirksen, l’argent gaspillé dans l’espace

Le sénateur de l’Illinois Everett Dirksen (4 janvier 1896 – 7 septembre 1969), un mois avant son décès, fit cette déclaration sur l’argent dépensé pour la conquête de l’espace et le programme Apollo en particulier :

« Des voix peu informées clament qu’il faut abandonner les recherches dans l’espace. Elles nous exhortent de dépenser cet argent pour des choses ici sur Terre. Elles réclament quelque chose qui est déjà fait. Où pensez-vous que l’argent utilisé pour envoyer Apollo 11 a été dépensé ? On ne l’a pas dépensé sur la Lune. Il n’y a pas de créatures là-bas qui ont profité des milliards déboursés pour finalement faire atterrir Neil Armstrong et Buzz Aldrin sur la Mer de la Tranquillité. L’argent a bien été dépensé ici, sur Terre, où il a enrichi les travailleurs, les artisans, les techniciens, les ingénieurs, les scientifiques et par là même les commerçants de leurs quartiers. Il a enrichi les millions et les millions de gens qui tirent bénéfice de l’industrie. »

Apollo 11 évoqué dans le journal Il Mattino del Lunedi

Le journal Il Mattino del Lunedi d’Asmara, alors en Ethiopie, depuis 1993 est la capitale de l’Erythrée, dans son édition du 28 juillet 1969, évoque la mission Apollo 11 :

« Aujourd’hui nous ne sommes pas seulement admiratifs, nous exultons. Car cet exploit presque surhumain a été accompli par une société libre et pluraliste, par une société qui n’a pas une tradition oppressive et de sujétion, par une société qui a fondé sa structure politique et constitutionnelle, non pas sur une idéologie totalitaire, mais sur la philosophie démocratique de la Déclaration d’Indépendance. Cet exploit a été accompli par une nation, la nation américaine, dont les caractéristiques sont la fusion de l’esprit de précision et de discipline avec l’esprit de liberté. C’est la raison pour laquelle nous exultons aujourd’hui. Car nous savons que la conquête d’Apollo 11 est au service de l’Homme et non pas pour l’oppresser. »

Frank K. Ellis, un candidat astronaute hors du commun

Parmi les candidatures des astronautes du groupe 5, l’une est particulièrement remarquable, il s’agit de celle du capitaine de corvette (lieutenant-commander) Frank K. Ellis (1933-2016) de l’US Navy. Une candidature qui révèle une extraordinaire résilience…

Sur les 5 000 candidatures reçues par la NASA pour le recrutement de son cinquième groupe d’astronautes en 1966, seulement 351 répondaient aux critères de sélection ; au final 159 furent retenues. 44 candidats subiront l’ensemble des tests et ce sont finalement 19 astronautes qui composeront ce groupe 5.

Le 11 juillet 1962, à 29 ans, Frank K. Ellis est victime d’un effroyable accident aux commandes de son Grumman F-9 Cougar, alors qu’il se prépare à atterrir sur la base aéronavale de Point Mugu en Californie, la commande des gouvernes de profondeur ne répond plus, l’avion pique du nez, il va s’écraser… A 100 mètres d’altitude, il s’apprête à s’éjecter lorsqu’il aperçoit une zone résidentielle faisant partie de la base, et des personnes alentour, sur lesquelles son appareil va s’écraser, il manœuvre aussitôt pour les éviter, ce faisant il perd de précieuses secondes, l’avion continuant à perdre de l’altitude, Frank Ellis ne finit par s’éjecter qu’ à une hauteur d’environ 25 mètres, ce qui est beaucoup trop bas. Son parachute ne s’ouvre pas complètement, heureusement des eucalyptus viennent quelque peu amortir sa chute, ce qui lui sauve la vie, avant de tomber à demi-inconscient sur le sol.

Les secours arrivent très rapidement sur les lieux et constatent que sous la violence du choc sa jambe droite est entièrement sectionnée sous le genou, et que sa jambe gauche est cassée en trois endroits. Lorsque James Rubright de l’équipe de sauvetage saute de l’hélicoptère, il enlève aussitôt sa ceinture pour faire un garrot sur la jambe amputée, un geste qui lui sauve la vie.

Les médecins de l’hôpital St John ont peu d’espoir…

L’héroïque manœuvre pour éviter à son Cougar en perdition de s’écraser sur le lotissement a sauvé de nombreuses vies, mais l’a très gravement mutilé…

Contre toute attente, sa pugnacité et une excellente condition physique par ailleurs, lui permettent de survivre, hélas après trois semaines d’efforts acharnés pour sauver sa jambe gauche, les médecins doivent se résoudre à lui amputer celle-ci également…

Après l’amputation, les douleurs insoutenables, la fièvre, ont disparues et son état psychologique et physique sont en constante progression : « J’étais si reconnaissant d’être toujours en vie, j’aurais dû mourir dans ce crash ! »

En décembre il essaye ses nouvelles prothèses et n’a plus qu’un objectif : revoler avec la Navy. Passer le restant de sa vie à ne rien faire avec une pension d’invalidité, très peu pour lui… Il a perdu ses deux jambes, mais il veut retourner dans le ciel…

Il reçoit la Distinguished Flying Cross pour acte d’héroïsme après deux ans de convalescence.

Frank K. Ellis vient de recevoir sa Distinguished Flying Cross, à gauche son épouse Christine, à droite le vice-amiral Paul Stroop, commandant des forces aériennes navales de la flotte du Pacifique. 

Pour prouver qu’il peut revoler, il s’impose un entrainement sportif draconien, natation,  cyclisme, ski nautique, course d’obstacles etc… Et même un saut en parachute !

Frank K. Ellis se prépare pour une séance de ski-nautique.

A force de persévérance et de détermination les responsables de la Navy, pour le moins réticents, finirent par lui redonner une accréditation de vol temporaire, puis définitive, mais uniquement sur des appareils à double commandes et en présence d’un co-pilote qualifié.

Frank K. Ellis sortant de son McDonnell F3H Demon

Lorsque Frank Ellis entend à la radio que la NASA cherche des pilotes qualifiés ne mesurant pas plus d’1 m 82, il se dit qu’il est le seul pilote à pouvoir faire varier sa taille de 1 m 50 à 1 m 78… « Par ailleurs peut-être que la NASA utilisera une petite capsule, juste assez grande pour le plus petit pilote de la Navy… Je peux laisser mes jambes sur le pas de tir » ironisa-t-il lors d’une interview.

Lorsque la NASA retourna à la Navy les candidatures la concernant pour valider les présélections basées sur leur dossier militaire, le nom d’Ellis figurait sur la liste des 50 pilotes retenus. Après le passage par le chef des opérations navales, son nom n’apparaît plus… Lorsque l’amiral David MacDonald renverra la liste à la NASA accompagnée d’une lettre d’explication, il écrira que Frank Ellis n’est pas techniquement qualifié pour être astronaute, mais du point de vue de la motivation, de la formation, de l’entraînement, et de l’expérience, il était classé cinquième sur la liste.

Déçu et très en colère, il déclara que ne pas avoir de jambes ne diminuait en rien ses qualités de pilote, et que dans l’espace, en impesanteur, les jambes ne servent à rien !

Malgré toutes ses démarches Frank Ellis n’obtiendra jamais, non plus, sa certification solo…Il quitte la Navy le 31 octobre 1968 pour se consacrer à une carrière dans l’immobilier. Il est mort le 27 décembre 2016, laissant sa femme Christine, 4 enfants et 6 petits-enfants…

A ce jour aucun Homme handicapé n’est encore jamais allé dans l’espace !

Frank Ellis à bicyclette…

La famille Ellis circa 1964 : (De g. à d.) Debra Ann, David Alan, Daniel Andrew, Christine « Chris » son épouse, Dana Angela, et Frank. Tous les prénoms de ses enfants commencent par un D et le second par un A !

Frank K. Ellis a écrit un livre intitulé : « No Man Walks Alone ».