Betty Grissom assigne North American Rockwell en justice

Le 18 janvier 1971, quasiment quatre ans jour pour jour après les faits, la veuve de l’astronaute Virgil Grissom, décédé le 27 janvier 1967 dans l’incendie de la capsule Apollo 1 (ou AS-204) avec Edward White et Roger Chaffee, saisi le Tribunal de Grande Instance du Comté de Brevard dont dépend le Cap Canaveral et le Centre Spatial Kennedy pour assigner en justice la société North American Rockwell (depuis septembre 1967) et ses filiales.

Betty Grissom réclame le somme de 10 millions de dollars en dommages et intérêts. 

Par la voix de l’un de ses avocats de Houston, Ronald D. Krist, elle accuse la société de négligence criminelle.

Le vaisseau spatial n’avait pas de système anti-incendie approprié, n’avait pas de système d’évacuation d’urgence, et comportait des vices de conception, puisque le câblage a permis à un arc électrique de se former.

Quelques années plus tard Betty Grissom et ses deux fils, Scott et Mark, n’obtiendront finalement que 350 000 dollars (environ 1 500 000 USD en dollars constants) lors de tractations qui se dérouleront hors tribunal. 40% de cette somme ira aux avocats !

Betty Grissom et ses enfants ont toujours un ressentiment vivace envers la NASA.

L’intérêt des européens pour Apollo 14

En dépit d’une couverture médiatique importante, presse et télévision, les européens ont considéré la mission Apollo 14, qui s’est déroulée du 31 janvier au 9 février 1971, comme de l‘acquis.

En février 1971, une étude du New York Times révèle que l’intérêt des européens pour le programme spatial américain a diminué, depuis le premier atterrissage sur la Lune d’Apollo 11, et l’odyssée d’Apollo 13. Une exception notable l’Allemagne de l’Ouest.

Dans certains pays, les événements locaux ont éclipsé la troisième visite de l’Homme sur la Lune.

Des sondages en Allemagne de l’Ouest montrent que 64 % des allemands sont pour la continuation des vols spatiaux habités.

Le journal Frankfurter Rundschau dans un éditorial a écrit : « Ce que Shepard et Mitchell ont accompli n’aurait pas pu l’être par un Lunokhod. » (Lunokhod 1 est un véhicule mobile automatique bardé d’instruments scientifiques et photographiques envoyé vers la Lune le 10 novembre 1970 par l’URSS. Il atterrit dans la mer des Pluies le 17 novembre, fonctionnera une dizaine de mois, parcourant une dizaine de kilomètres…)

Les journaux polonais ont traité de la même manière Lunokhod 1 et Apollo 14, mais en soulignant l’exploit technologique du vaisseau automatique.

La presse soviétique, a bien sûr mis en exergue les problèmes rencontrés par Apollo 14, pour suggérer la supériorité des vaisseaux automatiques.

L’homme de la rue soviétique semble être blasé, bien que certains russes aient demandé des renseignements sur les vols lunaires à des occidentaux. Le journal Izvestia suit le vol Apollo 14 avec son correspondant à New-York qui écrit que la canne offert à Alan Shepard en guise de boutade juste avant le lancement, est devenue le vrai symbole de cette mission, puisque les articles font la part belle aux incidents rencontrés, notamment au début de la mission en orbite terrestre, lors du problème d’amarrage du module de service et de commande (CSM) avec le module lunaire (LM), qui permet d’extraire ce dernier du SLA.* Le journal pour les jeunes Komsomolskaya Pravda quant à lui loue l’indéniable bravoure des astronautes.

Au Royaume-Uni, le vol d’ Apollo 14 passe bien après les troubles en Irlande du nord, et la faillite de Rolls-Royce Ltd. Les retransmissions en direct de la mission Apollo 14 ont été bien en deçà de celles dévolues aux missions précédentes.

En Italie, Apollo 14 a partagé la une avec le tremblement de terre de magnitude 4,5 qui a rasé 60% de la ville de Tuscania, et les désordres civils, des émeutes éclatent à nouveau à Reggio de Calabre. Et le 9 février la panne de courant de plus de quatre heures à New-York a été aussi commentée que le retour sur Terre des astronautes. La couverture radio et télévisuelle des médias italiens a été la même mais l’intérêt du public moindre. Le pape Paul VI a qualifié Apollo 14 comme une avancée pour toute l’humanité.

En France l’intérêt du public a décru au fur et à mesure que la mission progressait. Les journaux et la télévision ont réalisé une couverture exhaustive de la mission mais les foules n’ont pas été aussi captivées qu’il y a deux ans.

Les espagnols également se sont désintéressés de l’exploration spatiale, comme les hongrois et les yougoslaves. Un responsable estudiantin d’obédience communiste de Zagreb a dit : « Si les américains et les russes avaient la bonne idée de coopérer dans l’espace, au lien d’emmener leur rivalité sur la Lune, peut-être qu’il pourrait y avoir du progrès scientifique sur Terre, et que les nations les plus modestes pourraient être aidées, qu’on leur apporte la connaissance au lieu de les exclure de la science en raison de son coût. »

*SLA = Spacecraft Lunar Module Adapter

 Manœuvre dite de la transposition, de l’amarrage et de l’extraction du LM

Trois voitures prennent feu au pad 39 A

Un curieux accident s’est produit le 25 mars 1970, trois voitures de sécurité ont pris feu à quelque 300 mètres de la fusée Saturn V, (SA 508 – Apollo 13), pendant le remplissage de ses réservoirs, lors du Countdown Demonstration Test* en cours au complexe de lancement 39 A.

Une grande quantité d’oxygène liquide, utilisée pour refroidir les pompes dans l’étage du lanceur, a été vidée dans un fossé de drainage à l’extérieur du périmètre du pas de tir.

Ce qui était jusque là une procédure routinière lors des phases de test. Normalement la brise dissipe cet oxygène, mais ce matin là il y a eu une brutale inversion de température et pas de vent. Un important nuage d’oxygène s’est formé dans le fossé de drainage et s’est répandu sur une route adjacente. Lorsque le conducteur de l’une des trois voitures de sécurité, garées à proximité, à voulu démarrer, il a entendu un drôle de bruit puis des flammes s’échapper du capot. Immédiatement les deux autres voitures se sont enflammées à leur tour.

Les officiers de sécurité ont pu sortir indemnes des véhicules. Il a fallu près d’une heure pour maîtriser le feu alimenté par le nuage d’oxygène. La Saturne V n’a pas été endommagée. Le test a pris 4 heures de retard mais s’est normalement terminé, jusqu’à la simulation de la mise à feu.

L’accident qui heureusement n’a fait aucune victime prouve que les opérations au sol peuvent présenter autant de dangers potentiels que le vol dans l’espace lui-même. Les conclusions de l’enquête ordonnée par Kurt Debus, le directeur du Centre Spatial Kennedy, ont conduit à la modification de certaines procédures opérationnelles et de sécurité. Les canaux de drainage ont été prolongés et aboutissent désormais dans une zone marécageuse loin de la route…

Ce sont des vapeurs d’oxygène qui en se mélangeant au carburant dans les carburateurs des moteurs, se sont enflammées lorsque le conducteur a mis le contact. La première voiture a été entièrement détruite, les deux autres très abimées. C’est l’unique accident de ce type dans l’histoire du centre spatial.

Les trois officiers de sécurité Earl Paige, John Denoyless et Noland Watson, étaient employés par la Wackenhut Corporation en charge de la sécurité et de la sécurité incendie au KSC depuis 1964**.

*Le CDT est une répétition grandeur nature qui permet de valider toute la chronologie des événements et des procédures (le compte à rebours) qui mènent jusqu’à la mise à feu du lanceur.

**Sous contractant de la firme Trans World Airlines qui était le contractant principal pour tout ce qui concerne la maintenance, l’entretien des installations, services médicaux, puis à partir de 1966 également en charge de la gestion du complexe touristique et des visites guidées, ce jusqu’en 1995.