La fête de mariage de Youri Gagarine

Anna et Alexeï Gagarine

Alekseï Gagarine, le père du premier cosmonaute, était un homme taciturne et bourru qui pouvait également se révéler cruel et particulièrement grossier.

Ainsi au cours de la fête de mariage de son fils, qui s’est déroulée le 7 novembre 1957, juste après la fin de sa formation d’officier à l’Ecole Supérieure de Pilotage de l’Armée de l’Air K. E. Vorochilov à Tchkalov*, Alexeï Gagarine a consterné toutes les personnes présentes…

Youri Gagarine, tiré à quatre épingles, selon les propres termes de son frère Valentin, a revêtu son nouvel uniforme sur lequel il arbore ses barrettes de lieutenant, il est bien évidemment assis en tête de table avec sa magnifique épouse Valentina, « Valia », à ses côtés.

A 23 ans, il s’agit certainement de l’un des plus beaux jours de sa vie, il est fier de montrer sa réussite à sa famille et ses amis.  Lorsqu’il avait quitté la maison familiale pour monter à Moscou son père ne lui avait-il pas fait une dernière recommandation : « Ne déshonore pas le nom de notre famille ! ». Et il n’avait encore rien vu, le meilleur restait à venir !

Alors que  les invités se préparent pour le cérémonial du premier toast, qui est l’un des moments forts de la célébration d’un mariage, le père de Youri Gagarine demande l’attention de tous en tapotant sa fourchette sur son verre.

Il se lève et félicite son fils pour son mariage et son grade d’officier. Il ajoute : « J’aimerai juste savoir une chose, as-tu officiellement enregistré ton mariage et as-tu un document  prouvant que tu es bien diplômé de l’académie militaire ? »

Un long silence s’ensuit, qui plombe littéralement l’atmosphère. Youri Gagarine finit par sortir un document de son portefeuille et le tend à son père qui l’examine attentivement. « Parfait, tout semble en ordre, je te félicite mon fils !»

Les convives ne savent pas trop quoi penser, Valentin, le grand frère de Youri non plus : « Si c’était une blague, elle était très mauvaise ! »

Gagarine avait-il l’habitude de mentir à son père, pour que ce dernier lui fasse cet affront en public, lors de son mariage de surcroît ?  Ou était-ce vraiment une « blague » ?

* Aujourd’hui, Orenbourg – De 1938 à 1957, la ville a porté le nom de Tchkalov du nom d’un célèbre pilote d’essai, Héros de l’Union Soviétique, Valeri Pavlovitch Tchkalov (qui n’y avait jamais mis les pieds !). A ne pas confondre avec la ville de Tchkalovsk, anciennement Vassiliovo, la ville de naissance de Valeri Tchkalov, rebaptisée en son honneur après son vol historique Moscou – Vancouver sans escale, en passant par le pôle Nord, réalisé en juin 1937 avec ses coéquipiers Géorgui Baydoukov et Alexandre Beliakov ! Les trois hommes ont réalisé cet exploit en 63 heures !

L’entrainement idéologique et culturel des cosmonautes

N.Kamanine

Outre bien évidemment une formation scientifique et technique, le premier groupe de candidats cosmonautes a également suivi 46 heures de cours sur le marxisme-léninisme, ce qui correspond à 8% de leur programme d’entrainement global.

Sous la direction du général Nikolaï Kamanine, le centre d’entrainement des cosmonautes intégra par ailleurs un programme d’enseignement culturel afin d’élargir l’horizon intellectuel de ces jeunes pilotes de chasse, dont la moyenne d’âge est de 28 ans (34,5 ans pour le premier groupe d’astronautes).

Une alternance d’activités pratiques, comprenant des visites de musées, de galeries d’art, de lieux historiques, des sorties au Bolchoï et autres théâtres, des concerts, même ceux donnés par des artistes occidentaux y compris américains, avec des cours magistraux dispensés sur des thèmes aussi variés que la Grèce antique, Rome, les maîtres de la Renaissance, Pierre le Grand, la peinture, l’opéra etc …

Le responsable de l’armée de l’air soviétique, le Maréchal Konstantin Vershinin, dont le faible niveau en anglais lui causait quelques soucis lors d’entrevues avec des dignitaires étrangers, avait exhorté Kamanine de faire en sorte que les cosmonautes parlent couramment la langue de Shakespeare.

Prestigieuse vitrine de l’Union Soviétique, les cosmonautes ont bénéficié d’un programme de formation des plus éclectique. Il était en effet de la plus haute importance de transformer ces militaires en des figures publiques, en de parfaits hérauts du socialisme triomphant !

 

Le premier Homme sur la Lune sera Russe

Wernher von Braun et le cosmonaute Gherman* Titov, le deuxième soviétique dans l’espace, se sont rencontrés en 1962 à l’occasion de la « tournée américaine »** de ce dernier qui s’est déroulée du 29 avril au 12 mai.

Titov était accompagné par sa femme Tamara et Nicolas Kamanine qui dirige le corps des cosmonautes.

Titov et von Braun ont pu converser ensemble avec l’aide d’un interprète. Ils sont tombés d’accord sur plusieurs points… Notamment, évoquant son vol spatial de 25 heures et 18 minutes (du 6 au 7 août 1961), au cours duquel il a effectué un peu plus de 17 révolutions autour de la Terre, il mentionne fièrement le fait qu’à deux reprises il a piloté sa capsule… Il confie à von Braun : « Je trouve l’idée du vol spatial entièrement automatisé comme insupportable. Lorsque des machines feront toutes les tâches de l’Homme ce dernier perdra toute liberté d’action, sans rien à faire il risque de devenir fou !»
Von Braun acquiesce.

Le cosmonaute fait également allusion au prochain atterrissage d’Hommes sur la Lune.
Il sort un crayon de sa poche et avec un mouvement ondulatoire le pose à la verticale sur sa paume pour illustrer l’atterrissage.
« Ce crayon est un produit russe comme la première sonde sur la Lune… Le premier Homme sur la Lune lui aussi sera Russe » affirme crânement Titov.


« La probabilité est de 50 pour cent  » rétorque malicieusement Von Braun.

* En russe : Герман. La traduction littérale de Герман  est en réalité Herman.

**Officiellement Titov est aux Etats-Unis dans le cadre du troisième symposium international des sciences spatiales qui se tient en même temps que la cinquième réunion plénière du Cospar – Committee on Space Research – dans les locaux de la National Academy of Sciences, à Washington D.C. Lors de son séjour en Amérique, Titov prononcera 8 discours, tiendra 20 conférences de presse, et participera même à une émission télé, « The Nation’s Future », sur NBC, avec Anatoly Blagonravov, John Glenn, Hugh Dryden. Au même moment Gagarine se rend en Australie et au Japon. John Glenn fera lui aussi un compte rendu sur son récent vol spatial (20 février 1962) lors de ce symposium.