Les chaussettes rouges de Joseph Shea

Si le directeur de vol Eugene Kranz (1933) est célèbre pour ses gilets, confectionnés par son épouse avant chaque vol qu’il dirigeait, Joseph Shea (1925-1999) directeur adjoint du Bureau des vols spatiaux habités (Office of Manned Space Flight), puis responsable du Bureau du vaisseau spatial du programme Apollo (Apollo Spacecraft Program Office) était connu, pour ne jamais se rendre à une réunion importante, sans porter des chaussettes rouges.

Un détail vestimentaire qui permet d’affirmer ostensiblement son caractère et une certaine fantaisie.

La chevauchée fantastique de John Llewellyn

John Llewellyn, le contrôleur de vol de la tranchée (c’est lui qui a donné ce surnom à la première rangée), le « retro »(retrofire officer) de légende, ancien de la mythique 1re Division des Marines, se couche exténué par des heures de simulations éprouvantes.

Le lendemain il se réveille et s’aperçoit qu’il est très en retard, une panne classique d’oreiller.

Il s’habille en vitesse, prend sa Triumph TR3, et fonce pied au plancher vers le Centre de Contrôle des Missions. Lorsqu’il arrive sur le parking, impossible de trouver une place, il fait le tour une fois, deux fois, puis n’y tenant plus, remonte l’allée, traverse la pelouse, franchit une bordure, et se gare juste à côté de l’entrée du bâtiment 30.  Montrant son badge à l’entrée, il se précipite vers la salle de contrôle et s’installe à sa console en grommelant.

A l’extérieur, les agents de sécurité entourent la voiture et recherchent son propriétaire.

Les directeurs de vol, Glynn Lunney et John Hodges, lassés de ses frasques à répétition (il avait notamment failli en venir aux mains avec Alan Shepard) décident de lui confisquer le laissez-passer pour sa voiture. John Llewellyn demande alors à Eugene Kranz, son partenaire de judo, d’intercéder en sa faveur. John Hodge reste ferme et avec son accent britannique lui répond : « Gene, le temps est venu de donner une bonne leçon à Llewellyn. Faire le trajet de l’entrée principale jusqu’ici à pied, ramollira un peu cette tête de mule. »

La distance à parcourir avoisinant le kilomètre et demi, John Llewellyn eut une idée. Une alternative non prévue par le règlement, en ce deuxième semestre de 1965.

C’est ainsi que le lendemain, il gare sa voiture et son van (remorque pour chevaux) sur le parking de l’hôtel Nassau Bay, face à l’entrée principale du centre spatial. Montant sur son cheval, tenant sa serviette en cuir d’une main, il présente son badge aux gardes médusés, c’est au galop qu’il parcourt le chemin jusqu’au bâtiment du centre de contrôle.

Un véritable  « Space Cow-boy »…

Pendant la semaine qu’a duré la suspension, on savait quand Llewelyn était présent. Son cheval était attaché aux râteliers à vélos, ou à un panneau de signalisation indiquant « stationnement interdit » !

Accoudés sur la console : (de g. à d.) Philip Shaffer (1936-2007) et John Llewellyn (1931-2012). 16 avril 1970.

Eugene Kranz, les ingrédients pour faire un bon contrôleur de vol

Le directeur de vol Apollo Eugene Kranz, incarne les qualités spéciales que tout contrôleur de vol doit posséder, à savoir  : jeunesse, vivacité d’esprit, une confiance en soi à toute épreuve, des nerfs d’acier, une mémoire sans faille.

Voici comment il décrit lui-même l’archétype du contrôleur de vol : « Idéalement, un contrôleur de vol doit avoir un soupçon de pilote de chasse en lui, beaucoup du pilote d’essai et beaucoup du contrôleur aérien de l’aéroport O’Hare*, le tout, enrobé de glace. »

* L’aéroport international de Chicago O’Hare, est l’un des aéroports les plus perturbés dans son trafic au monde, que ce soit en raison de la densité des rotations, ou des conditions climatiques difficiles qui règnent sur la région, jusqu’en 1998, il s’agissait de l’aéroport le plus fréquenté du monde.