Quel rapport entre Alex Olmedo et Wernher von Braun ?

L’immense journaliste sportif du New York Times, Arthur Daley (31 juillet 1904 – 3 janvier 1974), s’interroge dans un article fortement polémique, publié le 1er janvier 1959 dans la rubrique Sports of The Times, intitulé A Pyrrhic Victory (Une victoire à la Pyrrhus), pourquoi une Amérique forte de 171 millions d’habitants est incapable de trouver trois joueurs de tennis de nationalité américaine pour affronter l’équipe d’Australie en Coupe Davis.

En effet, l’équipe américaine de 1958 avait recruté Luis Alejandro Rodríguez Olmedo (24 mars 1936 – 9 décembre 2020) de nationalité péruvienne, pour disputer cette quarante-septième Coupe Davis, et notamment le Challenge Round face au tenant du titre, l’Australie, qui s’est déroulé du 29 au 31 décembre 1958 à Brisbane en Australie.

Alex Olmedo a pu représenter les Etats-Unis car il y vivait depuis plus de cinq ans et que son pays d’origine n’avait pas d’équipe de Coupe Davis.

Au final les américains gagnent le Challenge Round de la Coupe Davis 1958 (3-2) grâce à ses deux victoires en simple et sa victoire en double associé à Hamilton « Ham » Richardson (24 août 1933 – 5 novembre 2006).

Dans son article Daley écrit que « ce triomphe indésirable doit faire du tennis américain la risée du monde entier » et conclut par cette phrase : « la coupe devrait être exposée dans un musée Inca du Pérou afin que les fiers péruviens puissent l’admirer. Ce vieux trophée est bien trop terni pour pouvoir passer la douane et entrer aux Etats-Unis. »

En 1959 Alex Olmedo est classé deuxième joueur mondial de tennis amateur après l’australien Neale Fraser. Il est membre du International Tennis Hall of Fame depuis 1987.

Dans son édition du 11 janvier 1959, le New York Times publie certaines des nombreuses réactions des lecteurs, dont celle-ci, envoyée par une certaine madame William B. Dodge de Princeton dans le New-Jersey :

 » Personne ne s’est empressé de nous faire remarquer que [Dr Wernher von Braun] von Braun [qui dirige le programme des missiles de l’armée de terre] n’est pas américain. Pourtant M. Daley nous critique sévèrement pour accepter les talents d’un étranger qui a généreusement adopté notre pays comme deuxième patrie. Quel plus beau compliment pouvons-nous recevoir, que celui d’un étranger fier de représenter les Etats-Unis ? « 

Wernher von Braun reçoit la President’s Award for Distinguished Federal Civilian Service

Le 18 avril 1957, deux ans seulement après avoir été naturalisé américain (14 avril 1955) Wernher von Braun reçoit, la Distinguished Civilian Service Medal, la plus haute récompense que le Département de la Défense puisse octroyer à un civil, des mains du Secrétaire de la Defense, Charles Erwin Wilson (18 juillet 1890 – 26 septembre 1961), celui qui décrétera le 26 novembre 1957, que seule l’US Air Force pourra développer des missiles d’une portés supérieure à 200 miles (320 km). Un grave revers pour l’ Agence des missiles balistiques de l’armée de terre (Army Ballistic Missile Agency – ABMA) dont von Braun est le directeur du développement. Huntsville le lui rappellera

Wernher von Braun et Charles Wilson – 18 avril 1957.

Vingt-et-un mois plus tard, Wernher von Braun, et quatre autres personnes, reçoivent le President’s Award for Distinguished Federal Civilian Service (Prix du président pour service civil fédéral distingué) lors d’une cérémonie à la Maison-Blanche qui s’est déroulée le 20 janvier 1959 à 10:30.

La décoration, une médaille en or, est personnellement remise aux récipiendaires par celui-là même qui l’a créée, le 27 juin 1957, le président des Etats-Unis, Dwight David Eisenhower.

Elle récompense des « contributions si extraordinaires que le fonctionnaire ou employé mérite une plus grande reconnaissance publique que ne pourrait l’exprimer le responsable du ministère ou de l’agence dans lequel ou laquelle il est employé.»

Il s’agit de la plus haute récompense que le gouvernement fédéral puisse octroyer à un fonctionnaire.

Eisenhower déclara :

« Les brillants accomplissements de ces employés fédéraux ont contribué de manière notable aux progrès dans l’application de la loi, les affaires étrangères, la recherche scientifique et le développement de missiles. Leurs réalisations représentent un défi constant et un monument durable à l’ingéniosité et à la capacité des employés fédéraux.

La force de notre nation et de ses institutions libres découle de l’imagination, de la compétence et des efforts particuliers de notre peuple. Nous tous, qui occupons des postes de direction au sein du gouvernement, avons la responsabilité importante d’encourager l’effort supérieur et le pouvoir d’idées constructives qui existent au sein de la fonction publique fédérale. Ce sont les qualités qui mènent au progrès. Et le progrès est l’élément nécessaire pour relever les défis de cette époque. »

Le président a prononcé ces paroles avant de remettre cette distinction à ces cinq personnes (par ordre alphabétique) :

James V. Bennett, directeur du Bureau des prisons, ministère de la Justice, pour « un leadership exceptionnel dans la direction du Bureau des prisons et en établissant des politiques visant à améliorer le traitement correctionnel des délinquants »

Robert D. Murphy, sous-secrétaire d’État adjoint aux Affaires politiques, pour « avoir résolu, avec une compétence diplomatique exceptionnelle, de nombreuses crises internationales qui menaçaient les intérêts vitaux des États-Unis ».

Doyle L. Northrup, directeur technique, Special Weapons Squadron, Département de l’Armée de l’Air, pour « sa responsabilité dans la mise en place d’un réseau pour détecter les explosions atomiques n’importe où dans le monde ».

Hazel K. Stiebeling, directrice, Institute of Home Economics, ministère de l’agriculture, pour « ses contributions durables à la science de la nutrition humaine et, par-là, à la santé du peuple américain ».

Wernher von Braun, directeur, Division des opérations de développement, Agence des missiles balistiques de l’armée, Département de l’Armée, pour « ses contributions exceptionnelles au développement de missiles et au lancement du premier satellite des États-Unis ».

La citation énonce également : « La sécurité du pays et du monde libre a été renforcée par son grand savoir et ses réalisations extraordinaires. »

En s’approchant Eisenhower sourit et lui dit : « Toutes mes félicitations, nous sommes fiers de vous ».

De gauche à droite : Wilber M. Brucker (23 juin 1894 – 28 octobre 1968), Secretary of the Army ; Wernher von Braun (23 mars 1912 – 16 juin 1977) ; le président des Etats-Unis, Dwight D. Eisenhower (14 octobre 1890 – 28 mars 1969).
De g. à d : Wernher von Braun, Hazel K. Stiebeling, Sybil l’épouse de Doyle L. Northrup qui se trouvait alors à Genève lors des pourparlers sur la suspension des essais des armes nucléaires.

Wernher von Braun élu « Patron de l’année »

Le samedi 15 avril 1961, 3 jours après le vol de Youri Gagarine, à Middletown, Ohio, Wernher von Braun est élu « Patron de l’année » (Boss of the Year) par l’association nationale des secrétaires (National Secretaries Association – désormais la International Association of Administrative Professionals) fondée à Topeka au Kansas en 1942. Le siège social de l’association est sis à Kansas City dans le Missouri.

En 1952 l’association instaure la semaine des secrétaires, la dernière semaine du mois d’avril, puis la journée de la secrétaire, le mercredi de cette même semaine.

La présidente de l’association, Evelyn G. Day, lui a remis le trophée le mardi 25 avril 1961 au Rotary Club de la ville de Decatur, qui se trouve à une quarantaine de kilomètres au sud-ouest de Huntsville, en présence du maire Murray Dodd qui lui décernera la distinction de citoyen d’honneur de la ville.

Murray Dodd, Wernher von Braun, Bonnie Holmes.

Von Braun a été nominé par sa secrétaire Bonnie Holmes (8 octobre 1930 – 5 décembre 2014), qui est restée son assistante personnelle pendant 18 ans. Il lui a avait proposé de l’accompagner à Washington lorsqu’il a été nommé Administrateur associé adjoint en charge de la planification en 1970, mais comme toute sa famille résidait en Alabama, elle déclina l’offre.

Elle acceptera toutefois volontiers de passer plusieurs jours à Washington pour aider son ancien patron, et c’est elle qui fit passer les entretiens d’embauche pour recruter sa nouvelle secrétaire. Elle choisit la meilleure, Julia « Julie » Kertes.

Bonnie Holmes fut embauchée le jeudi 8 mai 1952, le jour de naissance de Margrit, la deuxième fille de von Braun, et travailla avec lui jusqu’en mars 1970.  

Lorsque von Braun et son épouse voyageaient à l’étranger, ils utilisèrent quelquefois l’identité de sa secrétaire et son mari, Emern Holmes, pour plus de confidentialité et de sécurité.

Lorsque von Braun présentait son assistante à de nouveaux visiteurs, célèbres ou non, il disait invariablement : « La dame pour laquelle je travaille, mon vrai patron. »  

« He had a very good personality. He was always very friendly. He never had to fuss at me. We were very busy and some of the work was quite challenging for me. But he was a good boss, a really good boss, the best boss I ever had. He was one of a kind. »

Bonnie Holmes