Wernher von Braun et Hermann Oberth

Hermann Oberth fut le premier professeur de “fuséologie” de Wernher von Braun. Oberth, que beaucoup d’allemands trouvaient excentrique, et ses idées visionnaires loufoques !

Wernher von Braun était heureux, d’avoir été l’un des rares à penser, que les idées d’Oberth étaient plausibles et se réaliseraient, il avait alors une quinzaine d’années !

“Dans son livre de 1923″ *, raconte von Braun au début des années soixante, “il a essayé de prouver scientifiquement quatre choses qui dépassaient la compréhension de la plupart de ses contemporains, à savoir :

  • que l’on peut construire un engin et l’envoyer dans l’espace
  • que l’Homme sera en mesure de s’affranchir de la gravité terrestre
  • que l’Homme pourra survivre dans un vaisseau spatial
  • que la recherche spatiale génèrera des bénéfices

Les trois premiers postulats ont été confirmés sans le moindre doute, et je pense que le quatrième est sur le point de l’être ! »

Oberth et von Braun en 1961

Die Rakete zu den Planetenraümen (Les fusées dans l’espace interplanétaire), la première thèse de doctorat au monde sur la navigation dans l’espace.

Wernher von Braun, un tramway nommé désir

Lorsqu’en 1949, le gouvernement américain, décide de transférer l’équipe de Wernher von Braun, qui se trouve alors à Fort Bliss au Texas, près de la ville d’El Paso, à l’Arsenal  Redstone à Huntsville en Alabama, afin que la Rocket Team puisse se consacrer au développement de nouveaux missiles au sein de l’armée, le Département d’Etat (Ministère des Affaires Etrangères) doit faire face à un problème.

En effet, les allemands ont été emmenés aux Etats-Unis dans le cadre de l’opération militaire Paperclip et sont officiellement considérés comme des prisonniers de guerre, au regard des lois de l’immigration, ils n’ont pas d’existence légale.

Le problème est rapidement résolu le 2 novembre 1949, en emmenant le groupe à Juarez au Mexique, une ville qui fait face à El Paso (les deux villes ne sont séparées que par le Rio Grande) pour faire entrer tout ce petit monde légalement aux Etats-Unis.

Le but étant qu’au bout de cinq ans, les spécialistes allemands puissent acquérir la nationalité américaine. Il est en effet impératif de résider aux États-Unis de manière permanente pour une durée minimale de cinq ans, avant de pouvoir prétendre à la citoyenneté américaine.

Sur le formulaire de demande de naturalisation qu’ils eurent à remplir, ils durent répondre à la question « Comment êtes-vous entré aux Etats-Unis ? » ils répondirent : « Ligne de tramway de Juarez. »

Comme le fera remarquer Wernher von Braun : « C’était notre tramway nommé désir ! » (A Streetcar Named Desire)

Avec l’adoption de la troisième Convention de Genève le 12 août 1949 relative au traitement des prisonniers de guerre, et notamment la modification de certains textes concernant le statut de ceux s’étant volontairement constitués prisonniers, ainsi que la quatrième Convention de Genève concernant la protection des personnes civiles en temps de guerre, le statut juridique des membres de l’équipe de von Braun devait être rapidement normalisée.

Sans compter, que les américains ne voulaient bien évidemment pas se priver des compétences de cette « équipe » unique dans les annales de l’Histoire…

Wernher von Braun et Erich Warsitz font la tournée des grands ducs

Après une journée de travail au centre d’essais de Kummersdorf, Wernher von Braun emmène Erich Warsitz à Berlin dans sa vieille Opel. (cf https://www.anecdotes-spatiales.com/la-guimbarde-du-jeune-dr-von-braun/)

Ils se garent dans l’avenue Kurfürstendamm, l’une des plus chics de la ville et haut lieu de la vie nocturne berlinoise.

Ils commencent par aller manger un ragoût dans un restaurant, tout en parlant des prochains essais que Warsitz doit effectuer avec le moteur fusée conçu par von Braun.

Puis ce dernier suggère d’aller faire un tour au Aschinger, un fameux restaurant gastronomique de la ville. Warsitz constate que von Braun est un habitué, lorsque le serveur vient prendre la commande, notamment des cigares au choux. Les portions servies sont extrêmement copieuses et von Braun mange avec appétit.

Le Zigeunerkeller dans les années 30.

Plus tard, ils se rendent au célèbre Zigeunerkeller, où est présent le Comte Bernhard de Lippe-Biesterfeld, qui le 7 janvier 1937, épousera la princesse Julianna héritière des Pays-Bas, et deviendra Prince consort des Pays-Bas lorsque son épouse devient reine en 1948, qui ce soir-là offre une tournée générale, rien moins qu’une bouteille de Champagne pour chaque table. Cette virée nocturne s’achève vers six heures du matin.

Une banale anecdote à première vue…

Mais en creusant un peu le sujet, on apprend que le restaurant bar à vins Zigeunerkeller (Cave du Gitan), le lieu de rencontre privilégié du Berlin mondain, appartenait à un juif, Karl Kutschera, qui sera victime des persécutions antisémites des nationaux-socialistes.

Le journal hebdomadaire nazi  Der Stürmer décrit le Zigeunerkeller comme « L’Eldorado des Juifs de la Kurfürstendamm ».

En 1937, Kutschera  après maintes brimades devra céder sa licence…  En 1936, année où se passe cette anecdote, von Braun ne pouvait ignorer les attaques dont était victime cet établissement, et, comme beaucoup d’allemands non juifs, continuait de s’y rendre !

La famille Kutschera sera déportée le 19 mai 1943 au camp de concentration de Theresienstadt.

Karl Kutschera et sa seconde épouse survivront, mais leurs deux enfants Klaus Gerhard  né en 1926, et Karin Gertrud née en 1927, seront emmenés à Auschwitz et assassinés.