Wernher von Braun en haut de la vague

La voile, le ski nautique, la natation, la plongée sous-marine, ne sont pas les seuls sports nautiques que Wernher von Braun pratiquait avec assiduité.

C’est en 1958, à l’âge de 46 ans, que Wernher von Braun prend son premier cours de surf, sur la célèbre plage de Waikiki à Hawaii.

Un matin, il demande à un surfeur (beach boy) de bien vouloir lui donner des leçons.
« La veille, je suis allé nager loin du rivage pensant que ce serait un jeu d’enfant, d’attraper une vague, monter sur la planche, et revenir vers la plage en surfant. Mais j’ai été incapable d’attraper la moindre vague. »

Après quelques conseils et exercices sur le sable, notamment le critique « redressement », professeur et élève prennent l’océan, à plat ventre sur leur planche, et pagayent avec les bras pour atteindre le large.

A la première tentative Wernher von Braun tombe à l’eau . Le surfeur l’exhorte à fléchir les jambes et à bien écarter les pieds.

A la huitième tentative il réussit à surfer une magnifique vague jusqu’à la plage.

Bien que satisfait par sa performance, il fait preuve d’humour en déclarant : « J’ai appris le truc le plus important : rester debout en posant un pied devant l’autre !»

 

Une sortie en voilier sous la pleine Lune

La voile était l’un des passe-temps favoris de Wernher von Braun, Peenemünde offrait de nombreuses opportunités pour assouvir sa passion.

L’ingénieur Klaus Scheufelen qui a travaillé sur les missiles Wasserfall et Taifun, se souvient d’une sortie avec Wernher von Braun en compagnie de Leo Zanssen, l’ingénieur, colonel, commandant de la base de Peenemünde :

« En juillet 1943, peu de temps avant le grand raid aérien sur Peenemünde, Wernher von Braun, Leo Zanssen et moi naviguions de Peenemünde à Greifswalder Oie, une île, où, malgré les restrictions du temps de guerre, on  pouvait encore bien manger, à la ferme auberge où nous avions l’habitude d’aller.  A mi-chemin le vent du nord a cessé de souffler, et comme la nuit commençait à tomber nous avons décidé de rebrousser chemin. La pleine Lune était déjà bien visible. Soudain von Braun s’exclame :  « Nous devons y aller !. » Stupéfait je lui réponds : « Sans vent nous n’y arriverons pas ! ». « Je ne parle pas de l’île, mais de la Lune ! » précise von Braun qui se lance alors dans une discussion passionnée.  Il évalue ainsi la faisabilité et le coût d’une telle entreprise ; si je me souviens bien, Wernher von Braun l’a estimée à quatre milliards de marks (Reichsmarks). »

Sachant qu’en 1941 le taux de change officiel  s’établissait à 1 Reichsmark pour 2,5 USD (aucun taux de change n’est disponible pour les années 1942 à 1948 –  A la création du Reichsmark en 1924 :  1 RM = 4,2 USD), un petit calcul rapide nous donne 4 milliards de RM = 10 milliards de dollars (USD 1941), soit 22 milliards de dollars (USD 1966), soit enfin 26 milliards de dollars (USD 1970)

Il se trouve que le coût du programme Apollo est estimé à 25 milliards de dollars (USD 1970)

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Wernher von Braun sur son sloop en mer Baltique, au large de Peenemünde (Photo prise en 1939 – Scan : Olivier COUDERC)

Wernher von Braun ou ma patrie est le monde

Comme chacun sait, à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, Wernher von Braun et son équipe se sont rendus aux américains.

Ainsi que l’a caricaturalement résumé l’un des membres du groupe : « Nous méprisions les français, étions mortellement effrayés par les soviétiques, ne croyions pas que les britanniques puissent s’offrir nos services. Alors il ne restait que les Américains. »

Ce fut une décision tout à fait clairvoyante, comme le démontrera la suite des événements…

Devenu homme public, Wernher von Braun rencontrera moins d’hostilité liée au fait d’avoir développé des missiles à Peenemünde pendant la guerre, certainement parce que jusqu’en 1960 lui et son équipe feront exactement la même chose aux Etats-Unis, que celle d’avoir soi-disant opportunément changé de patrie.

Il y eut quelques manifestations sporadiques de petits groupes de pacifistes, tel celui qui a défilé devant le cinéma de Munich, où fut projeté en avant-première son film biographique « I aim at the stars » (« Je vise les étoiles » – « Ich greife nach den Sternen »), en brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire: « Diese Raketen ziehlen nicht auf die Sterne, sondern auf das Leben » : « Ces missiles ne visent pas les étoiles, mais la vie! »

En revanche, beaucoup plus nombreux furent ceux qui raillèrent l’apparente facilité avec laquelle von Braun a changé de patrie, affirmant qu’il n’aurait sans doute aucun scrupule à refaire la même chose si cela devait servir ses ambitions.

Ainsi, alors que Wernher von Braun devait assister à un lancement important au Cap Canaveral, on prévient les journalistes qu’un empêchement de dernière minute ne lui permettra pas d’être présent… Un reporter, sans doute inspiré par la chanson de Tom Lehrer lança : « Qu’est-ce qui se passe, il ne veut pas interrompre ses cours de chinois ? »

A ses détracteurs Wernher von Braun répondait ceci :  » Quelle est ma patrie ? Le domaine de mon père, qui est maintenant en Pologne ? La propriété de la famille von Braun en Prusse, qui fait maintenant partie de l’Union Soviétique ? Mes quartiers à Peenemünde, qui se trouvent maintenant à l’est ? Mon vrai chez-moi est devenu inaccessible… »

« Ma patrie est le monde  » Sénèque