Wernher von Braun prend le Concorde

L’Aérospatiale avait organisé en 1974 une grande tournée de démonstration de Concorde sur le continent américain, à laquelle Wernher von Braun n’avait pas pu assister.

Lors d’une escale à Los Angeles où une réception avait été organisée par Air France, André Turcat (1921-2016), le pilote d’essai en chef du Concorde, qui effectua le premier vol de Concorde à Toulouse-Blagnac le 2 mars 1969, et son premier vol supersonique le 1er octobre 1969, aperçoit Wernher von Braun avec qui il avait pu discuter lors du lancement d’ Apollo 11, cinq ans plus tôt.  

Au cours de la conversation chaleureuse qui s’en suit, André Turcat demande à Wernher von Braun s’il est disponible le lendemain pour les accompagner jusqu’à leur prochaine escale, Acapulco au Mexique. A son grand regret, Wernher von Braun doit refuser l’alléchante proposition en raison d’un emploi du temps surchargé.

Un an plus tard, alors que von Braun se trouve à Paris dans le cadre du 31e Salon du Bourget, qui s’est déroulé du 30 mai au 3 juin 1975, sa route croise à nouveau celle d’André Turcat à l’occasion d’un cocktail donné à l’ambassade d’Allemagne dont l’ambassadeur n’est autre que le frère ainé de Wernher Von Braun, Sigismund (1911-1998). A ce moment-là Wernher von Braun ne travaillait plus pour la NASA, mais pour Fairchild Industriesdont il était le vice président.

André Turcat se hasarde à nouveau : « Seriez-vous libre demain Monsieur ?

– Ma foi oui, il suffit que je sois dans trois jours à Washington !

– Eh bien il y a de très bons vols entre Rio et Washington je crois.

– Entendu je suis votre homme.

C’est ainsi que le dimanche 1er juin 1975 Wernher von Braun est l’une des 57 personnalités invitées pour partager l’un des vols de démonstration Paris-Rio de Janeiro, quelques mois avant l’ouverture officielle de la ligne.

A l’origine ce vol avait été organisé par Marcel Cavaillé (1927-2013) alors secrétaire d’état aux Transports et ancien sénateur de Haute-Garonne.

A bord se trouvaient notamment Jean-Yves Richard directeur des ventes Aérospatiale et Georges Fabre qui fut longtemps le spécialiste de l’aéronautique et de l’espace pour FR 3 Toulouse…

La traversée entre Paris et Rio dura cinq heures et quarante minutes, le magnifique oiseau arriva à atteindre la vitesse de Mach 2,04, à 18 000 m au-dessus de l’Océan, soit 600 m/s, qui est la vitesse d’une balle.

L’appareil utilisé est le Concorde 003, celui-là même qui fut utilisé pour le film « Airport 80 Concorde » de David Lowell Rich (dont le titre original est : « The Concorde… Airport ’79 ») sorti en 1979, avec notamment Alain Delon et Robert Wagner… Et, celui qui s’est écrasé à Gonesse le mardi 25 juillet 2000… Un appareil qui totalisait 11 989 heures de vol.

* Le siège de Fairchild se trouve à Germantown (Maryland), ce qui ne s’invente pas !

Gene Bylinsky à propos de la Saturn V

Le journaliste spécialisé dans la science et la technologie du magazine « Fortune », Gene Bylinsky (1930-2008), dans son remarquable article intitulé  « Dr. von Braun’s All-Purpose Space Machine » (La machine spatiale à tout faire du Dr von Braun) paru dans le numéro de mai 1967, avait calculé que la Saturn V pouvait lancer l’équivalent de 1 500 Spoutnik I, 9 000 Explorer I, ou 42 capsules Gemini !

Dans cet article publié quelques six mois avant le tout premier lancement de la fusée « ultime », le 9 novembre 1967 très exactement, le journaliste écrit que :

« La Saturn V sera probablement utilisée pour explorer Mars et les autres planètes du système solaire. Monstrueuse fusée qui peut envoyer 140 tonnes en orbite terrestre, 47 tonnes vers la Lune, 20 tonnes vers Mars » !

En réalité, seulement 15 Saturn V seront fabriquées, au coût unitaire de 120 millions de dollars (870 millions en USD constants), et seuls treize lancements auront lieu !

Malheureusement, la Saturn V ne sera jamais « la machine spatiale à tout faire du Dr von Braun » !

Crédit photo de couverture : Barrett Gallagher

Un ingénieur de Boeing inspecte la tuyère d’un des cinq moteurs F1 du premier étage de la fusée Saturn V / NASA Assembly Facility, New Orleans

Wernher von Braun, un dernier regard en arrière

Une avant garde, constituée par Wernher von Braun, Erich W. Neubert, Theodor A. Poppel, August Schultze, Eberhard Rees, Wilhelm Jungert and Walter Schwidetzky, est choisie pour devancer de quelques semaines le contingent de savants allemands spécialistes « ès fusées », qui doit venir travailler aux Etats-Unis pour le compte de l’armée.

Le 12 septembre 1945, ce premier groupe au départ de Francfort, embarque dans un camion et une jeep à destination de Paris. C’est à Homberg (en Rhénanie-Palatinat), à quelque 80 km de la frontière, que sont effectuées les dernières formalités administratives pour l’entrée sur le territoire français.

Alors qu’ils s’apprêtent à passer la frontière, Wernher von Braun dit à ses camarades : « Jetez un dernier long coup d’œil à l’Allemagne, car vous ne la reverrez pas avant longtemps ! »

Incrédule l’un d’eux répond : « Tu crois vraiment ? Nous n’avons qu’un contrat de six mois avec les américains ! »

– « Nous n’avons peut-être qu’un contrat de six mois, mais je pense que nous ne reviendrons pas en Allemagne de sitôt ! »

Wernher von Baun a vu juste, en ce qui le concerne, ce n’est que tout début 1947 qu’il retournera brièvement en Allemagne pour se marier, le 1er mars, avec sa très belle cousine Maria Von Quistorp.

La plupart des membres de la Rocket Team seront naturalisés américains et resteront définitivement aux Etats-Unis.