Les leçons d’Apollo : trouver la bonne décimale

Si la marge de sécurité des éléments structuraux du vaisseau Apollo était de 1,5*, que devait-il en être des systèmes embarqués et de l’électronique ?

C’est au cours d’une petite réunion que Robert Gilruth (Directeur du Space Task Group), Maxime Faget (Ingénieur, membre du STG, concepteur de la capsule Mercury), Caldwell Johnson (Ingénieur, membre du STG, collaborateur de Faget) et Walter Williams (Directeur adjoint du STG puis Directeur des Opérations en Vol) se sont mis d’accord sur le degré de fiabilité que les divers composants devaient avoir.

Maxime Faget considérait que compte tenu de la difficulté de l’entreprise 1 défaillance sur 10 était acceptable. Une mission ratée sur 10 ! Quant à la sécurité des astronautes il estimait qu’elle devait être de 99%, soit 1 chance sur 100 pour eux de s’en tirer sains et saufs !

Walt Williams, quant à lui, préférait un taux de réussite pour les astronautes de 99,9999% soit une chance sur un million pour qu’une perte humaine survienne !

Gilruth trouvait les chiffres de Faget insuffisants et ceux de Williams complètement irréalistes ! « C’est comme retarder sa montre lorsque l’on sait que l’on va pas être à l’heure à un rendez-vous ! » lui dit-il !

Finalement ils se mirent d’accord sur les chiffres suivants :  99% de chances de succès pour une mission et 99,9% de chances de survie pour l’équipage. Ce « triple neuf » deviendra l’un des chiffres les plus importants du programme Apollo. Une chance sur mille pour qu’une catastrophe humaine se produise.

La Saturn V étant constituée d’environ 6 millions de pièces, statistiquement 6 000 pouvaient souffrir d’une défaillance.

C’est en une dizaine de minutes que fut prise cette décision, par quatre hommes qui cumulaient une expérience de plus de 100 ans dans le domaine aéronautique.

S’ils avaient enlevé une décimale, le coût du programme Apollo aurait été divisé par deux, s’ils en avaient ajouté une, il n’y aurait probablement pas eu assez d’argent sur la planète pour accomplir la tâche.

* Cela signifie que les structures pouvaient encaisser 50% de sollicitation ou de contrainte supplémentaire par rapport aux calculs de résistance les plus extrêmes effectués dans le cadre de leur utilisation.

Un trait d’humour d’Alan Shepard

En 1989, lors des commémorations du 20ème anniversaire d’Apollo 11, Alan Shepard fait un petit discours face à un large public rassemblé dans l’auditorium du Centre Spatial Johnson.

Évoquant son premier vol, effectué le 5 mai 1961, la première mission spatiale américaine, il déclare avec beaucoup d’humour : « Lorsque Ham a refusé de monter dans la capsule, j’ai été obligé de le remplacer. »

On se rappelle que le sujet 65, un pan troglodytes prénommé Ham, a effectué un vol suborbital le 31 janvier 1961, quelques trois mois avant le sien, et avait même été entraîné pour effectuer un second vol spatial.

Alan Shepard reçoit un appel téléphonique du président Kennedy

Moins d’une heure après son arrivée sur le porte-avions Lake Champlain, « The Champ », Alan Shepard reçoit un appel téléphonique du Président Kennedy, qui a suivi la mission Freedom 7 en direct à la télévision depuis la Maison Blanche.

Kennedy : Bonjour, Commander. (Grade US Navy, équivalent de Lieutenant-Colonel dans l’armée de Terre).

Shepard :  Oui Monsieur

Kennedy : Je veux vous adresser mes plus vives félicitations.

Shepard : Merci beaucoup M. le Président.

Kennedy : Nous avons suivi le décollage à la télévision bien sûr, et nous sommes infiniment heureux et fiers de ce que vous avez accompli.

Shepard : Merci beaucoup Monsieur. Comme vous le savez maintenant, tout c’est parfaitement bien déroulé et ce fut une expérience extrêmement gratifiante pour moi ainsi que pour ceux qui l’ont rendu possible.

Kennedy : Nous sommes impatients de vous voir ici à la Maison Blanche.

Shepard : Merci beaucoup. Je suis impatient également, je vous assure.

Kennedy : Les membres du Conseil National de Sécurité se réunissent ce matin pour évoquer d’autres sujets et ils souhaitent tous vous féliciter également.

Shepard : Merci beaucoup monsieur et je suis impatient de vous rencontrer prochainement.

Kennedy : Merci Commander, et bonne chance.

Shepard en conversation avec JFK