Tout un poème pour Spoutnik

Devant l’affolement populaire et le déchaînement médiatique liés à Spoutnik, le Président Eisenhower veux se montrer rassurant en déclarant fort justement le 9 octobre lors d’une conférence de Presse «En ce qui concerne notre sécurité, je ne vois rien actuellement, qui puisse constituer une menace».

Le week-end suivant la mise en orbite du premier satellite, il va ainsi jouer au golf comme de coutume pour bien montrer à ses concitoyens qu’il n’y a absolument rien à craindre et essayer d’apaiser ce vent de panique, voire d’hystérie, que Spoutnik a déclenché aux Etats-Unis.

La presse, l’opinion publique et les Démocrates ne l’entendent pas de cette oreille. Ainsi on peut lire à la une du journal The Birmingham News : «Ike joue au golf, il se tient au courant».

Ike_golf copy1

(New Statesman 19 Oct. 1957)

Le gouverneur Démocrate du Michigan, Mennen Williams (1911-1988), s’improvisera poète en produisant ces deux quatrains qui mêlent le golf et Spoutnik :

Oh petit Spoutnik qui vole si haut
Avec ton bip “made in” Moscou
Tu dis au monde que le ciel est aux cocos
Alors qu’Oncle Sam est endormi

Tu fais savoir sur les fairways et les hautes herbes
Le Kremlin est compétent,
Nous espérons que notre golfeur le sera tout autant
Afin que nous réagissions rapidement.

Oh little Sputnik, flying high

With made in Moscow beep,

You tell the world it’s a Commie sky

And Uncle Sam’s asleep.

 

You say on fairways and on rough

The Kremlin knows it all,

We hope our golfer knows enough

To get us on the ball.

Réalité objective et Opinion Publique

En avril 1960 les Etats-Unis avaient 10 satellites en orbite autour de la Terre, alors que les soviétiques n’en avaient que deux.

Un sondage effectué en Grande-Bretagne ce même mois demandait quelle superpuissance possédaient le plus de satellites. Seulement 7% des interrogés ont donné la bonne réponse. (New York Times, 27 octobre 1960)

Le mythe du missile gap

Le 18 août 1960, le satellite espion Discoverer 14 éjecte sa précieuse capsule, contenant les photos de l’Union Soviétique prises depuis une orbite polaire. La capsule engage son retour sur Terre, vers une zone située près d’Hawaii. Vers 18 kilomètres d’altitude, elle descend sous parachute, et est récupérée en vol à environ 4 000 mètres par l’un des cinq avions C-119 F du 6594 ème Test Group de l’US Air Force, stationné à la Hickam Air Force Base à Hawaii, qui fut créé spécialement en 1958 pour ces missions spéciales.

[Avec Discoverer 13 cette unité a réalisé la première capture d’un objet qui fut en orbite autour de la Terre (une capsule test). Avec Discoverer 14, ce fut la première récupération opérationnelle, une vraie capsule. Ce genre d’espionnage s’appelle IMINT (IMagery INTelligence) ou ROIM en français (Renseignement d’Origine IMage)]

Le satellite et sa caméra KH-1 (KH pour Keyhole : « trou de serrure ») ont photographié 4 270 000 kilomètres carrés du territoire soviétique. Les américains découvrent notamment 64 bases aériennes, des sites de lancement de missiles sol-air, les bases spatiales de Baïkonour et Plesetsk, etc.

En quelques jours, un petit satellite, a collecté plus d’informations sur l’ennemi, que les 24 vols à haut risque de l’avion U2 en quatre ans.

Mais avant tout, cette mission a démontré que l’Union Soviétique ne possédait pas des centaines de missiles balistiques intercontinentaux, prouvant que le « missile gap » était un mythe inventé de toute pièce par Kennedy et les démocrates pour la campagne présidentielle.

Mais le programme Corona était top secret, et rien ne sera divulgué par l’administration Eisenhower !

ku-xlarge

Anecdote dans l’anecdote :  Le 6594 ème Test Group a pris comme devise « Catch a Falling Star » (Attraper une étoile filante) car en rentrant dans l’atmosphère, telle une météorite, la capsule contenant les photos brille comme une étoile en raison de l’échauffement provoqué par le frottement dans l’air.

catch a falling star