Un petit tour sur la Lune et puis s’en va

Bien avant le triomphe d’Apollo 11, des premiers Hommes sur la Lune, l’Amérique avait déjà commencé à réduire ses dépenses spatiales civiles, très exactement dès 1966 lorsque pour la première fois depuis sa création le budget de la NASA est revu à la baisse.

Ainsi le budget 1967 (voté en 1966) sera amputé de plus de 500 millions de dollars par rapport à l’année précédente.

Au fil des années ce budget ne cessera de décroître pour ne plus représenter que moins de un pour cent du budget fédéral. Dans ces conditions, un projet de base lunaire, qui eut été une suite logique au programme Apollo n’a même jamais été sérieusement envisagé, au grand dam de Wernher von Braun, qui ne se prive pas pour dire tout haut ce qu’il pense de cette gabegie annoncée :

« Ainsi nous allons mettre un terme à notre effort, à tout ce que nous avons réussi, à tout ce que nous avons difficilement développé pour envoyer un Homme sur la Lune. Alors certains diront peut-être, qu’après tout, la seule et unique promesse faite au peuple américain est de faire atterrir un Homme sur la Lune, aussi, une fois la prouesse accomplie, le contrat rempli, tout le monde sera satisfait… Nous aurons peut-être droit à une tape dans le dos en guise de remerciement… Il ne restera plus alors qu’à laisser l’inscription «Kilroy was here»* sur la Lune, et le spectacle sera terminé » .

Quelques jours avant le lancement d’Apollo 11, Wernher von Braun s’est à nouveau exprimé sur l’absurdité d’abandonner l’exploration de la Lune :

« Les premiers atterrissages réussis sur la surface de la Lune ne nous permettront pas d’en apprendre beaucoup…  Rester seulement une nuit sur ​​la lune pour ne pas y retourner ne sert à rien, c’est totalement stupide, c’est comme si vous construisiez une voie ferrée de New York à Los Angeles pour ne faire qu’un seul voyage » !

* Kilroy was here est un célébrissime graffiti abondamment utilisé par les troupes américaines lors de la seconde guerre mondiale. Il représente un personnage chauve avec un long nez, qui regarde par-dessus un mur avec l’inscription : « Kilroy was here ». (Kilroy est passé par là). Une vision de réconfort pour les soldats envoyés se battre en terre inconnue. Kilroy est américain, il était là avant vous, il est de votre côté ! Une sorte de carte de visite de l’armée américaine… James Kilroy a réellement existé !

Gravé au dos du mémorial de la Seconde Guerre Mondiale à Washington D.C.

Bugs Bunny sur la Lune

On retrouve par exemple l’inscription « Kilroy was here » dans un dessin animé de Charles « Chuck » Jones datant de 1948 mettant en scène le personnage de Bugs Bunny, intitulé « Haredevil Hare ». Dans cet épisode le célèbre lapin est envoyé sur la Lune, alors qu’il déambule, réalisant à haute voix qu’il est le premier être vivant à mettre les pieds sur notre satellite, c’est du moins ce qu’il croit, il passe derrière un rocher sur lequel figure la fameuse inscription. Peu après il empêchera Marvin le Martien de détruire la Terre…

Wernher von Braun en haut de la vague

La voile, le ski nautique, la natation, la plongée sous-marine, ne sont pas les seuls sports nautiques que Wernher von Braun pratiquait avec assiduité.

C’est en 1958, à l’âge de 46 ans, que Wernher von Braun prend son premier cours de surf, sur la célèbre plage de Waikiki à Hawaii.

Un matin, il demande à un surfeur (beach boy) de bien vouloir lui donner des leçons.
« La veille, je suis allé nager loin du rivage pensant que ce serait un jeu d’enfant, d’attraper une vague, monter sur la planche, et revenir vers la plage en surfant. Mais j’ai été incapable d’attraper la moindre vague. »

Après quelques conseils et exercices sur le sable, notamment le critique « redressement », professeur et élève prennent l’océan, à plat ventre sur leur planche, et pagayent avec les bras pour atteindre le large.

A la première tentative Wernher von Braun tombe à l’eau . Le surfeur l’exhorte à fléchir les jambes et à bien écarter les pieds.

A la huitième tentative il réussit à surfer une magnifique vague jusqu’à la plage.

Bien que satisfait par sa performance, il fait preuve d’humour en déclarant : « J’ai appris le truc le plus important : rester debout en posant un pied devant l’autre !»

 

Une sortie en voilier sous la pleine Lune

La voile était l’un des passe-temps favoris de Wernher von Braun, Peenemünde offrait de nombreuses opportunités pour assouvir sa passion.

L’ingénieur Klaus Scheufelen qui a travaillé sur les missiles Wasserfall et Taifun, se souvient d’une sortie avec Wernher von Braun en compagnie de Leo Zanssen, l’ingénieur, colonel, commandant de la base de Peenemünde :

« En juillet 1943, peu de temps avant le grand raid aérien sur Peenemünde, Wernher von Braun, Leo Zanssen et moi naviguions de Peenemünde à Greifswalder Oie, une île, où, malgré les restrictions du temps de guerre, on  pouvait encore bien manger, à la ferme auberge où nous avions l’habitude d’aller.  A mi-chemin le vent du nord a cessé de souffler, et comme la nuit commençait à tomber nous avons décidé de rebrousser chemin. La pleine Lune était déjà bien visible. Soudain von Braun s’exclame :  « Nous devons y aller !. » Stupéfait je lui réponds : « Sans vent nous n’y arriverons pas ! ». « Je ne parle pas de l’île, mais de la Lune ! » précise von Braun qui se lance alors dans une discussion passionnée.  Il évalue ainsi la faisabilité et le coût d’une telle entreprise ; si je me souviens bien, Wernher von Braun l’a estimée à quatre milliards de marks (Reichsmarks). »

Sachant qu’en 1941 le taux de change officiel  s’établissait à 1 Reichsmark pour 2,5 USD (aucun taux de change n’est disponible pour les années 1942 à 1948 –  A la création du Reichsmark en 1924 :  1 RM = 4,2 USD), un petit calcul rapide nous donne 4 milliards de RM = 10 milliards de dollars (USD 1941), soit 22 milliards de dollars (USD 1966), soit enfin 26 milliards de dollars (USD 1970)

Il se trouve que le coût du programme Apollo est estimé à 25 milliards de dollars (USD 1970)

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Wernher von Braun sur son sloop en mer Baltique, au large de Peenemünde (Photo prise en 1939 – Scan : Olivier COUDERC)