Apollo 8 ou le Noël inoubliable de l’année 1968

Nous sommes le mardi 24 décembre 1968, 20 h 57 heure de Houston, (25 décembre 2 h 57 heure de Paris) le vaisseau spatial Apollo 8 effectue sa neuvième et avant-dernière orbite autour de la Lune, trois enfants de la Terre, Frank Borman, William Anders et James Lovell sont à quelque 377 000 km de chez eux, aucun humain ne s’était jamais aventuré aussi loin.


En ce jour très particulier, fêté par une bonne partie de l’humanité, William Anders annonce : « Nous approchons du lever de Soleil au-dessus de la Lune et à toutes les personnes là-bas sur Terre, l’équipage d’Apollo 8 voudrait vous délivrer un message. »

20 h 57 min 56 s : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Or la terre était vide et vague, les ténèbres couvraient l’abîme, l’esprit de Dieu tournoyait sur les eaux. Dieu dit : Que la lumière soit et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière et les ténèbres. »  [Pause]

20 h 58 min 29 s : James Lovell :  « Dieu appela la lumière « jour » et les ténèbres « nuit ». Il y eut un soir puis il y eut un matin. ce fut le premier jour. Dieu dit : Qu’il y ait un firmament au milieu des eaux et qu’il sépare les eaux d’avec les eaux, et il en fut ainsi. Dieu fit le firmament, qui sépara les eaux qui sont sous le firmament d’avec les eaux qui sont au-dessus du firmament, et Dieu appela le firmament « ciel ». Il y eut un soir puis il y eut un matin : ce fut le deuxième jour. »  [Pause]

20 h 59 min 07 s : Frank Borman : « Dieu dit : Que les eaux qui sont sous le ciel s’assemblent en une seule masse et qu’apparaisse le continent, et il en fut ainsi. Dieu appela le continent « terre » et la masse des eaux « mers », et Dieu vit que cela était bon. »
 

« …Et de la part de l’équipage d’Apollo 8, nous terminons en vous souhaitant une bonne nuit, bonne chance et joyeux Noël, que Dieu vous bénisse tous, vous tous sur cette bonne vieille Terre ».

Au centre de contrôle des missions près de Houston, rares sont les contrôleurs de vol, et les nombreuses personnes présentes, qui n’ont pas les larmes aux yeux…

Le 5 mai 1969, l’US Postal Service émet ce timbre qui sera imprimé à 187 165 000 exemplaires.

La version de la Bible utilisée par les astronautes est celle du roi Jacques 1er d’Angleterre. (King James version)

William Anders

1.In the beginning God created the heaven and the earth.

2. And the earth was without form, and void; and darkness was upon the face of the deep. And the Spirit of God moved upon the face of the waters.

3. And God said, Let there be light: and there was light. 

4. And God saw the light, that it was good: and God divided the light from the darkness. 

James Lovell

5. And God called the light Day, and the darkness he called Night. And the evening and the morning were the first day.

6. And God said, Let there be a firmament in the midst of the waters, and let it divide the waters from the waters. 

7. And God made the firmament, and divided the waters which were under the firmament from the waters which were above the firmament: and it was so. 

8.And God called the firmament Heaven. And the evening and the morning were the second day.

Frank Borman

9. And God said, Let the waters under the heaven be gathered together unto one place, and let the dry land appear: and it was so. 

10. And God called the dry land Earth; and the gathering together of the waters called he Seas: and God saw that it was good. 

Un gros gâteau en l’honneur des astronautes d’Apollo 8

Pour respecter une coutume qui remonte aux premières missions spatiales habitées, les spécialistes culinaires (Culinary Specialist – CS) de la boulangerie-pâtisserie du porte-avions USS Yorktown, le navire de récupération principal, ont préparé un gâteau en l’honneur du retour sur Terre des astronautes d’Apollo 8, Frank Borman, James Lovell et William Anders.

La gâteau sera dégusté lors de la « splashdown party » qui va se dérouler le soir même du 27 décembre 1968, dans le hangar du porte-avions.

Le gâteau de 213 cm de long (7 pieds) et 91,5 cm de large (3 pieds) pèse 245 kg, il est le résultat de la superposition, juxtaposition, de 60 petits gâteaux…

C’est Marlin Buirge qui a imaginé cette œuvre, comme un livre d’Histoire ouvert… La toute première fois que des Hommes ont volé autour de la Lune…

Moitié chocolat, moitié chocolat blanc, le gâteau pèse en réalité 205 kg, mais il est recouvert de 40 kg de glaçage. (Composé notamment de 5 kg de matière grasse végétale hydrogénée, 8 kg de beurre, 26 kg de sucre en poudre, 9 cuillerées à café de vanille pure…)

Le gâteau est décoré (inscriptions, drapeaux américains…) par Steven Greisteit et Clifton Calhoun.

De g. à d. Clifton Calhoun, Marlin Buirge, Steven Greistheit.
Sur le livre ouvert on peut lire à gauche : First Manned Lunar Mission (Première mission lunaire habitée) et à droite : Yorktown Recovers Apollo Eight (Yorktown récupère Apollo Huit) juste dessous la date, 27 décember 1968. Crédit :https://www.navysite.de/cruisebooks/cv10-68/020.htm

Pour confectionner le gâteau lui-même il a fallu par exemple la bagatelle de 58 kg de farine, 26 kg de sucre, 10 kg de matière grasse végétale hydrogénée, 15 litres d’huile, 23 litres de lait, 264 œufs, 3 litres de vinaigre. 

Les 60 parties qui constituent le gâteau ont été cuites le jour de Noël par Samuel Clements.

La réflexion sur la forme du gâteau a commencé début décembre, mais son apparence définitive n’a été arrêtée que le 18 décembre, jour où la flotte de récupération a appareillé pour se rendre sur la zone d’amerrissage. Compte tenu de sa taille et de son poids, l’assemblage et la décoration du gâteau ont été réalisés à proximité d’un monte-charge, destiné normalement à acheminer bombes et missiles dans le hangar principal, où aura lieu la cérémonie en l’honneur des trois astronautes.

Tout le personnel du porte-avions (1 650) surnommé la « Fighting Lady » (littéralement la « Dame Combattante »), y compris la presse et les équipes de radio et télévision, a été convié à la dégustation du gâteau…  La découpe au sabre a commencé à 19 h 30, à 22 h 00 il ne reste plus rien des 245 kg de gâteau…

Frank Borman tenant le sabre qui servira aux astronautes à couper le gâteau.

Si l’on ajoute les journalistes et techniciens au personnel du porte-avions, ainsi que les membres de la NASA, et si tout le monde a bien eu un morceau du gâteau, chaque part devait faire environ 140 grammes…

La tournée européenne des astronautes d’ Apollo 13

Le 26 septembre 1970 la Maison-Blanche annonce que les astronautes d’ Apollo 13, James Lovell, John Swigert et Fred Haise effectueront une tournée présidentielle dénommée Aquarius Presidential Goodwill Tour, en hommage au module lunaire Aquarius qui leur a sauvé la vie.

Ils doivent se rendre dans six pays européens en tant que représentants personnels du président Nixon, le déplacement doit durer 15 jours, du jeudi 1er au jeudi 15 octobre.

Les astronautes sont accompagnés de leurs épouses, sauf Swigert qui est célibataire. Mary Haise ayant accouché du quatrième enfant du couple le 6 juillet, il n’était pas possible d’envoyer les astronautes effectuer un tour du monde, sur une période aussi longue que les tournées précédentes, Thomas Jesse ayant à peine trois mois.

Les six pays visités sont, l’Islande, la Suisse, la Grèce, Malte et l’Irlande, ainsi qu’un saut en Allemagne, le 5 octobre, pour donner une conférence sur leur vol, à l’occasion du XXIe Congrès International d’Astronautique qui se déroule à Constance, du 4 au 10 octobre.

Islande : du 1 au 4 octobre. L’avion de la Maison-Blanche atterrit à Reykjavik le jeudi 1er octobre. Ils rencontrent le président Krist-jan Eldjarn (1916-1982) et les membres du gouvernement, ainsi que des scientifiques. Fred Haise et Jack Swigert connaissent bien l’Islande puisque ce pays a accueilli 32 astronautes pour des stages géologiques en 1965 (du 12 au 16 juillet) ainsi qu’en 1967 (du 2 au 8 juillet) sur les sites de Drekagil, Grjótagjá, du Lac Mývatn, de Nautagil et de la caldeira d’Askja. Sept des douze astronautes ayant marché sur la Lune, dont Neil Armstrong, furent de ces voyages. Haise et Swigert ont fait partie de la session 1967. James Lovell n’a participé à aucun de ces deux stages. (Pour la Petite Histoire : William Anders est le seul à avoir effectué les deux stages.)

♦  Suisse : du 4 au 8 octobre. Les astronautes se rendent dans les villes de Berne, Zurich et Lucerne. Ils sont reçus au palais fédéral de Berne par le conseiller fédéral, chef du Département de l’Intérieur, Hans-Peter Tschudi (1913-2002). Ils rencontrent des scientifiques de l’Université de Berne dont le professeur Johannes Geiss (4 septembre 1926 – 30 janvier 2020) à l’origine d’une expérience effectuée sur la surface de la Lune (Solar Wind Composition Experiment) dont l’objectif est de mesurer la composition et l’énergie du vent solaire.

Le 7 octobre ils visitent le Musée des Transports et le Planétarium Longines, qui se trouvent à Lucerne. Au planétarium, on montre aux astronautes la Terre, telle qu’elle est vue de la planète Mars. Il s’agit du premier planétarium construit en suisse, inauguré le 1 juillet 1969. En soirée, ils participent à une émission télé, à Berne (Bundeshausstudio).

Dans le train qui les emmène de Zurich à Berne. (De g. à d.) Fred Haise, Jack Swigert, James Lovell. La légende de la photo, en allemand, précise que les trois astronautes ont dû se sentir plus à l’aise dans ce wagon salon, que dans leur vaisseau spatial quelques mois plus tôt.
(De g. à d.) Marilyn Lovell et Mary Haise regardent leurs maris qui sont montés sur le train « Spanisch-Broetli-Bahn », le premier ayant circulé en Suisse. Musée Suisse des Transports à Lucerne.

République Fédérale d’Allemagne. Le 5 octobre les astronautes sont à Constance pour le XXIe Congrès International d’Astronautique. Après le visionnage d’un film sur leur vol spatial, les astronautes évoquent leur odyssée devant plus de 700 personnes. L’astronaute James McDivitt, également présent, revient sur les aspects techniques de la mission et les modifications apportées au vaisseau spatial ainsi qu’à certaines procédures. Ils rencontrent les cosmonautes Boris B. Yegorov (Voskhod 1 en 1965), Andriyan G. Nikolayev et Vitali I. Sevastyanov (Soyouz 9 en juin 1970) qui avaient établi un record d’endurance, 17 jours 16 heures et 58 minutes. Cette mission reste à ce jour la plus longue jamais effectuée sur un vaisseau spatial à proprement parler (hors stations spatiales).

Grèce : du 9 au 11 octobre – Les astronautes atterrissent à Athènes, au pays du dieu Apollon, qui a donné son nom au programme lunaire habité américain. Ils sont accueillis par l’ambassadeur Henry Tasca (1912-1979). Ils seront reçus par le premier ministre Georgios Papadopoulos (1919-1999).

(De g. à d.) Fred Haise, James Lovell, John Swigert devant le palais présidentiel d’Athènes.

Le maire d’Athènes, Dimitrios Ritsos (1912-1988) remet aux astronautes les clefs d’or de la ville. (Photo ci-dessous)

(De g. à d.) L’ambassadeur des Etats-Unis, Henry Tasca, James Lovell, le maire d’Athènes Dimitrios Ritsos, John Swigert et Fred Haise. Crédit photo : Associated Press
Les astronautes devant l’Acropole.
Credit: Photo by AP/Shutterstock

Ils feront une escapade à Héraklion en Crète pour se reposer un peu… Ils ne manqueront pas de visiter les vestiges du palais de Cnossos.

Malte : du 11 au 13 octobre 1970. Les astronautes sont reçus au Palais des Grands Maîtres, à La Valette, par le premier ministre George Borg Olivier (1911-1980). Les astronautes lui offrent notamment un badge de la mission, un fragment du bouclier thermique du module de commande, une photo dédicacée du décollage, une photo de la Lune. (Comme à toutes les autres personnalités rencontrées.)

C’est dans une Rolls-Royce décapotable que les astronautes d’ Apollo 13 remontent la rue de la République de la capitale La Valette.

Irlande : du 13 -15 octobre.   Le 13 octobre les astronautes atterrissent à l’aéroport de Dublin où ils sont accueillis par l’ambassadeur américain John D. Moore (10 novembre 1910 – 12 septembre 1988). Dix jours avant, du 3 au 5 octobre, le Président Nixon était en visite officielle en Irlande.

Ils seront reçus par le président Eamon de Valera (14 octobre 1882 – 29 août 1975) au palais présidentiel Áras an Uachtaráin (maison du président), ils ne manquent pas de lui souhaiter un joyeux 88ème anniversaire. Eamon de Valera qui fait partie des rares responsables politiques ayant exprimé leurs condoléances officielles à l’Allemagne à la mort d’ Hitler. Il était alors chef du gouvernement de l’Irlande (Taoiseach).

James Lovell offre au président irlandais un fragment du bouclier thermique du vaisseau spatial Apollo 13.

Le cortège en voiture décapotable passe par l’avenue O’Connell.

Ils donnent une conférence de presse à l’hôtel Intercontinental.

Conférence de presse télévisée à l’Hôtel Intercontinental. (De g. à d.) Kevin O’Kelly (journaliste à Raidió Teilifís Éireann (RTÉ) (Radio Télévision d’Irlande), Fred Haise, James Lovell, Jack Swigert.

Ils rencontrent également le doyen de la Cathédrale St Patrick, Victor G. Griffin, qui a laissé le lieu ouvert, nuit après nuit, pour permettre à la population de prier pour le retour sain et sauf des trois naufragés de l’espace. Ils visitent également la Maison de l’Opéra à Cork.

Le 14 octobre à 17:30 l’avion présidentiel atterrit à l’aéroport Shannon, ils passeront la nuit au célébrissime Dromoland Castle Hotel.

Le jeudi 15 octobre à 10:45 les astronautes d’ Apollo 13 quittent leur somptueux hôtel pour se rendre à Limmerick. Ce matin-là les écoles restèrent fermées pour permettre aux enfants de voir le cortège des astronautes traverser la ville. Vers 11:30 ils arrivent à la bibliothèque municipale, plus spacieuse que l’Hôtel de Ville prévu au départ, où les accueille le maire de la ville J. P. Liddy (1911-1989), son conseil municipal, et les notables de la cité.

Marilyn Lovell (à g.) et James Lovell au Château de Bunratty. Les Lovell ont sur la tête les couronnes de la Comtesse et du Comte de Thomond. Titre qui date du XVe siècle.

Ils déjeunent au Château Bunratty de 12:30 à 14:30 puis se rendent à l’aéroport Shannon. L’avion présidentiel décolle à 15:00 à destination de Washington, puis de Houston.

Une tournée européenne qui a soulevé les foules, et dont les protagonistes gardent un excellent souvenir.

Dans une interview accordée par Mary Haise en 2010, la première épouse de l’astronaute Fred Haise déclarait : « Après le voyage, on nous a donné un album photo avec toutes celles qui ont été prises par nos accompagnateurs… »

Voilà un album que j’aurais aimé consulter…