Spoutnik fait chuter le Dow Jones

Le lancement du premier satellite artificiel, Spoutnik, par l’ennemi juré des Etats-Unis, a eu des répercussions sur le marché boursier américain, comme l’indique le plus vieil indice boursier du monde, le Dow Jones

Ainsi le Dow Jones Industrial Average, l’indice de la bourse de New-York, qui est calculé à partir de la cotation de 30 entreprises américaines dans différents secteurs, a baissé de quelque 10% en 20 jours.

Le 3 octobre 1957, la veille du lancement de Spoutnik, le cours de l’indice était à 465,82, le 22 octobre il est passé à 419,79.

Le 10 octobre l’indice perd 9,69 points, le niveau le plus bas depuis deux ans, et le 21 octobre il perd 10,77 points, une chute liée selon les agents de change et les traders, à la désinvolture de l’administration Eisenhower face à la « crise » Spoutnik, ainsi que l’annonce du Pentagone de réduire les crédits pour l’achat d’avions.

En revanche la cotation des sociétés apparentées au développement des missiles connut une forte hausse, les investisseurs tablant sur des financements plus importants dans ce secteur, de la part du gouvernement…

A la fin de l’année 1957 l’indice Dow Jones a perdu 30 points par rapport à son niveau de début octobre.

La crise américano-syrienne, et peut être également la pandémie de grippe asiatique qui a fait plus de 3 millions de morts dans le monde, dont environ 70 000 aux Etats-Unis, ont pu exacerber le « choc » Spoutnik, et le sentiment d’insécurité des américains.

Il faudra attendre mai 1958, quelques semaines après la proposition du président Eisenhower de créer une agence spatiale civile (en avril), ce qui deviendra la NASA, pour que le Dow Jones retrouve son niveau d’avant Spoutnik.

Le Spoutnikburger

Sputnikburger

Après un boulanger de Milwaukee qui proposait des Sputnuts (doghnuts), c’est un restaurant d’Atlanta, qui en novembre 1957 essaya de profiter de la fascination engendrée par les « Spoutnik » soviétiques…

Ainsi après l’envoi de la petite chienne Laïka dans l’espace, ce restaurant proposa un « Spoutnikburger » garni de caviar et agrémenté d’une sauce à la Russe, composée de mayonnaise, ketchup, raifort, piments, ciboulette et d’épices ! 

Une grosse olive était piquée de trois cure-dents, en guise de satellite, et sur l’un d’eux une petite saucisse… Un mini hot… dog !

Spoutnik et Harry Stine

L’ignorance renforçant le sentiment de panique, un mois après son lancement, des sondages d’opinion montrent qu’une majorité d’américains considèrent que Spoutnik a porté un coup sévère au prestige de leur pays.

Un pourcentage sensiblement équivalent pense que les Etats-Unis sont derrière les soviétiques en matière de recherche spatiale, un nombre important de personnes étant même persuadé que le fossé qui les sépare est dangereusement large.

Ce sentiment fut validé par George Harry Stine dont le livre « Earth Satellites and the Race for Space Superiority » (Les satellites artificiels et la course à la suprématie dans l’espace) est paru quelques semaines avant Spoutnik.

Harry Stine est un ingénieur employé par la Glenn L. Martin Company, il travaille sur le missile balistique intercontinental Titan. Interrogé par la presse le soir même du 4 octobre (Bureau de la United Press à Denver), Harry Stine donne son sentiment :

« Pendant que les Etats-Unis trainaient des pieds, la Russie, en utilisant les V2 allemands comme point de départ se sont fermement engagés dans le développement de missiles. Nous savons dans le milieu de la fuséologie que les russes sont plutôt forts dans ce domaine. Ils ont récupéré les V2 et les ont immédiatement copiés et produits, nous, nous sommes contentés de les lancer, sans essayer d’en fabriquer !

Nous avons perdu 5 ans, entre 1945 et 1950 car personne n’a écouté les spécialistes en la matière. Seul un missile balistique intercontinental est actuellement capable de placer un satellite en orbite. Cela signifie que désormais les Etats-Unis sont très vulnérables, car susceptibles de subir une attaque de missiles, exactement comme le furent les anglais avec le V2. Nous devons absolument rattraper ces 5 ans de retard ou nous sommes morts ! »

Le lendemain matin les propos de Harry Stine furent publiés dans les journaux.

Plus tard dans la journée il fut convoqué par sa hiérarchie et viré sans autre forme de procès, avec effet immédiat. Ce ne sont pas ses propos critiques envers le programme de satellite artificiel de son pays qui lui furent officiellement reprochés, mais le fait de s’être exprimé publiquement sans l’autorisation du service des relations publiques de la société !

Un responsable de la compagnie précisera tout de même que les propos de Stine ne reflètent en aucune manière la position de la société !

Un sujet d’autant plus sensible que c’est la Glenn Martin Company qui développe la fusée Vanguard, qui doit envoyer sur orbite le tout premier satellite américain dans le cadre de l’Année Géophysique Internationale !

Vanguard qui est au passage la première fusée américaine conçue dès le départ pour n’être qu’un lanceur orbital. Il ne s’agit pas d’un missile reconverti !

Le 7 octobre, la nouvelle du licenciement de Harry Stine est relayé par les principaux journaux du pays !