Tracy’s Rock

Le 13 décembre 1972, au cours de la troisième et dernière sortie sur la Lune, les astronautes ont longuement étudié un énorme rocher à la Station Géologique n° 6.

Il s’agit d’un un éjecta, produit lors de l’impact d’une météorite sur la surface encore visqueuse de la Lune, il y a 3,9 milliards d’années, qui a formé le bassin Serenitatis.

Dans la littérature scientifique, cette formation est appelée « Split Rock » (rocher fendu) ou « Le rocher de la Station 6 ». Le bloc faisait à l’origine environ 6 mètres de haut, 18 de long et 10 mètres d’épaisseur, mais en se détachant il a dévalé le versant du Massif Nord, et s’est scindé en cinq morceaux.

Eugene Cernan et Harrison Schmitt l’ont examiné pendant plus d’une demi-heure récupérant de précieux échantillons.

En 1984, l’astronaute Alan Bean, qui s’est brillamment reconverti dans la peinture, montre une de ses œuvres à Eugene Cernan : le fameux rocher de la station 6. Ce dernier lui raconte alors comment il a récupéré deux poignées de poussière sur le côté gauche du rocher, les traces sont parfaitement visibles sur la photo ci-dessous ayant servi de modèle à l’artiste.

 

Les traces laissées par Eugene Cernan, lorsqu’il a collecté deux poignées de la poussière accumulée à cet endroit

Il lui confie également, qu’il regrette de ne pas avoir pensé à écrire le nom de sa fille dans cette même poussière. Une idée qui lui est venue de retour sur Terre, en voyant la photo.

Bean a été tellement touché par cette histoire, qu’il a tendu une feuille blanche à Cernan, et lui a demandé d’écrire le prénom de sa fille, tel qu’il aurait aimé qu’il le soit sur ce rocher.

Alan Bean s’est remis au travail et a exaucé le vœu de son ami, lui évitant ainsi selon ses propres termes : «… Le long voyage retour vers la Station 6, sans parler des économies qu’il a fait faire aux contribuables ».

Le magnifique tableau d’Alan Bean  [Painting of « Tracy’s Boulder » by Alan Bean. Completed 1984, 28 x 40 inches, Acrylic on Masonite. Original image Copyright by Alan Bean. All rights reserved. From Alan Bean Gallery: http://www.alanbeangallery.com/tracyrock-new.html]

L’histoire est tellement belle que désormais tout le monde appelle le rocher de la station 6  Tracy’s Rock.

Si Eugene Cernan n’a pas écrit le prénom de sa fille sur ce rocher, il a laissé ses initiales sur le sol lunaire, TDC pour Teresa Dawn Cernan. Lorsque des hommes retourneront sur la Lune, ils verront près du Rover 3, qui se trouve à environ 128 mètres de l’étage de descente du module lunaire, ce geste d’amour d’un père pour sa fille.

Eugene Cernan et sa fille Teresa, « Tracy », en 1972.

Des marins sur l’océan cosmique

Avec trois représentants de l’aéronavale à bord d’Apollo 12, cette deuxième mission lunaire ne peut être que fortement imprégnée de la culture navale.

A commencer bien entendu, par les indicatifs choisis pour le module de commande et le module lunaire, respectivement Yankee Clipper et Intrepid, deux célèbres navires. Ainsi que le badge de la mission aux couleurs de la Navy, or et bleu, sur lequel un gréement trois mâts, un Clipper, vogue vers la Lune.

La vie des marins sur un navire de guerre est rythmée par divers signaux sonores (clairon, sifflet, sirène, klaxon…) Chaque instrument a bien évidemment plusieurs sonneries en fonction de l’information à transmettre.

Ainsi, un matin, les astronautes sont réveillés par la sonnerie du clairon (Reveille bugle call). A l’heure des repas « Mission Control » leur passe l’appel au clairon correspondant (Mess call).

Les astronautes entendront également le son du sifflet, qui donne l’ordre de nettoyer le pont de la proue à la poupe et de se débarrasser des déchets (Sweepers, man your brooms )

En atteignant l’orbite lunaire, Pete Conrad annonce : « Yankee Clipper avec Intrepid en remorque, sont arrivés à bon port ».

Quelques temps plus tard Conrad rapporte : « Nous sommes tous les trois collés aux hublots à admirer la Lune », il ajoute : « Ce n’est pas l’endroit idéal pour passer son temps de repos».

Pete Conrad utilise le terme vernaculaire liberty qui signifie que le marin n’est pas en service, il est en repos, mais  doit rester « disponible » par opposition au terme leave qui correspond à la permission.

 
[U.S.Navy Slang – NAVSpeak]

Hospitalité spatiale

Deux jours après le retour sur Terre de l’équipage de Skylab II, le 25 novembre 1973, l’Union Soviétique a lancé Soyouz 12 avec deux cosmonautes à bord.

Ce qui a fait dire à Alan Bean connu pour son hospitalité : « Nous ne connaissons pas leurs intentions, mais s’ils passent à proximité de Skylab, nous avons laissé la clef sous le paillasson. »