Thomas Stafford, ce machin ne volera jamais

Nous sommes le vendredi 27 janvier 1967.

Les astronautes Virgil Grissom, Edward White et Roger Chaffee effectuent une simulation « Plugs Out Test » au Cap.

De l’autre côté du pays, à Downey en Californie, à l’usine North American Aviation, le Contractant principal du Module de Commande, les astronautes Thomas Stafford, John Young et Eugene Cernan (équipage de réserve de la deuxième mission Apollo) effectuent eux aussi un test, sur le deuxième simulateur du module de commande.

Un test émaillé de nombreux problèmes : fuites, courts-circuits…

A un moment, en manipulant le sas d’entrée, une partie de l’écoutille est même tombée sur le pied de Stafford. « Aller sur la Lune ? » aboya Stafford, « Ce fils de p… (le vaisseau spatial) n’atteindra même pas l’orbite terrestre ! »

A bout, Stafford met prématurément un terme à ce test.

A peine sorti du simulateur, il doit répondre à un coup de fil urgent en provenance du Cap. Les astronautes Virgil Grissom, Edward White et Roger Chaffee sont morts…

La quadrature du cercle

A l’origine, les ingénieurs de Grumman avaient conçu l’écoutille de sortie du Module Lunaire, celle-là même qui permet aux astronautes de descendre sur la surface de la Lune, de forme circulaire.

Du moins jusqu’à ce que l’astronaute Roger Chaffee, leur fasse judicieusement remarquer qu’il ne serait sans doute pas facile pour un astronaute équipé de la combinaison lunaire et du PLSS* (Portable Life Support System – sorte de sac à dos rigide qui contient un système de survie très élaboré), qui lui, est de forme rectangulaire, de sortir du LM, qui plus est à reculons…

Les ingénieurs en prirent bonne note !

Les écoutilles du LM
(A gauche) L’écoutille circulaire                           L’écoutille définitive

* Pour une description détaillée du PLSS : http://www.de-la-terre-a-la-lune.com/vehicules-et-technologies/EMU/PLSS.htm

Apollo 1, la voie hiérarchique absolue

Le 19 août 1966, le vaisseau spatial 012, le premier vaisseau Apollo conçu pour un vol spatial habité, la mission Apollo 1, est prêt pour le Contractor’s Acceptance Readiness Review (CARR). 

Il s’agit d’un événement majeur dans le vie de tout véhicule spatial. C’est au cours de cette réunion, que la NASA détermine, si ce dernier est conforme au cahier des charges, et qu’il devient officiellement la propriété du gouvernement des Etats-Unis.

Le « CARR » du vaisseau 012 a lieu dans les locaux de North American à Downey, qui se trouvent à environ 15 kilomètres de l’aéroport international de Los Angeles. 

C’est Joseph Shea, directeur du Apollo Spacecraft Programme Office (ASPO), qui préside la réunion. Sont présents, les principaux responsables de la Division Espace de North American, dont bien évidement Harrison « Stormy » Storms son directeur général. Pour la NASA, il y notamment Maxime Faget, Christopher Kraft, et bien sûr les trois astronautes qui voleront à bord de ce vaisseau, Virgil Grissom, Roger Chaffee et Edward White.

La réunion se déroule dans une atmosphère très détendue, et durera plus de six heures.

Avant de prendre congé Virgil Grissom le commandant de la mission Apollo 1, demande la parole et sort deux photos d’une enveloppe. Il en donne une à Stormy Storms. « Nous en avons une pour Joe Shea aussi » et il fait passer la deuxième photo à Shea assis en bout de table, en ajoutant :

« Joe nous a conseillé de travailler nos procédures de secours de manière religieuse et comme vous pouvez le voir, c’est ce que nous faisons ».

Storms et Shea éclatent de rire.

La photo, signée par les trois astronautes, les montre assis autour d’une maquette du module de commande, la tête baissée et les mains jointes en forme de prière.

La légende sur la photo de Shea: « Ce n’est pas que nous ne te faisons pas confiance Joe, mais cette fois nous avons décidé de nous adresser à ton supérieur. »

La légende de la photo donnée à Storms : « Stormy, cette fois nous n’appellerons pas Houston ! »

Edward White – Virgil Grissom – Roger Chaffee
La photo remise à Harrison Storms. « Stormy, cette fois nous n’appellerons pas Houston ! »