Outre les problèmes gastriques de John Young liés à l’ingestion de jus d’orange enrichi en potassium, les astronautes d’Apollo 16 ont rencontré d’autres déboires avec cette mixture, notamment lors des sorties sur la surface de la Lune.
Lors des opérations en orbite lunaire, après la séparation du module lunaire d’avec le module de commande, Charles Duke, s’est retrouvé avec plus de 15 cl de jus d’orange dans son casque, en raison d’un dysfonctionnement de l’embout servant à distribuer la boisson.
Tirer l’embout, fixé au casque, vers la droite, permettait d’ouvrir un opercule et aspirer la boisson par un petit tuyau relié à une poche en plastique. Le contact intermittent entre le micro gauche et l’embout provoqua des fuites. L’absence de gravité aggrava encore le phénomène.
L’atterrissage sur la lune ayant été différé de quelque six heures, en raison d’un problème technique affectant le module de commande, le volume de jus d’orange accumulé sur sa visière finit, au bout de quelques temps, par grandement handicaper Charlie Duke, sa vision est gênée, il en a dans le nez, sur les cheveux…
Il essai d’aspirer une partie du liquide mais sans succès. Cela devient insupportable. Il est même obligé de souffler sur son micro gauche pour qu’il fonctionne. De peur que le liquide finisse par s’insinuer dans le système de ventilation et d’oxygénation. Duke est obligé d’enlever son casque pour le nettoyer et le sécher avant d’y appliquer une solution antibuée.
Il en profite pour faire une petite toilette, sa figure et ses cheveux étant maculés par le jus d’orange devenu très collant du fait de l’évaporation. Il n’oublie pas, bien évidemment, de boucher l’embout récalcitrant avant de remettre son casque.
Peu après l’atterrissage sur la Lune, Charlie Duke fera, à 106:48:05, la remarque suivante à Tony England, le capcom : « Je ne donnerai pas un kopeck pour ce jus d’orange comme fortifiant pour les cheveux, ça les plaque complètement ! »
Lors du débriefing technique, les astronautes ont longuement évoqués les problèmes rencontrés avec le système d’hydratation et le jus d’orange.
John Young fit la remarque suivante : « On aurait dit que Charlie s’est fait un shampoing au jus d’orange ».
Courant mai 1944, quelques semaines après sa libération conditionnelle des geôles de la Gestapo, Wernher von Braun rejoint le général Dornberger à Blizna* en Pologne où a été transféré le centre de tests des fusées.
Wernher von Braun et Walter Dornberger
C’est également là que se trouve le centre d’entrainement des troupes pour le « maniement » et le lancement des missiles. Cette décision a été prise après le premier bombardement de Peenemünde intervenu dans la nuit du 17 au 18 août 1943.
Blizna se trouve alors hors de portée des bombardiers alliés. Wernher von Braun et Walter Dornberger sont là pour aider à résoudre le mystère des explosions en vol, en effet, lors de la dernière phase de leur vol parabolique, lors de la rentrée dans les couches plus denses de l’atmosphère 70 % des A4 produits en série ont la fâcheuse tendance à exploser*. Il faut absolument comprendre pourquoi.
Ils prennent donc un avion pour se rendre dans la zone d’impact des A4, à environ 250 km au nord-est de Blizna, non loin de la ville polonaise de Sarnaki près de laquelle sont entreposés les épaves et restes des A4 à fin d’expertise.
Quelques semaines auparavant, une quarantaine de soldats de l’équipe d’observation avaient été dépêchés sur place pour scruter le comportement des A4 (contrairement à Peenemünde il n’y avait pas de télémétrie) lors de cette si cruciale phase de vol, et récupérer toutes les pièces et fragments des engins disloqués.
Une liaison radio permet d’avertir les observateurs du lancement d’un missile et des indicateurs de temps placés sur les tours d’observation permettent de décompter très précisément les cinq minutes et quelques secondes que met la fusée pour parcourir la distance.
A exactement 5 minutes tout le monde prend ses jumelles et scrute le ciel.
Par une chaude fin d’après-midi, Wernher von Braun et Walter Dornberger déambulent non loin d’une tour d’observation, lorsqu’une fusée de détresse annonce le lancement d’une A4 depuis Blizna et son arrivée imminente.
Aux aguets, ils aperçoivent avec stupéfaction la fine traînée de condensation et le missile se diriger droit sur eux. Ils ont à peine le temps de se jeter à terre lorsque le souffle de la déflagration les projette en l’air.
Wernher von Braun se retrouve dans un fossé. La fusée s’est écrasée à quelque 90 mètres des deux hommes. Miraculeusement, ils s’en sortent indemnes !
Nullement découragés après avoir frôlés la mort, von Braun et Dornberger reviendront quelques jours plus tard observer une nouvelle salve de A4, cette fois postés dans une tranchée.
* Ces problèmes de désintégration en vol étaient dus à une isolation thermique et une rigidité insuffisante autour des réservoirs d’ergols. L’ajout d’une couche de fibre de verre, une suggestion proposée par le général Josef Rossmann, alors responsable de la section des fusées liquides au sein de l’armée allemande, a permis de baisser notablement le taux d’explosion. Un peu plus tard, les ingénieurs de Peenemünde préconiseront l’adjonction de manchons en acier autour de cette même zone, ce qui permettra d’améliorer la rigidité de la fusée, faisant passer le taux d’explosion en vol des fusées tirées de Blizna à moins de 1%.
* En novembre 1943 une partie des vols d’essais de la A4 est relocalisée à Blizna en Pologne, dans un centre d’essai et de formation SS créé le 26 juin 1940. (SS Truppenübungsplatz Heidelager- Zone d’entraînement militaire SS Heidelager), à 23 km de la ville de Dębica. Le premier des 204 lancements de V2 à Blizna a lieu le 5 novembre 1943. Le site, qui forme également les batteries de lancement du missile, reste opérationnel jusqu’en juillet 1944 lorsqu’il est évacué en raison de l’approche de l’armée rouge, qui investi les lieux le 6 août 1944.
Le 25 mai 1961 le Président John F. Kennedy promet la Lune aux américains avant la fin de la décennie. Le 9 août, le Dr Charles Draper, 60 ans, qui dirige le laboratoire du MIT, se voit confier le premier contrat d’envergure du programme Apollo, la conception du système de navigation et de guidage du vaisseau spatial.
Charles Stark Draper (2 octobre 1901 – 25 juillet 1987)
Six mois plus tard, le 21 novembre 1961, Charles Draper envoie un courrier à son ancien étudiant, le Dr Robert Seamans, alors administrateur associé de l’agence spatiale américaine.
Voici une traduction non littérale de la missive :
Cher Bob,
Comme suite à nos multiples conversations de ces jours derniers, Je voudrais officiellement me porter volontaire pour faire partie d’un vol Apollo vers la Lune, ou pour tout vol suborbital ou orbital qui sera effectué pour préparer les vols lunaires. Je mesure pleinement mes carences comme pilote d’essai, en revanche mes compétences dans les domaines scientifiques et d’ingénierie devraient être prises en considération dans le cadre de la sélection d’un membre d’équipage non impliqué dans les phases de pilotage mais dans la vérification des systèmes, l’observation, l’interprétation de données, les communications…
Par ailleurs, je pense que mon expérience de pilote, même si non professionnelle, qui s’étend tout de même sur une période de plus de 35 ans et qui comprend pas mal de travail expérimental devrait, après une formation appropriée, me permettre de passer une licence professionnelle.
J’ai bien conscience que mon âge, 60 ans, peut poser problème, mais le Général Don Flickinger* m’a assuré que ce n’était pas obligatoirement rédhibitoire. C’est bien volontiers que je me soumettrai à tout examen physique et autre test d’aptitude, et que je suivrai tous les entraînements que vous jugerez nécessaires.
Mes motivations pour participer à un vol Apollo sont multiples.
Tout d’abord je suis convaincu que notre pays a cruellement besoin d’exploits dans le domaine spatial. Il est vital que nous parvenions d’une manière ou d’une autre à inverser la détérioration de notre image à l’étranger, au contraire de celle de nos rivaux soviétiques. Personnellement, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour aider à renverser cette situation.
Deuxièmement : Je pense que le développement de la technologie spatiale est actuellement le secteur le plus intéressant et potentiellement le plus gratifiant, et je compte bien pleinement contribuer au développement du programme spatial.
Troisièmement : J’estime que mes activités professionnelles, au cours de ces trente dernières années, m’ont permis d’accumuler des compétences uniques qui devraient me permettre de me rendre très utile en tant qu’astronaute scientifique l. Il me serait beaucoup plus facile d’apprendre les techniques liées aux opérations en vol qu’à quiconque d’acquérir les connaissances que j’ai accumulé. Je suis certain de vous être extrêmement utile.
Quatrièmement : je souhaiterais que l’on me présente aux astronautes, avec un statut d’égal à égal, de collègue potentiel, afin de pouvoir discuter avec eux des différents problèmes du programme Apollo. Mes fonctions au MIT ne permettront pas de m’y consacrer à plein temps, je crois néanmoins être en mesure d’apporter des idées décisives.
Nous tous, ici au MIT, travaillons d’arrache-pied sur le système de guidage Apollo et je suis persuadé que nos efforts seront couronnés de succès. Je suis également convaincu que si l’on me permet d’avoir le statut d’astronaute scientifique, je vous serai d’une aide précieuse.
Le fait de me porter volontaire pour une telle entreprise donnera aux participants du projet une motivation supplémentaire et permettra de donner plus de légitimité à mes suggestions.
Je vous demande de bien vouloir transmettre ma candidature, pour faire partie d’un équipage Apollo, aux services compétents, ces derniers voudront bien me faire savoir quels formulaires remplir, et quelles démarches supplémentaires entreprendre pour l’argumenter plus précisément .
Veuillez transmettre mes salutations à M. Webb et au Dr Dryden,
Bien cordialement,
C. S. Draper
Director of Instrumentation Laboratory
Par une lettre en date du 27 septembre, Robert Seamans accuse réception de la candidature de Charles Draper et de sa bonne transmission au service concerné. Il lui précise par ailleurs qu’il est extrêmement rassurant d’avoir son laboratoire d’Instrumentation travailler sur le projet Apollo et lui assure que son immense intérêt et précieux concours sont très appréciés.
Inutile de préciser que cette « candidature » à bien fait sourire. La naïveté de Charles Draper est désarmante ! D’aucuns arguent qu’il s’agissait de motiver ses troupes en leur faisant passer un message de confiance, puisqu’il est prêt à risquer sa vie dans un vaisseau spatial dont ils doivent concevoir le système de navigation.
Anecdote dans l’anecdote : Charles Draper n’est jamais allé dans l’espace mais sa fameuse lettre oui, lors de la vingt-cinquième et dernière mission de la Navette Endeavour en mai 2011, dans le cadre de la commémoration du 150ème anniversaire du Massachusetts Institute of Technology.
* Donald Flickinger, général de l’US Air Force était également un médecin spécialisé dans la médecine spatiale.