Wernher von Braun provoque une crise de jalousie conjugale

Les soirées au Club des Officiers de l‘US Air Force au Cap Canaveral étaient renommées… Ces dernières étaient très courues, l’on y trouvait une nourriture raffinée, de l’alcool à volonté, un orchestre, une piste de danse, et du beau monde…

Quelques heures avant de se rendre à l’une de ces soirées le Dr Gerhard Hengst, ancien de Peenemünde travaillant au Cap canaveral, et sa femme Maria, ont une dispute, quand ils arrivent sur les lieux ils sont toujours en froid… A l’issue du dîner la musique commence, et Wernher von Braun, dont l’épouse Maria est absente, invite à plusieurs reprises la ravissante Maria Hengst à danser. Celle-ci avouera plus tard que « von Braun était un homme plein de charme, avec lequel on pouvait parler de tout, et qui était doté d’un merveilleux sens de l’humour ». Le courant passe très bien.

Pendant ce temps, Gerhard Hengst assis à table, a la tête des mauvais jours, il bout intérieurement…

Lorsque Wernher von Braun raccompagne Maria Hengst à sa table, cette dernière lui demande de bien vouloir remonter la fermeture éclair de sa robe de soirée qui n’était plus fermée jusqu’en haut ; von Braun s’exécute.

C’en est trop pour Gerhard Hengst, danser avec son épouse est une chose, remonter la fermeture éclair de sa robe en est une autre, il lance un regard noir à sa femme et, les mâchoires serrées, lui intime qu’il est temps de rentrer. Ils prennent rapidement congé, Gerhard Hengst lui attrape fermement le coude en se dirigeant vers la porte de sortie. Durant le trajet retour, aucun mot n’est échangé, mais au moment d’aller se coucher Maria finit par lui adresser la parole : « Qu’est-ce que tu as à la fin ? »

« Tu me demandes ce que j’ai ? » fulmine-t-il « Tu m’as fait honte devant tous mes amis, tous mes collègues, en dansant collé-serré avec von Braun comme si vous étiez ensemble, et ensuite tu lui demandes de remonter la fermeture de ta robe alors même que je suis là, juste à côté ! Voilà ce que j’ai ! »

Toujours assis dans son lit, remontant son réveille-matin mécanique, comme chaque soir, il est pris d’un irrépressible accès de colère et jette ce dernier contre le mur. Le réveil se fracasse brisant le verre recouvrant le cadran.

Maria va chercher un balai mais ne ramasse que le verre éparpillé sur le sol de la chambre, ignorant le réveil partiellement disloqué.

Le lendemain matin, le réveil a disparu. Le couple n’en reparla jamais, le mari jaloux mais honteux de son comportement, avait dû le jeter.

Des années plus tard, après la mort de Gerhard Hengst, le réveil fut retrouvé dans une boîte, et les circonstances de son état furent élucidées par sa veuve.

Maria et Gerhard Hengst (Janvier 1961). Crédit Photo : Scan Olivier COUDERC – From Peenemünde to Cape Canaveral and Beyond par Werner Hengst. Copyright 2018 by Christy Hengst.

Le docteur en physique Gerhard A. Hengst (1902-1981) était directeur de la electro-optical systems branch à la NASA au Cap Canaveral, il a notamment conçu des caméras de poursuite pour les fusées. Il avait fait de même à Peenemünde avant d’être détaché dans une société d’électro-optique à Munich après le bombardement du centre de recherche en août 1943. En 1952, lors d’une visite en Allemagne, il est approché par Ernst Steinhoff (1908-1987) avec lequel il avait travaillé à Peenemünde, qui lui propose un emploi aux Etats-Unis rémunéré 700 dollars par mois (le salaire moyen mensuel en 1953 était de 270 USD). Dans l’état où se trouve alors la recherche et l’économie allemande, une telle offre ne se refuse pas. Il émigre le 11 mars 1953 parmi un contingent de trente scientifiques allemands et leur famille, et devient citoyen américain en juin 1963 en même temps que sa deuxième épouse Maria. [Sa première femme, Emma, est décédée en Allemagne en décembre 1951 des suites d’une péritonite, car elle était allergique à la pénicilline qui aurait pu la sauver ; elle lui a donné son unique enfant, Werner (1936-2016)]. Quelques années plus tard, à la retraite, Maria le convainc de retourner en Allemagne, à Munich. La boucle est bouclée…

The Missileer, la première publication périodique dans l’espace

The Missileer est un journal de l’US Air Force Eastern Test Range (antérieurement Long Range Proving Ground et qui deviendra 45th Space Wing), qui a paru du 6 février 1950 au 28 septembre 2012. Une publication uniquement à destination des personnels militaires et civils de la base aérienne Patrick, et des installations de lancement du Cap Canaveral.

Tout d’abord à périodicité bimensuelle, puis hebdomadaire, paraissant les vendredis. La prépondérance de l’internet pour la diffusion de l’information, a sonné le glas de ce journal après 62 ans et huit mois d’existence. Il comptait en moyenne 8 pages.

Un exemplaire de The Missileer, a été placé avec la charge utile, à l’occasion du premier lancement d’une Titan III-C, qui a eu lieu le 18 juin 1965, du LC-40, et fut un succès.

De g. à d. John Harris (Martin Company – Constructeur de la fusée.) ; Commandant Edwin Speaker, chef des opérations Titan III ; Bob Robinson et Jack Hull (Martin Company) ; le Sergent Hugh Phillips et le lieutenant Ray Cauwet de l’équipe éditoriale de The Missileer ; le Lieutenant Mike Spradlin des opérations Titan III.

Ce faisant, The Missileer a pu se targuer d’être la première publication périodique en orbite autour de la Terre.

Pendant trois ans, jusqu’au 12 juillet 1968, au-dessus ou sous le titre du journal, on pouvait lire « First In Space », et ce n’était pas un jeu de mot !

Une semaine plus tard, dans l’édition du 19 juillet, le titre a été « relooké » et cette mention n’apparaît plus…

George Low aura un fils astronaute

A l’automne 1975, quelques mois après la mission Apollo-Soyouz, George Low (1926-1984), administrateur adjoint de la NASA, le numéro deux de l’agence spatiale, se fait enlever (exérèse chirurgicale) un grain de beauté suspect sur le dos, qui se révélera être un mélanome, le plus grave des cancers de la peau, à un stade avancé.

Sur les conseils de son ami et ancien collègue, le Dr Charles Berry (1923- ), médecin chef à la NASA, il suit une immunothérapie expérimentale par BCG (Bacille de Calmette et Guérin – vaccin antituberculeux) au Monroe Dunaway Anderson Cancer Center à Houston, afin de stimuler son système immunitaire et éviter les métastases, la propagation à d’autres organes… Le traitement s’avère efficace et son mélanome est en rémission…

En février 1984, une forme agressive de son mélanome réapparaît, ses jours sont désormais comptés.

Lors de son séjour à l’hôpital il reçoit de nombreuses visites, dont deux de ses anciens collègues de la NASA, George Abbey (directeur du FCOD : Flight Crew Operations Directorate) et l’astronaute John Young (chef du bureau des astronautes) qui viennent l’informer officieusement que son fils David fera partie du prochain groupe d’astronautes (Groupe 10). 

Le cancer de George Low étant en phase terminale, ils ne sont pas sûrs qu’il sera toujours vivant lorsque la nouvelle sera annoncée officiellement dans quelques semaines. Ils tiennent également à l’assurer que son fils n’a bénéficié d’aucun traitement de faveur, David a été sélectionné sur ses mérites et ses compétences, et non parce qu’il est le fils de George Low.

Cette nouvelle le comble de joie et de fierté.

Finalement, David aura le temps d’annoncer la bonne nouvelle à son père, le 23 mai 1984.

George Low décède le mardi 17 juillet 1984, 15 ans et 1 jour après le lancement d’Apollo11, à l’âge de 58 ans, il ne verra pas son fils aller dans l’espace.

David Low, né le 19 février 1956, effectuera son premier vol spatial du 9 au 20 janvier 1990 à bord de Columbia (STS-32), puis fera deux autres vols, en août 1991 (STS-43), et en juin 1993 (STS-57), cumulant 714 heures et 5 minutes dans l’espace, ce qui comprend une sortie extravéhiculaire de 5 heures et 50 minutes (STS-57).

David Low décède le 15 mars 2008 d’un cancer du côlon, il avait 52 ans…

George Michael Low.

George Michael Low, né Georg Wilhelm Löw, est un illustre ingénieur d’origine autrichienne dont la famille quitte l’Autriche en octobre 1938, peu après le rattachement de leur pays au troisième Reich Allemand (Anschluß – Par la loi du 13 mars 1938 ratifiée par « plébiscite » le 10 avril suivant).

Après un passage en Suisse puis au Royaume Uni, la famille Löw arrive aux Etats-Unis le lundi 5 février 1940. En 27 ans il a occupé nombre de postes clefs au NACA et à la NASA jusqu’en 1976.  

Ses contributions, notamment au programme Apollo furent majeures, une figure essentielle. Il a perdu son père alors qu’il n’avait que 8 ans, Arthur Low est mort en 1934, à l’âge de 33 ans, d’un cancer.

George Low a eu deux filles et trois fils issus du même mariage, célébré le samedi 3 septembre 1949, avec Mary Ruth McNamara (1925-2011). De 1976 à sa mort il sera le président de son Alma Mater, l’Institut Polytechnique Rensselaer (Rensselaer Polytechnic Institute ou RPI). Pendant son mandat le volume annuel des recherches de l’institut passe de 20 millions à 600 millions de dollars de l’époque.

La veille du jour de sa mort, la Maison-Blanche annonce qu’il recevra la Médaille Présidentielle de la Liberté, la plus haute distinction civile américaine. Il la recevra officiellement à titre posthume en 1985.