J’irai uriner sur la tombe de Rocco Petrone

Rocco Petrone (31 mars 1926 – 24 août 2006), qui fut notamment le troisième directeur du centre spatial Marshall, du 27 janvier 1973 au 15 mars 1974, est très certainement la personne la plus détestée par les « anciens » de ce centre.

En treize mois et demi, celui qui fut surnommé « l’homme de main » ou « le tueur à gages » commandité par le quartier général de la NASA, va notamment « éliminer » la plupart des derniers membres de la Rocket Team de von Braun.

Il n’en restera que 34 après le départ en retraite du Dr Eberhard Rees (28 avril 1908 – 2 avril 1998), le deuxième directeur du centre, du 1er mars 1970 au 19 janvier 1973.

Rocco Petrone, Eberhard Rees, Wernher von Braun. NASA.

Werner Dahm (16 février 1917 – 17 janvier 2008) et Georg von Tiesenhausen (18 mai 1914 – 3 juin 2018) resteront au Marshall mais verront leur salaire diminué.

Rocco Petrone va également réorganiser le centre, qui n’aura désormais plus aucune capacité de production intrinsèque (« in house »).

Pour ses bons et loyaux services il sera nommé administrateur associé de la NASA (hiérarchiquement le numéro 3), il quitte l’agence spatiale un an plus tard en avril 1975.

Celui qui fut le plus grand centre spatial en termes de budget et de personnel va payer le plus lourd tribut lors des réductions d’effectifs, à lui seul le Marshall va supporter 81 % du total des plans sociaux post-Apollo concernant les fonctionnaires (civil servants).

Dès 1967 les RIF (Reduction in Force) successifs ont considérablement réduit le personnel employé à plein temps par le centre. En huit ans, entre 1968 et 1975 les effectifs permanents du centre spatial Marshall ont été réduits de 43,14%.

A lui seul, en treize mois et demi, Rocco Petrone les a diminué de 25,8%. Beaucoup de ceux qui sont restés ont par ailleurs connu une diminution de leur grade ou de leur échelon [Aux Etats-Unis, pour les fonctionnaires on parle de General Schedule (GS), il en existe 15, avec pour chacun 10 échelons (step)] et donc une significative réduction de salaire, avec des déclassements de trois ou quatre grades parfois !

En 1967 il y avait 7 177 employés permanents (hors contractants), en 1975 il n’en reste plus que 4 081. Actuellement le centre emploie environ 2 600 personnes (fonctionnaires).

A deux reprises la NASA a envisagé la fermeture définitive du centre spatial Marshall, en 1975 sous James Fletcher (1919-1991) qui fut l’administrateur de l’agence spatiale américaine du 27 avril 1971 au 1er mai 1977, et en 1977 sous Robert Frosch (22 mai 1928 – 30 décembre 2020), administrateur du 21 juin 1977 au 20 janvier 1981.

C’est ainsi que l’historien américain Roger Launius dans son excellent ouvrage Apollo’s Legacy, Perspectives on the Moon Landings rapporte ce témoignage d’un ancien du centre spatial Marshall qui a déclaré avoir longtemps attendu la mort de Rocco Petrone, survenue enfin en 2006, pour aller pisser sur sa tombe, mais il s’est rendu compte qu’attendre son tour, pour ce dernier geste de mépris, prendrait trop de temps…

Anecdote dans l’anecdote : Dans ce même ouvrage Roger Launius relate que Rocco Petrone (alors directeur des opérations de lancement – Director of Launch Operations) était assis à côté de Donald Slayton dans le blockhaus du complexe de lancement 34 lorsque le feu a éclaté dans le vaisseau spatial Apollo 1. Rocco Petrone aurait accusé Joseph Shea, le directeur du vaisseau spatial, (Apollo Spacecraft Manager) d’avoir été à l’origine de la mort des trois astronautes et lui aurait dit : « Tu es dangereux, tu es responsable de l’incendie. Quand tu mourras, je viendrai pisser sur ta tombe. »

Anecdote dans l’anecdote : En visitant la ville de Saint-Malo, Jean-Paul Sartre (1905-1980) a pissé sur la tombe de François-René de Chateaubriand (1768-1848) pour marquer son mépris lorsqu’il vit ce tombeau « si ridiculement pompeux dans sa fausse simplicité ».  [In Dans La Force de l’âge, publié en 1960 par Simone de Beauvoir (1908-1986)]. Tombeau classé monument historique en 1954.

Le coût de la mission Apollo 10

Le 18 mai 1969, jour du lancement d’ Apollo 10, des officiels de la NASA annoncent que le coût de la mission s’élève à 350 millions de dollars (2,437 milliards en dollars constants).

Soit, 185 millions pour la Saturn V (1,288 milliards USD 2019) , 55 millions pour le module de commande et de service (383 millions USD 2019), 41 millions pour le module lunaire (285,5 millions USD 2019), et 69 millions pour les « opérations », lancement, suivi, récupération (480,5 millions USD 2019).

Certains spécialistes ont remis ces chiffres en question, car ils ne tiennent pas compte des énormes investissements réalisés pour les infrastructures, que ce soit au sein des trois principaux centres spatiaux, et chez les contractants.

C’est ainsi qu’un expert de l’industrie a calculé que le prix de revient du module lunaire était plus proche de 100 millions, si l’on prenait en considération ce facteur. (696 millions en dollars constants)

Si l’on extrapole, le coût de la mission Apollo 10 serait donc, pour le moins, 143,9 % plus cher, et s’élèverait plutôt à 853,65 millions, soit 5,91 milliards de dollars en monnaie constante. Pour le moins, car le coût des infrastructures liées au développement, à l’acheminement des étages et à l’exploitation de la Saturn V est sans commune mesure avec celui dévolu au LM.

Pour ce qui est du coût moyen d’une mission Apollo habitée, sachant que le programme a coûté grosso-modo 25 milliards de dollars (1972) soit 152 milliards en monnaie constante (2019), il suffit de diviser ce montant par le nombre total de missions habitées,11, ce qui donne… 13,8 milliards de dollars !

L’engouement pour le vol de John Glenn

Lorsque le mardi 20 février 1962 à 9 h 47 (heure de Floride) la fusée Atlas de John Glenn est mise à feu, toutes les télévisions et radios américaines retransmettent l’événement.

C’est la première tentative de vol orbital d’un américain.

Les trois chaînes de télévision commencent « le direct » à 6 h 30, pendant les onze heures et demi suivantes, on ne parlera que du vol de John Glenn à la télé.

A New-York quelque 10 000 voyageurs de la gare ferroviaire Grand Central Terminal sortent des trains pour regarder le décollage sur un écran géant (3,35 x 4,26 mètres) installé par CBS dans la mezzanine centrale. Des millions d’écoliers et d’étudiants à travers le pays font de même.

Dans la ville de Dover dans l’Ohio (état dont John Glenn est natif) des entreprises ferment momentanément leurs portes afin que les employés puissent regarder la télévision ou écouter la radio.

A Trenton, dans le New-Jersey, un braqueur de banque qui vient de dérober quelque 9 000 dollars s’arrête dans un bar pour boire un verre, la police l’appréhende alors qu’il regarde le vol de Glenn à la télé.

A Grand Rapids dans le Michigan, un tribunal est en train de statuer sur le cas d’un vol de téléviseur, lorsque le juge suggère que l’on allume le poste de télévision en question, la pièce à conviction, pour suivre le lancement, ce qui fut fait.

A Detroit les chargés de clientèle de la Michigan Bell Telephone Company demandent à leur responsable s’il n’y a pas eu un problème technique sur le réseau car il n’y a plus d’appels d’abonnés pour signaler des dysfonctionnements…

A Salt Lake City, des clients emportent des transistors avec eux dans les restaurants pour écouter les nouvelles…Dans un café, qui avait un poste de télévision, l’un des serveurs a rapporté que les clients étaient massés devant l’écran comme envoûtés…

L’équipe de Baseball des New-York Mets alors à l’entrainement fut autorisée par son entraîneur, le légendaire Charles Dillon « Casey » Stengel, peu connu pour ses entorses aux règles, à l’interrompre pour suivre le décollage.

Au Cap, le public a les larmes aux yeux et beaucoup de commentateurs également, alors que la fusée de John Glenn prend de la vitesse… « Go, baby, go ! »

Plus de 40 millions de foyers américains suivront le vol à la télévision (audience calculée par la A.C. Nielsen Company), les Etats-Unis comptaient alors quelque 184 millions d’habitants et il y avait 60 millions de téléviseurs en service dans le pays !

Le premier vol spatial de John Glenn a duré 4 heures, 55 minutes et 23 secondes au total, du décollage à l’amerrissage.

En tout et pour tout, ce sont plus de 135 millions d’américains (73,3%) qui suivront, en tout ou partie, le vol de John Glenn à la télévision.

Le Président John F. Kennedy, le Vice President Lyndon B. Johnson et des membres du Congrès suivent le lancement de John Glenn à la télévision.