Les astronautes de la mission Apollo-Soyouz ont frôlé la catastrophe

Jusque-là, la mission Apollo-Soyouz s’est déroulée sans anicroche, il est temps de revenir sur Terre.

Le CapCom Robert Crippen annonce aux astronautes les conditions météo de la zone de récupération prévue :  visibilité à 16 km, vents à 36 km/h, plafond nuageux à 600 mètres, et hauteur des vagues à 1,1 mètres.

La désorbitation intervient  à 15:37 heure de Houston, six minutes plus tard le module de service est largué, le module de commande entame seul la plongée dans l’atmosphère.

Vance Brand est dans le siège gauche, Thomas Stafford au centre et Donald « Deke » Slayton à droite. L’ordinateur de bord effectue quelques corrections de trajectoire, en déclenchant les moteurs d’attitude (reaction control thrusters).

A environ 25 km d’altitude Stafford doit neutraliser ces moteurs qui utilisent un carburant très toxique, le peroxyde d’azote (N₂O₄ ou tétraoxyde de diazote).

A quelque 15 km d’altitude, les parachutes se déploient, et un « évent » s’ouvre, permettant à l’air frais de l’extérieur de pénétrer dans la cabine. Normalement c’est comme ça que cela aurait dû se passer, mais ce ne fut pas le cas… Il s’en est fallu de très peu pour que l’équipage ne survive pas à l’amerrissage…

Dans leurs comptes rendus respectifs, les astronautes ne purent affirmer clairement qui a fait, ou qui n’a pas fait quoi.

Toujours est-t-il qu’un bruit strident dans leurs écouteurs les a distrait. Stafford n’a pas actionné le commutateur permettant de désactiver les moteurs d’orientation. Le bruit ne leur permettait pas de communiquer normalement entre eux, ni avec le Centre de Contrôle. Il fallait crier fort pour se faire entendre dans la cabine. Stafford déclarera : « Soit c’est le bruit qui n’a pas permis à Vance ou Deke de m’entendre, ou alors j’ai été distrait, et je n’ai pas demandé à ce que cela soit fait. »

Quinze kilomètres au-dessus du Pacifique, les parachutes se déploient comme prévu, la valve de ventilation s’ouvre bien, mais au lieu de laisser entrer de l’air frais c’est du peroxyde d’azote qui pénètre dans la cabine, éjecté par les moteurs d’attitude. Il se trouve malheureusement que l’orifice de ventilation est situé juste sous les moteurs.

Quand les astronautes aperçoivent le nuage jaune-brun et sentent l’odeur âcre et piquante, ils savent aussitôt de quoi il s’agit. Le peroxyde d’azote est l’un des produits les plus toxiques et corrosifs employés dans les vols spatiaux habités. Si inhalé à une concentration de 400 parties par million (ppm), il est mortel.

Très vite, Stafford actionne les boutons permettant de couper l’arrivée de carburant des propulseurs, mais comme il en reste dans les conduites le déversement continue encore un temps… Le gaz commence à produire ses effets, irritant les yeux, la peau du visage et des mains, les muqueuses du nez, de la bouche et de la gorge… Ils toussent, s’étouffent…

Pendant ce temps le module de commande heurte l’eau, à 16:18 heure de Houston, et se stabilise en position renversée (stable 2 position) bouclier ablatif vers le haut, les astronautes sont suspendus, retenus dans leur siège uniquement par les sangles. 

Vance Brand assis le plus près de la valve d’aération, perd conscience, les poings fermés. Slayton est pris de nausées. Aussitôt Stafford, qui semble mieux résister que les autres, s’extirpe de son siège et saisit trois masques à oxygène. Il en applique un sur le visage de Brand qui reprend conscience au bout de quelques secondes. Munis de ces masques les astronautes parviennent à actionner le gonflage des ballons qui permettent de redresser le vaisseau spatial, et ouvrent complètement la valve d’aération, l’afflux d’air dissipe très vite les résidus toxiques.

24 juillet 1975 – Retour de la mission Apollo-Soyouz

Quelques minutes plus tard les hommes-grenouilles sécurisent le vaisseau spatial et les astronautes de la mission Apollo-Soyouz se retrouvent très vite en sécurité dans l’hélicoptère de récupération, toujours sujets à des quintes de toux, mais il se sentent beaucoup mieux. Ils appontent sur le navire d’assaut amphibie porte-hélicoptères, USS New Orleans (LPH-11).

Curieusement, au lieu d’immédiatement faire part de cet incident aux médecins, ils ne disent mot.

C’est uniquement lors de la conférence de presse sur le pont du navire, alors qu’ils parlent avec le président des Etats-Unis, Gérald Ford, que les astronautes font état des dernières minutes difficiles de la mission.

Dès que le médecin chef de la NASA, Arnauld Nicogossian, entend parler du peroxyde d’azote, il met un terme à la conférence de presse, et dirige très rapidement les trois astronautes vers l’infirmerie du USS New Orleans.

On leur injecte de la cortisone pour atténuer l’inflammation des tissus pulmonaires. Lors du transfert par hélicoptère ils se sentaient bien, mais au bout de trois quart d’heures ils présentent déjà les symptômes d’une pneumonie aigüe…  Alors que sur la première radiographie, les poumons apparaissent normaux le lendemain ils sont complètement blancs. Un cas classique d’infiltration, une accumulation de substance anormale dans l’organisme.

Très vite les trois astronautes de la mission Apollo-Soyouz sont transférés au Tripler Army Medical Center à Honolulu, où ils resteront hospitalisés deux semaines. Les médecins détermineront qu’ils ont inhalé 300 ppm de peroxyde d’azote. Si Stafford n’avait pas réagi comme il l’a fait, en appliquant les masques, ils auraient succombés en quelques minutes !

Les trois astronautes de la mission Apollo-Soyouz sur le USS New Orleans, peu avant leur évacuation vers l’infirmerie. Assis de g. à d. : Thomas Stafford, Donald Slayton, Vance Brand.

Lors des examens médicaux, il sera découvert une lésion pré cancéreuse sur l’un des poumons de Donald Slayton. Heureusement elle s’avèrera bénigne. Il se trouve qu’elle apparaissait déjà sur une radiographie effectuée avant le vol, mais n’avait pas été décelée.

Si elle l’avait été, il aurait à nouveau été interdit de vol, ce qui aurait vraiment été, le comble de la malchance !

Erich Warsitz et le missile V2

Avec l’argent gagné comme pilote d’essai, notamment à Peenemünde, Erich Warsitz fonde une société, Warsitz Werke (Usine Warsitz) spécialisé dans la production de divers matériels de haute précision.

Proche ami de Wernher von Braun, il fut amené à produire des éléments de la fusée A4.

Le ministère de l’armement et de la production de guerre, dirigé par Albert Speer, lui confiera des contrats, pour la production en série de clapets, et de pièces de la chambre de combustion du missile V2.

Les astronautes d’Apollo 11 sont à Paris

Dans le cadre du « GIANTSTEP- APOLLO 11 Presidential Goodwill Tour », les astronautes de la mission Apollo 11 effectuent une tournée mondiale. Du 29 septembre au 5 novembre 1969, ils visitent 27 villes étrangères dans 23 pays.

Le mercredi 8 octobre, les astronautes et leurs épouses arrivent en France. Le matin même ils étaient à Madrid, en Espagne.

Pourquoi Paris ? Un élément de réponse dans ce message confidentiel émanant de l’ambassade des Etats-Unis à Paris, à destination du Secrétaire d’Etat, l’équivalent du Ministre des Affaires Etrangères :

La visite des astronautes pourrait être un facteur décisif pour s’attirer la faveur des intellectuels français, dont les doutes, pour ne pas parler d’hostilité, et le sentiment de supériorité envers les Etats-Unis, nous ont causés des problèmes sérieux dans le passé.

Nous sommes convaincus que cette visite serait bien plus efficace que les opérations de relations publiques habituelles, car ces hommes sont considérés en ce moment comme des héros supranationaux, dont les exploits ont touché toute l’humanité, exceptés Picasso et Marcuse.

En effet, Pablo Picasso (1881-1973) qui résidait en France, avait déclaré que l’Homme sur la Lune ne signifiait rien pour lui, il s’en fichait royalement.

Quant au philosophe Herbert Marcuse (1898-1979), interrogé au lendemain du 21 juillet, alors qu’il était en vacances sur la Côte d’Azur, il avait déclaré : “C’est moins important que Mai 68”.

Après avoir patienté dix minutes, les astronautes d’ Apollo 11 atterrissent à Orly à 10:40. A l’issue d’une petite cérémonie de bienvenue, ils prennent rapidement possession de leurs suites à l’hôtel de Crillon.

A 12:15 ils arrivent à l’Hôtel de Ville, le lieu historique de rassemblement des parisiens.

Le président du Conseil de Paris, Etienne Royer de Véricourt (1905-1997), après un discours devant une place bondée, leur remet la médaille Vermeil, la plus haute récompense de la ville de Paris.

De l’Hôtel de Ville, ils remontent dans une voiture décapotable la rue de Rivoli, où des dizaines de milliers de parisiens se sont massés.

De g. à d. Edwin Aldrin, Neil Armstrong, Michael Collins et Jacques Chaban-Delmas

Ils arrivent à l’Hôtel Matignon à 13:00, où ils sont reçus par le premier Ministre Jacques Chaban-Delmas (1915-2000), qui a quitté le conseil des ministres plus tôt pour ce faire.

Dans le grand salon de l’Hôtel Matignon il leur remettra la Croix de Chevalier de la Légion d’honneur.

Après le déjeuner, en présence notamment d’ André Turcat, le premier pilote d’essai de Concorde, de Jacqueline Auriol la première pilote d’essai, et du commandant Cousteau, les astronautes répondent aux questions des journalistes sur le perron de Matignon.

Sortie de l’Hôtel de Matignon

A 14:45 les astronautes retournent à l’Hôtel de Crillon pour se rafraichir. 

A 15:15 ils arrivent au Palais de l’Elysée où les accueillent le président Georges Pompidou (1911-1974) et l’ambassadeur des Etats-Unis Sargent Shriver (1915-2011), dans le salon des ambassadeurs.

Georges Pompidou les recevra personnellement, sans les épouses, dans son bureau pendant 40 minutes.

Les astronautes d’Apollo 11 avec le président de la république française Georges Pompidou.

A 16:00 ils repartent de l’Elysée, une foule considérable est présente le long du Faubourg Saint-Honoré.

Ils se rendent ensuite au siège de l’UNESCO où ils donnent une conférence de presse entre 17:30 et 18:25.

A leur arrivée ils sont longuement applaudis par les journalistes debout. Au cours de cette conférence on leur demande notamment quel est leur scientifique français préféré, Armstrong répond Descartes.

On leur pose des questions sur le voyage vers Mars, que Neil Armstrong juge faisable à court terme.

Un « journaliste » évoque même les soucoupes volantes, demandant aux astronautes s’ils y croient ! Michael Collins répond par la négative…

A 21:00 ils se rendent au Palais de Chaillot pour une autre réception officielle. Un film d’une vingtaine de minutes sur leur mission est projeté.

L’académicien Maurice Druon prononce un remarquable éloge : « Le carburant de votre fusée, c’est tout l’effort de l’espèce humaine depuis la fin de la période glaciaire… ».

Le Colonel Bernard Dupérier (1907-1995) leur remet la Grande Médaille d’or de l’Aéro-Club de France. Les seuls américains à l’avoir reçue jusqu’alors étaient Orville et Wilbur Wright en 1908, et Charles Lindbergh en 1927, ils sont les premiers « spationautes » de l’Histoire à la recevoir.

L’année suivante les astronautes d’Apollo 13 recevront cette distinction, et en 1981 ce seront John Young et Robert Crippen.

Un intermède cocasse, rétrospectivement du moins, intervient lorsqu’un jeune acteur de 27 ans, Daniel Villenfin, monte sur l’estrade où sont assis les astronautes et se dirige prestement vers Neil Armstrong.

Il est immédiatement intercepté par la sécurité et évacué. Rien de grave en définitive, il voulait juste un autographe !

Crédit photo : Associated Press
A la une du « The Michigan Daily » – 9 octobre 1969.

Toute la scène est passée en direct à la télévision, et sera rapportée par les journaux du monde entier, avec la photo (ci-dessus), même par le Sydney Morning Herald en Australie !

Son seul moment de « gloire » semble t-il. On aperçoit distinctement le stylo dans sa main droite et un papier dans la gauche. Neil Armstrong ne semble nullement effrayé.

Le 9 octobre dans les salons de l’Hôtel de Crillon, le journal parisien Le Figaro, à travers une campagne de souscription auprès de ses lecteurs, offrira à chacun des trois astronautes un module lunaire en or 18 carats.

Le LM constitué d’or, de laque noire, et d’émail pèse 846 grammes et mesure 15.0 x 10.0 x 25.0 cm. Il est réalisé par le célèbre joaillier de la place Vendôme, Cartier.

Les trois astronautes d’ Apollo 11.

L’œuvre d’art est présentée dans un écrin en cuir rouge en forme de pyramide.

Chaque module, contient dans le moteur de l’étage de descente, un microfilm portant les noms des personnes qui contribuèrent à l’opération.

Sur le module lunaire figure l’inscription : « Les lecteurs du journal Le Figaro » et juste dessous le prénom et le nom de l’astronaute.

Cartier a racheté l’exemplaire de Michael Collins lors d’une vente aux enchères en 2003 pour la somme de 56 000 USD (75 000 en dollars constants).

Celui d’Armstrong, qu’il avait donné au Armstrong Air and Space Museum de Wapakoneta, sa ville de naissance, a été volé le vendredi 28 juillet 2017.

Le module lunaire de Buzz Aldrin a été mis aux enchères par RR Auction le 16 novembre 2017, et vendu 149 000 USD ! L’œuvre d’art est un peu abimée, il manque certains éléments. Cartier a proposé de restaurer l’objet aux frais de l’acquéreur.

Peu après, les astronautes d’ Apollo 11 reprennent l’avion à destination des Pays-Bas…