Le mémorandum du président Kennedy au vice-président Johnson

Voici une traduction du mémo envoyé par le président John Kennedy, au vice-président Lyndon Johnson, le 20 avril 1961.

Huit jours auparavant, le 12 avril, l’Union Soviétique avait envoyé le premier Homme dans l’espace, Youri Gagarine.

Ce mémorandum est à l’origine du programme Apollo !

LA MAISON BLANCHE

Washington

                                                                                                       20 avril 1961

MEMORANDUM POUR :

LE VICE PRESIDENT

Comme suite à notre conversation je souhaiterais, dans le cadre de vos fonctions de directeur du conseil de l’espace, que vous meniez une enquête exhaustive sur notre situation dans le domaine spatial.

  1. Pouvons nous battre les soviétiques en plaçant un laboratoire dans l’espace, ou une mission autour de la Lune, ou une fusée qui atterrirait sur la Lune, ou encore avec une fusée qui ferait l’aller-retour autour de la Lune avec un homme. Y a-t-il d’autres programmes spatiaux qui permettraient des résultats spectaculaires et que nous pourrions être les premiers à réaliser ?
  2. Combien cela coûterait-il en plus de ce que nous dépensons déjà ?
  3. Nous consacrons-nous à 100 % sur des programmes existants ? Si non, pourquoi ? Si non, pouvez-vous me faire des recommendations sur la manière d’accélérer ces projets.
  4. Pour construire de puissants lanceurs, devons-nous privilégier le nucléaire, le chimique ou le liquide, ou une combinaison des trois ?
  5. Y consacrons-nous suffisamment d’effort ? Obtenons-nous les résultats nécessaires ?

J’ai demandé à Jim Webb (NdT : James Webb, Administrateur de la NASA), au Dr Weisner (NdT : il s’agit du Dr Jerome Wiesner conseiller scientifique du président Kennedy), au secrétaire McNamara (NdT : Robert McNamara, secrétaire (ministre) de la Défense) et à d’autres responsables officiels de vous apporter leur pleine coopération. Je vous sais gré de me faire parvenir vos conclusions dans les meilleurs délais possibles.

                                                                                                    (John F. Kennedy)

De la finalité des vols spatiaux habités

Au début de la guerre froide, le critère d’attractivité, selon les décideurs politiques aux États-Unis et en Union Soviétique, était lié à des programmes scientifiques et technologiques de grande ampleur. Ainsi, les démonstrations de prouesses scientifiques et technologiques sont devenues des actions clefs pour affirmer le prestige national et associer les valeurs et les symboles perçus de la science et de la technologie – la rationalité, le progrès – avec l’image de l’idéologie politique de chaque nation. Les records aéronautiques par exemple, sont alors extrêmement médiatisés.

C’est donc tout naturellement qu’en 1957, après les réactions mondiales liées au lancement de Spoutnik, dont l’ampleur a d’ailleurs surpris les russes, les hommes politiques tant aux Etats-Unis qu’en Union Soviétique ont vu dans la conquête spatiale le moyen le plus visible, le plus spectaculaire, pour attester leur suprématie.

En pleine guerre froide, les réalisations spatiales civiles, bien plus que les armes ou les conflits militaires, ont servi comme de très efficaces vecteurs pour démontrer ses capacités technologiques, sa puissance, et surtout, l’efficacité de son système politique.

Les deux superpuissances investiront massivement dans le domaine du spatial habité, une escalade qui aboutira au programme Apollo, qui permettra à douze américains de marcher sur la Lune entre 1969 et 1972, à ce jour, l’apogée de 60 ans de conquête spatiale…

Peu après le lancement de Spoutnik, Arthur Larson, le directeur de l’agence d’information des Etats-Unis (United States Information Agency ou USIA qui a existé de 1953 à 1999 – Outil de diplomatie publique, de propagande.) encouragea vivement le président Dwight Eisenhower à prendre fait et cause pour l’exploration spatiale, afin d’améliorer l’image de l’opinion publique étrangère vis à vis des Etats-Unis, non pas pour la connaissance scientifique en elle- même, mais pour l’impact disproportionné que la prééminence dans l’espace semble avoir sur le ressenti de puissance d’une nation, qui permet d’accroître très significativement son pouvoir de négociation.

La NASA, l’USIA, et le Département d’Etat, ont vendu cette image des Etats-Unis au grand public, notamment, entre autres, en encourageant un programme spatial habité très élaboré et très dispendieux, avec de nombreuses expositions sur le thème de l’espace, des tournées mondiales d’astronautes et de capsules spatiales, et bien sûr, en diffusant en direct les différentes missions spatiales à la télévision et surtout sur les radios que l’on pouvait capter dans le monde entier.  Aux Etats-Unis il a fallu mettre en place une rhétorique élaborée, car dans un pays démocratique le politique est tributaire de l’opinion publique ; vox populi, vox dei. Un problème que n’ont pas eu les dirigeants soviétiques.

L’origine du programme spatial habité étant avant tout politique, après la guerre froide il a fallu trouver une justification économique et scientifique, et là, tout s’est bigrement compliqué.

Depuis Eisenhower, aucun des onze présidents des Etats-Unis qui se sont succédés à ce jour, n’a mis fin au programme spatial habité. Avec le programme Apollo, l’espace est devenu dans l’imaginaire américain la nouvelle frontière, un leitmotiv habillement distillé par les responsables politiques depuis Kennedy, se substituant à l’Ouest mythique.

Plus philosophiquement, l’espace habité est le début de l’expansion humaine dans le système solaire et au-delà. Il s’agit même d’une étape dans l’évolution pour certains, qui n’ont pas hésité à comparer les premiers pas de l’Homme sur la Lune avec ceux des premiers arthropodes qui ont « sorti la tête de l’eau ».

John F. Kennedy – « Nous choisissons d’aller sur la Lune… » (Traduction intégrale du discours Université Rice 1962)

Kennedy Université Rice

Le mercredi 12 septembre 1962, à 10:00 du matin, le Président américain John Fitzgerald Kennedy prononce ce discours extraordinaire… mythique… de 18 minutes, consacré à l’effort national dans le domaine spatial, devant quelque 40 000 personnes, dans la chaleur étouffante (43°C) du stade de l’Université Rice près de Houston (à 7 km du centre ville) au Texas. Le stade a été construit en 1950.

Exactement à 35 km au sud-est de Houston, où se trouve le Centre des Vaisseaux Spatiaux Habités (Manned Spacecraft Center, qui ouvrira ses portes en septembre 1963, et a pris le nom de Lyndon B. Johnson Space Center en 1973, à la mort de l’ancien Président… et Vice-président de John Kennedy) et son célébrissime Centre de Contrôle des Missions.

Discours d’autant plus émouvant que 436 jours plus tard, John Kennedy sera assassiné à 365 kilomètres de là, dans ce même état du Texas, et qu’il ne verra pas s’accomplir l’un des plus vieux rêves de l’humanité…

Mission accomplie Monsieur le Président !

Voici une traduction intégrale et littérale de ce discours, effectuée par votre serviteur !

« Président Pitzer, monsieur le vice-président, gouverneur Daniel, membre du congrès Thomas, sénateur Wiley, membre du congrès Miller, monsieur Webb, monsieur Bell, messieurs les scientifiques, distingués invités, mesdames et messieurs :

[ NdT : Dr. Kenneth S. Pitzer, Président de l’Université Rice; Lyndon B. Johnson, Vice-président des Etats-Unis; Price Daniel, Gouverneur du Texas ; Albert Thomas, Membre de la Chambre des Représentants (Texas) ; Alexander Wiley, Sénateur du Wisconsin ; George P. Miller, Membre de la Chambre des Représentants (Californie) ; James E. Webb, Administrateur de la NASA (National Aeronautics and Space Administration) ; David E. Bell, Directeur du Bureau du Budget. Parmi les scientifiques qui assistent à cette allocution figure notamment Wernher von Braun présent dans le cortège présidentiel… ]

Je remercie chaleureusement votre président d’avoir fait de moi un professeur visiteur honoraire, et je vous assure que mon premier cours sera très bref.

Je suis ravi d’être ici, et tout particulièrement en cette occasion.

Nous sommes réunis dans une faculté réputée pour son érudition, dans une ville connue pour son progrès, dans un état reconnu pour sa puissance, et il se trouve justement que nous avons besoin de ces trois qualités, nous nous trouvons en effet à une époque où nous sommes confrontés à des changements et des défis, dans une une décennie porteuse d’espoir mais également de peur, un temps où se mêlent connaissance et ignorance. Plus nos connaissances s’accroissent, plus notre ignorance apparaît au grand jour.

Malgré le fait frappant que la plupart des plus grands scientifiques que le monde ait connu soient vivants et actuellement en exercice, bien que la population scientifique active de cette nation double tous les 12 ans et affiche un taux de croissance trois fois supérieur à celui de l’ensemble de notre population, en dépit de tout cela, la vaste étendue de l’inconnu, des questions sans réponse, et de l’inachevé, continuent de surpasser très largement notre compréhension collective.

Nul ne peut vraiment appréhender le chemin que nous avons parcouru et à quelle vitesse, sauf,  si vous le voulez bien, l’on condense les 50 000 ans de l’histoire humaine connue, sur une période de seulement un demi-siècle. Ce faisant, nous en savons très peu sur les 40 premières années, si ce n’est qu’a la fin de ce laps de temps les plus avancés des Hommes ont appris à se servir de peaux d’animaux pour se vêtir. Puis, il y a environ 10 ans, toujours à cette échelle, l’Homme quitte ses grottes pour se construire d’autres abris. Il n’y a que cinq ans que l’homme a appris à écrire et à utiliser la roue. Cela ne fait que deux ans que le Christianisme est né. L’imprimerie n’est apparue que cette année, et cela ne fait que deux mois, sur ce condensé d’histoire humaine ramené à 50 ans, que la machine à vapeur à permis de fournir une nouvelle source d’énergie, que Newton étudie la gravité. Le mois dernier apparaissent la lumière électrique, le téléphone, l’automobile et l’avion. Ce n’est que la semaine dernière que nous avons inventé la pénicilline, la télévision et l’énergie nucléaire, et aujourd’hui, si le nouveau vaisseau spatial américain arrive sur Vénus, nous aurons littéralement atteint les étoiles avant ce soir minuit.

Nous avons parcouru ce chemin à une vitesse à couper le souffle, à ce rythme on ne peut éviter l’apparition de nouveaux maux, même si on en a fait disparaître d’anciens, de nouvelles ignorances, de nouveaux problèmes, de nouveaux dangers. Assurément, les nouvelles perspectives spatiales nous réservent des coûts élevés et de nombreuses épreuves, mais également d’immenses récompenses.

Il n’est donc pas surprenant que certains préféreraient nous voir rester là où nous sommes, un peu plus longtemps, à attendre, à stagner. Mais cette ville de Houston, cet état du Texas, ce pays des Etats-Unis ne furent pas construits par des couards, des fainéants, des gens qui regardent vers le passé. Ce pays a été conquis par ceux qui allaient de l’avant et il en sera de même pour l’espace.

William Bradford, s’exprimant en 1630 sur la fondation de la colonie de la baie de Plymouth, disait que toutes les grandes et honorables actions s’accompagnent de grandes difficultés, et que les deux doivent être entreprises et surmontées avec courage et responsabilité.

Si cette histoire condensée de notre évolution nous apprend quelque chose, c’est que l’homme, dans sa quête de connaissance et de progrès, est déterminé et rien ne peut l’empêcher d’avancer. L’exploration de l’espace se fera, que nous nous y joignions ou non, c’est l’une des plus grandes aventures de tous les temps, et aucune nation ayant la prétention d’être un exemple pour les autres ne peut envisager de rester à la traîne dans la course à l’espace.

Ceux qui nous ont précédé on fait en sorte que ce pays soit sur les premières vagues de la révolution industrielle, les premières vagues des inventions modernes et la première vague de l’énergie nucléaire, et cette génération n’a pas l’intention de sombrer dans les remous de l’ère spatiale naissante. Nous avons l’intention d’y prendre part et nous comptons bien être les premiers. Car les yeux du monde sont dorénavant tournés vers l’espace, vers la Lune et les planètes au-delà, et nous avons fait le serment de ne pas voir cet espace sous le joug d’un étendard hostile et expansionniste mais sous la bannière de la liberté et de la paix.

Nous avons fait le serment de ne pas voir l’espace envahi par des armes de destruction massive, mais par des instruments de connaissance et de découverte.

Cependant les promesses de cette nation ne pourront être tenues qu’à l’impérieuse condition que nous soyons les premiers et c’est bien notre intention. En résumé, notre suprématie dans le domaine scientifique et industriel, nos espoirs de paix et de sécurité, nos obligations envers nous-mêmes et envers les autres, tout cela exige de nous cet effort, afin de percer ces mystères, de les résoudre pour le bien tous les hommes, et de devenir la première nation parmi celles qui se sont engagées dans l’espace.

Nous embarquons pour explorer ce nouvel océan car il y a de nouvelles connaissances à acquérir, de nouveaux droits à conquérir, et ils doivent êtres conquis et utilisés pour le progrès de tous les peuples. Car la science spatiale, comme la science nucléaire et toutes les technologies, n’a pas de conscience intrinsèque. Qu’elle devienne une force bénéfique ou maléfique dépend de l’homme, et c’est seulement si les Etats-Unis occupent une position prééminente qu’il nous sera possible de décider si ce nouvel océan sera un havre de paix ou un terrifiant nouveau théâtre de guerre. Je ne dis pas que nous ne devons pas nous protéger contre une utilisation belliqueuse de l’espace, de même que nous devons nous préparer contre d’éventuelles actions hostiles sur terre ou sur la mer, mais je dis que l’espace peut être exploré et exploité sans attiser les feux de la guerre, sans répéter les erreurs que l’homme a commis en étendant son emprise sur ce globe qui est le nôtre.

Pour l’instant il n’y a ni différend, ni querelle, ni conflit national dans l’espace. Les dangers inhérents à l’espace constituent une menace pour tout le monde. La conquête de l’espace mérite le meilleur de toute l’humanité, et les opportunités de coopérations pacifiques pourraient bien ne jamais se représenter. Mais, pourquoi la Lune diront certains ? Pourquoi en faire notre objectif ? Et ils pourraient tout aussi bien demander : pourquoi gravir la plus haute montagne ? Pourquoi, il y a trente-cinq ans, traverser l’Atlantique en avion ? Pourquoi Rice continue de jouer contre Texas ?

(NdT : Pourquoi l’Université Rice continue de jouer au football américain contre l’Université du Texas ? L’équipe de l’université du Texas,Texas Longhorns était tellement supérieure à celle de Rice, Rice Owls, que le résultat des matchs était couru d’avance – clin d’œil du Président. Le discours a été écrit par Theodore Sorensen (1928-2010) mais l’allusion « Why does Rice play Texas ? » a été ajoutée par Kennedy.)

Nous choisissons d’aller sur la Lune. (NdT : Des applaudissements interrompent le discours – le public réagit à la remarque Rice contre Texas ) Nous choisissons d’aller sur la lune… Nous choisissons d’aller sur la Lune au cours de cette décennie, et d’accomplir d’autres choses encore, non pas parce que c’est facile, mais justement parce que c’est difficile, car ce but servira à organiser et à donner le meilleur de nos énergies et de nos savoir-faire, parce que c’est le défi que nous sommes prêt à relever, celui que nous refusons de remettre à plus tard, celui que nous avons la ferme intention de gagner, et les autres également. (Applaudissements)

C’est pour ces raisons, que je considère la décision prise l’an dernier de faire passer nos efforts dans le domaine spatial à la vitesse supérieure, comme l’une des plus importantes de mon mandat présidentiel.

Au cours des dernières 24 heures, nous avons visité les installations en cours de construction, pour la plus grande et la plus complexe exploration de l’histoire de l’Homme. Nous avons senti le sol trembler, l’air vibrer, lors du test des moteurs d’une fusée Saturne C-1, dont la puissance est plusieurs fois supérieure à celle de l’Atlas qui a lancé John Glenn, qui développe une puissance équivalente à 10 000 automobiles dont les conducteurs auraient l’accélérateur au plancher. Nous avons visité le lieu où cinq moteurs F-1, chacun aussi puissant que les huit moteurs de la Saturne combinés, seront montés ensemble pour propulser la nouvelle fusée Saturne, qui sera assemblée dans un bâtiment en cours de construction au Cap Canaveral, aussi haut qu’un immeuble de 48 étages, aussi large qu’un quartier urbain, et aussi long que deux fois la longueur de ce stade.

Lors des derniers 19 mois, pas moins de 45 satellites ont été envoyés autour de la Terre. Près de 40 d’entre eux ont été fabriqués aux Etats-Unis d’Amérique et sont bien plus sophistiqués et ont permis d’acquérir bien plus de connaissances pour les peuples du monde, que ceux de l’Union Soviétique.

Le vaisseau spatial Mariner… (Applaudissements)… actuellement en route vers Venus est le plus sophistiqué des outils scientifiques de l’histoire de l’espace. La précision de sa trajectoire est telle, qu’à titre de comparaison, cela reviendrait à faire tomber un missile tiré de Cap Canaveral exactement sur la ligne des quarante mètres de ce stade.

Les satellites de navigation aident nos navires à se mouvoir avec précision et en toute sécurité. Les satellites Tiros nous permettent de prévoir les passages d’ouragans et de tempêtes, il en ira de même avec les feux de forêt et les icebergs.

Nous avons subi des échecs, mais les autres aussi, même s’ils refusent de l’admettre et qu’ils ne les rendent pas public.

Il est certain… (Applaudissements) Il est certain que nous sommes derrière, et nous serons à la traîne quelques temps encore pour ce qui concerne les vols habités. Mais nous n’avons pas l’intention de rester derrière, et au cours de cette décennie, nous allons rattraper notre retard et prendre la tête. (Applaudissements)

Le développement de notre science et de notre éducation seront accélérés par les nouvelles connaissances de notre univers et de notre environnement, par les nouvelles techniques d’étude, d’exploration et d’observation, par les nouveaux outils et les ordinateurs ; tout le monde en bénéficiera, aussi bien l’industrie, que la médecine, qu’à la maison, et bien sûr l’école. Les institutions à vocation technologique, telles que Rice, en récolteront toutes les retombées.

Et pour finir, l’effort spatial en lui-même, pourtant encore à ses débuts, a déjà permis la création d’un grand nombre de nouvelles entreprises, et de dizaines de milliers de nouveaux emplois. L’aérospatiale et les industries afférentes génèrent de nouveaux besoins en terme d’investissements et de personnels qualifiés, et cette ville, cet état, cette région, apporteront une large contribution à cette croissance.

Ce qui était, il y a peu encore, l’avant-poste le plus éloigné de la vieille frontière de l’Ouest sera à l’avant-garde de la nouvelle frontière de la science et de l’espace. Houston… (Applaudissements)… votre ville de Houston, avec son centre des vols spatiaux habités, deviendra le centre d’une grande communauté de scientifiques et d’ingénieurs.

D’ici les 5 prochaines années, l’Administration Nationale de l’Aéronautique et de l’Espace prévoit de doubler le nombre de scientifiques et d’ingénieurs dans ce secteur, d’augmenter sa masse salariale et ses autres dépenses de 60 millions de dollars tous les ans ; d’investir environ 200 millions de dollars dans la construction d’infrastructures et de laboratoires ; et ce centre va consacrer plus d’un milliards en contrats divers au profit de cette ville, dans le cadre de nouveaux efforts spatiaux.
Il est certain que tout cela coûte très cher. Le budget spatial de cette année est trois fois plus élevé que ce qu’il était en janvier 1961, et est supérieur aux budgets spatiaux combinés des huit dernières années. Ce budget est aujourd’hui de 5 milliards 400 millions de dollars par an, une somme exorbitante mais qui reste tout de même inférieure à nos dépenses annuelles en cigarettes et cigares. (Applaudissements)

Les dépenses spatiales augmenteront bientôt encore un peu, passant de 40 cents par personne et par semaine, à plus de 50 cents par semaine pour chaque homme, femme et enfant aux Etats-Unis, car nous avons donné à ce programme une haute priorité nationale, même si j’ai bien conscience qu’il s’agit dans une certaine mesure d’un acte de foi, d’une prospective dont nous ne savons pas quels bénéfices nous allons tirer. Mais si je vous dis, mes chers concitoyens, que nous allons envoyer sur la Lune, à plus de 300 000 kilomètres du centre de contrôle de Houston, une fusée géante de plus de 100 mètres de haut, la longueur de ce terrain de football, fabriquée avec de nouveaux alliages, dont certains n’ont pas encore été inventés, capables de supporter une chaleur et une pression plusieurs fois supérieures à ce qui a jamais été expérimenté, assemblée avec une précision supérieure à celle des meilleures montres, incorporant tous les équipements nécessaires à la propulsion, au guidage, au contrôle, aux communications, à l’alimentation et à la survie, pour accomplir une mission encore jamais tentée, vers un corps céleste inconnu, puis nous la ferons revenir sur la Terre, où elle fera une rentrée dans l’atmosphère à une vitesse proche de 40 000 km/h, générant une température atteignant la moitié de celle qui règne à la surface du Soleil, – presque aussi chaude qu’aujourd’hui – (rires et applaudissements).

Nous sommes déterminés à le faire, le faire bien, et le faire les premiers avant la fin de cette décennie, mais pour cela nous devons faire preuve d’audace. (applaudissements)

C’est moi qui fait tout le travail, je vous demande juste de garder votre sang-froid encore une minute. (Le Président emploie cool, petit clin d’œil à la chaleur.)

Néanmoins, je pense que nous y arriverons, mais nous devrons dépenser ce qui devra l’être. Il n’est pas question de gaspiller de l’argent, mais je pense que nous devons réaliser cette entreprise. Et cela sera accompli dans les années soixante. Cela sera peut-être réalisé alors que certains d’entre vous seront encore ici à faire leurs études dans cette université ou durant les mandats électoraux de certaines des personnes qui sont assises ici sur cette estrade. Quoi qu’il en soit ce sera fait, et avant la fin de la décennie.

Je suis ravi que cette université soit impliquée dans ce projet d’envoyer un homme sur la Lune, dans le cadre de ce gigantesque effort national entrepris par les Etats-Unis d’Amérique.

Il y a quelques années, on a demandé au grand explorateur britannique George Mallory, qui a trouvé la mort sur le Mont Everest, pourquoi il voulait gravir cette montagne. Il a répondu : « Parce qu’elle est là ! ».

Eh bien, l’espace est là, et nous allons y aller, et les étoiles et les planètes sont là aussi, porteurs de nouveaux espoirs, de nouvelles connaissances, et la paix s’y trouve également. C’est pourquoi, avant de nous embarquer, pour cette aventure, la plus incertaine et la plus dangereuse des grandes aventures dans laquelle l’homme ne s’est jamais engagé, nous demandons la bénédiction de Dieu ! »

Voir également ma traduction du discours de Kennedy devant le Congrès , le 25 mai 1961. « Je crois que cette nation devrait se donner l’objectif, avant la fin de cette décennie, d’envoyer un homme sur la Lune et le ramener sain et sauf sur Terre ».