Von Braun et Korolev dans le même hôtel

Zinnowitz- Hotel Schwabe

Dans la soirée du samedi 3 octobre 1942, Wernher von Braun et Walter Dornberger vont fêter le premier tir réussi d’une fusée A4, dans le très luxueux hôtel Schwabe de la station balnéaire de Zinnowitz, en compagnie des responsables techniques et militaires du centre de recherche de Peenemünde.

Ce faisant, il y a une chose qu’ils n’auraient jamais pu imaginer, moins de trois ans plus tard, des militaires et surtout des ingénieurs civils soviétiques déguisés en militaires, s’entretiendront des performances de la A4 exactement au même endroit.

Parmi eux, un certain « major » Sergueï Korolev, futur constructeur principal, « père » du programme spatial soviétique.

L’hôtel Schwabe qui deviendra par ailleurs la Kommandantura, le quartier général, de l’armée soviétique dans la région.

Le centre de recherche de Peenemünde se trouve à une dizaine de kilomètres au nord de Zinnowitz.

usedom-palace

« Schwabes Hotel » rebaptisé « Usedom Palace ». Le restaurant du palace quant à lui s’appelle toujours Schwabe.

Voskhod 2 ou les chimères de la narration soviétique

Voskhod 2 Une Pravda

Le programme spatial soviétique était empreint de multiples contradictions, et d’une dichotomie entre le réel et la narration.

Tiraillés entre culte du secret et impératifs de la propagande, les soviétiques pratiquaient systématiquement la désinformation en dissimulant échecs et défaillances.

Il existait également une opposition entre Homme et machine, puisqu’il fallait en même temps exalter l’héroïsme des cosmonautes tout en affirmant l’infaillibilité des machines frappées du drapeau rouge arborant la faucille et le marteau, et du sigle CCCP (URSS en écriture cyrillique).

Le compte rendu de la mission Voskhod 2 qui s’est déroulée du 18 au 19 mars 1965, est à ce titre extrêmement révélateur. C’est au cours de ce vol spatial qu’a été réalisée la première sortie extra véhiculaire dans l’espace d’une durée de 12 minutes et 9 secondes.

Les deux cosmonautes Pavel Belyayev et Alexeï Leonov ont rencontré nombre de problèmes sérieux qui n’ont bien évidemment pas été révélés. Ils ont frôlé la catastrophe à plusieurs reprises. Ce sera d’ailleurs le dernier vol Voskhod, en réalité une capsule Vostok modifiée.

L’un de ces incidents a impliqué le système d’orientation automatique qui permet le bon positionnement de la capsule pour la rentrée dans l’atmosphère. Les cosmonautes réussissent difficilement à orienter manuellement la capsule. Ils atterriront à quelque 400 km de la zone prévue, dans deux mètres de neige, et passeront deux jours dans la nature avant de pouvoir être récupérés sans risque.

Les officiels s’interrogent ; que va-t-on révéler au public ?

Pour éviter tout impair, Belyayev et Leonov sont longuement « briefés » avant la conférence de presse. On les prépare à répondre « correctement » aux questions des journalistes à l’aide de simulations, de mises en situation… Plus d’une soixantaine de questions potentielles sont étudiées en détail !

Entre généralités, demi-vérités et mensonges la conférence de presse présente peu ou prou d’intérêt.

Une surprise toutefois, Pavel Belyayev, « Pasha », le commandant de la mission, « dévoile » un léger problème rencontré avec le système d’orientation automatique, mais il enchaîne aussitôt sur le fait que son compagnon et lui furent ravis que le système automatique ait connu une petite défaillance car cela leur a permis de piloter eux même le vaisseau spatial !

Une astuce qui permet de faire passer la faillibilité de la machine au second plan du récit, la panne devient un épiphénomène sans importance, sans gravité, et permet par la même de glorifier le cosmonaute !

 

La première conférence de presse de Youri Gagarine après son vol historique

Fers de lance de la propagande soviétique, les cosmonautes avaient une lourde responsabilité.

Tiraillés entre les impératifs liés à cette propagande et ceux dictés par une culture du secret poussée à son paroxysme, ils devaient se sentir particulièrement inconfortables lors de leurs apparitions publiques. De peur de dévoiler un « secret d’état », les réponses aux interviews sont toujours générales et d’une très regrettable vacuité !

Comme on peut le constater à l’occasion de la première conférence de presse de Youri Gagarine donnée après son vol historique :

Journaliste : « Quand vous a-t-on annoncé votre sélection pour ce premier vol ? »
Youri Gagarine : « On m’a informé au moment opportun. J’ai eu largement le temps de me préparer et de m’entrainer pour ce vol. »
– Vous avez dit hier que vos compagnons pilotes-cosmonautes sont prêts à réaliser de nouveaux vols cosmiques. Combien sont-ils ? Plus d’une douzaine ?
– Conformément à notre plan de conquête de l’espace cosmique, notre pays forme des pilotes-cosmonautes. Je pense qu’ils sont suffisamment nombreux pour réaliser une série de vols dans l’espace.
– Quand le prochain vol spatial doit-il avoir lieu ?
– Je crois que nos scientifiques et cosmonautes effectueront le prochain vol spatial lorsque cela s’avèrera nécessaire.
– Quel est le montant de votre salaire ?
– Comme tous les soviétiques, mon salaire permet de couvrir tous mes besoins.

Le grand journaliste russe Iaroslav Golovanov, qui était présent à cette conférence nota dans son journal intime que Gagarine était sur le qui-vive, terrifié à l’idée de dire quelque chose d’interdit, il cherchait constamment du regard l’académicien Evgenii Konstantinovich Fedorov, nommé porte-parole pour la circonstance, qui lui aussi devait faire croire qu’il avait une quelconque responsabilité dans ce premier vol !

Galovanov révèle, que l’information la plus intéressante qu’il ait apprise lors de cette conférence de presse, est le poids de Gagarine : 69,5 kg !