Walter Schirra ou avant même d’être né

Les parents de l’astronaute Walter Schirra pratiquaient la voltige aérienne.

Walter, son père, ingénieur, avait été pilote de chasse lors du premier conflit mondial, abattant deux avions allemands alors qu’il se trouvait en France. Lui-même est abattu trois fois et porté disparu. A deux reprises sa femme assistera à ses funérailles et touchera son assurance vie, qu’elle devra rembourser après son retour sain et sauf, exception faite d’un gros éclat d’obus dans la jambe. Dès lors et jusqu’à la fin de sa vie il ne pourra plus passer un portique de sécurité aéroportuaire sans faire sonner le dispositif.

Après la guerre, pour garder la main, il sillonne le pays en compagnie de sa femme Florence, pour réaliser des numéros d’acrobaties aériennes, au cours desquelles elle marche sur l’aile de leur biplan, un Curtis « Jenny » (Curtis JN-4).

Il faut bien payer le kérosène et les factures liées à son entretien. Attirant pas mal de curieux et d’amateurs de sensations fortes, Walter Schirra leur faisait faire un tour pour 5 dollars.
Lorsque Florence apprend qu’elle a « un bébé dans le hangar » (selon ses propres termes) elle arrête les cascades.

Ainsi, chaque fois que des pilotes comme Chuck Yeager ou Scott Crossfield vantaient un peu leurs exploits, Walter Schirra leur rétorquait que lui, volait déjà avant même d’être né.

A l’âge de 8 ou 9 ans, il effectue sont premier vol, en tant que passager, à bord de l’avion de son père, un Aeronca C3.

A 15 ans, il le pilote, mais toujours avec son père dans le siège arrière. Il faudra attendre quelques années plus tard, lorsqu’il sera entré à la Navy, pour qu’il vole en solo !

L’avion fut détruit, le jour où son père le prêta à un ami, qui rata son atterrissage !

Walter Schirra père, devant son De Haviland.
 Walter Schirra Jr, est le premier astronaute à avoir volé sur trois engins spatiaux différents. (Mercury, Gemini, Apollo)

Walter Schirra et l’agent immobilier

L’astronaute Walter Schirra, avait une maison de campagne sur l’île de Kauai à Hawaii, qu’il a revendue.

Quelques années plus tard lorsqu’il est retourné à Kauai, il s’est rendu, par curiosité, dans une agence immobilière de Princeville, pour voir un peu l’évolution des prix au mètre carré.

Il assiste alors à une improbable scène où un agent immobilier montre à un client, sur une grande carte murale : « C’est à cet endroit qu’a résidé l’astronaute Walter Schirra. »

Walter Schirra s’approche, intrigué, car sa maison se trouvait en réalité à plusieurs kilomètres de là, dans un quartier beaucoup moins huppé. Elle répète plusieurs fois son erreur, à tel point que n’y tenant plus, il fait remarquer sa méprise à l’agent immobilier.

Sans se démonter le moins du monde, cette dernière lui rétorque qu’elle a habité ce coin pendant des années, et qu’elle sait parfaitement à quel endroit le célèbre astronaute Walter Schirra avait sa maison.

Il insiste, lui disant que sans remettre en doute son ancienneté dans le quartier, Schirra a habité dans celui-ci, pointant du doigt l’endroit en question.

Exaspérée, elle lui demande comment il peut être aussi sûr de lui.
 
« Madame, il se trouve justement que… Je suis Wally Schirra ! »

Clifton Curtis Williams

Le 5 octobre 1967 à 12:52, Clifton Curtis Williams, astronaute du groupe 3, sélectionné en octobre 1963, décolle de la Base Aérienne Patrick adjacente au Centre Spatial Kennedy. La réunion à laquelle il devait participer, ayant été annulée, il a préféré retourner à Houston.  Ce faisant il a été autorisé à faire un petit détour par la Base Aérienne Brookley près de la ville de Mobile en Alabama où résident ses parents. Il y a quelques temps son père a appris qu’il est atteint d’un cancer, et les médecins sont plutôt pessimistes.  Il tient à lui faire une visite surprise, aussi brève soit-elle.

Pilote d’essai  dans la Navy, il cumule 2 500 heures de vol, dont 2 100 sur avions à réaction.

Seul à bord de son T-38, il vole à 7 200 mètres d’altitude lorsque vers 13:20 la commande des ailerons ne répond plus, ce qui provoque le décrochage de l’avion qui pique de l’avant, vers la gauche, induisant une vrille. L’avion plonge, quasiment à la verticale, à une vitesse proche de Mach .95.  Il tente par tous les moyens de redresser l’assiette, l’arrivée sur les couches d’air plus dense lui donne l’impression qu’il va y arriver, lui faisant perdre de précieuses secondes.

Le sol se rapproche à très vive allure, il doit s’éjecter. Le temps presse mais il prend quand même le temps  de lancer un appel de détresse, sur un T-38 il faut quatre secondes pour passer de la fréquence UHF normale à celle de détresse.

Avec un débit rapide mais d’une voix claire et professionnelle il annonce « Mayday, Mayday, Mayday …  Ici NASA 922 je m’éjecte à proximité d’Orlando… je veux dire Tallahassee ». En dépit de la situation d’urgence Williams a la présence d’esprit de corriger son erreur de localisation.

Malheureusement il a trop attendu, lorsqu’il  démarre la procédure d’éjection qui prend 1 seconde et demie,  il est trop tard, l’avion vole trop bas.

Le jet s’écrase à la verticale et explose, l’appareil  est  complètement désintégré et son occupant également, rattrapé par la déflagration.

La commission d’enquête de la NASA, dirigée par Alan Shepard conclura à une défaillance technique. Les deux moteurs du T-38, retrouvés à cinq mètres de profondeur témoignent de la violence de l’impact.

Deux jours avant, Clifton Williams et Donald Slayton avaient utilisé le même appareil (NASA 922), qui ne compte qu’une centaine d’heures de vol, pour venir d’Ellington. Ils avaient alors signalé une panne mineure, celle d’un transpondeur. Et la veille, Williams l’avait pris pour se rendre de la base aérienne Patrick à la Grumman Air Facility, dans l’état de New York.  Au retour, il avait signalé une batterie hors service.

Beth Williams, son épouse, est  en train de déjeuner chez des voisins, lorsque l’astronaute Jack Lousma et son épouse Gratia se présentent le visage blafard et la mine décomposée. Elle comprend alors qu’ils viennent lui  annoncer « la plus horrible nouvelle de sa vie ».

C’est William Anders qui escortera la dépouille mortelle de son ami de Tallahassee, Floride à Washington D.C.

C.C. Williams a été enterré au cimetière national d’Arlington avec tous les honneurs militaires, son cercueil a été emmené sur le lieu de la sépulture par six chevaux blancs et une garde d’honneur de 200 Marines. Les astronautes Eugene Cernan, Richard Gordon, Alan Bean, Pete Conrad, Mike Collins et Jack Lousma ont porté le cercueil.

Remplaçant pour la mission Apollo 9, C.C. Williams aurait dû voler sur Apollo XII, et devenir le quatrième Homme sur la Lune. Le badge de la deuxième mission lunaire compte quatre étoiles ; trois étoiles pour chacun des astronautes de la mission, et une supplémentaire pour honorer sa mémoire.

A la fin de la mission, Charles Conrad et Alan Bean ont déposé sur la Lune ses « ailes d’or » de la Navy.

Il est le deuxième astronaute, après John Glenn, à faire partie de ce corps d’élite indépendant, mais qui est administrativement rattaché à la Navy, les Marines (Marine Aircraft Wing) . The Few The Proud The Marines – Semper Fidelis

C.C. Williams est le premier astronaute célibataire au moment de sa sélection.  Il s’est marié en juillet 1964, après 7 ans de « fréquentation », avec la sublime Jane Elizabeth « Beth » Lansche,  une ancienne aquamaid  de  Cypress Gardens, qui a participé aux magnifiques spectacles en ski nautique de ce célèbre parc d’attraction de Floride. Ils ont eu deux filles, Catherine Ann, née le 6 janvier 1967 et Jane Dee née le 31 mai 1968… Huit mois après la disparition de son papa…

Quelques jours avant son accident Beth lui avait annoncé la bonne nouvelle, il était fou de joie à l’idée de devenir père une seconde fois !

Williams avait envoyé sa candidature pour le  deuxième groupe d’astronautes mais n’avait pas été retenu. Pour sa seconde candidature, avec son 1 mètre 82, Williams atteignait la limite maximale de la taille autorisée (six feet), juste avant les examens médicaux il avait porté de lourdes charges, et faits différents exercices pour se tasser un peu !

Par une tragique coïncidence le  père de Clifton Williams, atteint d’un cancer, est décédé à peu près au même moment où sa petite fille est née.

A ce jour, Clifton Williams est le dernier astronaute à avoir perdu la vie sur un T-38 de la NASA, qui modifiera notablement les procédures d’entretien et de révision de sa flotte de 23 NorthtropT-38 Talon (en 1967).

Alors qu’il répondait à un journaliste qui l’interrogeait sur sa mission favorite, C.C. Williams avait affirmé : «  J’aimerais faire toutes les missions, bien évidemment. Si je devais n’en choisir qu’une, je dirais, le premier vol vers la Lune, du point de vue de la satisfaction personnelle et de la portée de l’événement ». Il ajouta que selon lui les équipages Apollo ont 99 % de chances de succès.

« Aussi sûr qu’un avion ? » demanda le journaliste, sans hésiter Williams répondit « Beaucoup plus que ça ! ».

M. et Mme Williams, le jour de leur mariage, le mercredi 1er Juillet 1964. Deux excellents amis, Ted Freeman et Charlie Bassett, sont de la fête.

Par une cruelle ironie, Théodore Freeman se tuera dans le crash de son T-38 le 31 octobre 1964, il est le premier astronaute à mourir en service, et Charles Bassett perdra la vie le 28 février 1966 avec Elliot See, également dans le crash d’un T-38 !

En 1962 à bord du porte-avion USS Independance, le Capitaine Williams devient le premier pilote a apponter en pilotant le TF-8A du siège arrière (Un Crusader F8U modifié en appareil d’entrainement biplace). Le soir même il réalise son premier appontage de nuit, toujours sur le siège arrière du TF-8A. Un exploit considérable compte tenu de la mauvaise visibilité sur le siège arrière. Il a réalisé ces deux faits mémorables le jour de son trentième anniversaire.

Une des dernières photos de C.C. Williams (à droite) ici en compagnie de Thomas Stafford (à gauche), Russell Schweickart et le comédien Bill Dana (au premier plan), « José Jiménez », l’invité d’honneur  de cette édition 1967 du One Shot Antelope Hunt. Une partie de chasse par équipes de trois, réservée aux personnalités, qui se déroule à Lander, Wyoming.

Bill Dana se souvient avec émotion de C.C. Williams, d’autant plus que son anniversaire coïncide avec la date de sa mort. Comme Richard Gordon* qui est également né un 5 octobre !

* C.C. Williams devait faire partie de l’équipage d’Apollo XII avec Charles Conrad et Richard Gordon.