Un aide mémoire pour Brainerd Holmes

Brainerd Holmes

Le Dr Brainerd Holmes, directeur du Bureau des Vols Spatiaux Habités au quartier général de la NASA, en charge notamment du budget faramineux du programme Apollo, avait sur son bureau une tirelire en forme de fusée, qui avait une particularité peu commune : toute pièce de monnaie introduite par le nez ressortait par une ouverture béante au niveau de la base.

Les explications de Brainerd Holmes : « C’est un ami qui m’a offert ça pour bien me rappeler qu’il s’agit de l’argent du contribuable, et que je dois le dépenser avec parcimonie ! »

Friendship 7, Annie Glenn a du cran

Si le lancement de la mission MA-6 alias Friendship 7 a été reporté à dix reprises, John Glenn n’a revêtu sa combinaison que quatre fois et ne s’est installé dans la capsule que deux fois, le 27 janvier, et le 20 février, jour où le lancement a bien  eu lieu.

En ce 27 janvier, le compte à rebours est interrompu à plusieurs reprises, John Glenn est allongé dans son siège sur mesure depuis plus de quatre heures lorsqu’à T-29 minutes on lui annonce que le décollage est annulé en raison de conditions atmosphériques défavorables.

Pendant la durée du compte à rebours, Annie, sa femme, est à la maison et attend avec anxiété le décollage, entourée par des membres de la famille et des amis, dont le journaliste de Life Loudon Wainwright devenu un ami de la famille. Dans le salon trois téléviseurs sont allumés, chacun sur une chaine nationale, ABC, CBS, et NBC, et un quatrième poste éteint, en réserve.

A l’extérieur une horde de journalistes attend fébrilement des nouvelles. Ce premier vol orbital américain sera-t-il un succès ou un accident fatal va t-il se produire ?

Non loin de là, le Vice-Président Lyndon Johnson attend dans une limousine, il souhaite réconforter Annie Glenn devant toute la presse. Mais ce touchant scénario, cette opération de relations publiques ne se produisit pas, car Annie Glenn refusa tout net d’apparaître aux côtés du Vice-Président.

Lorsque John Glenn s’extirpe de sa capsule Friendship 7, il est aussitôt averti de la situation pour le moins embarrassante. Il s’agit tout de même du Vice-Président des Etats-Unis !

« John, pourriez-vous appeler Annie afin qu’elle accueille le Vice-Président ? »

La réponse de John Glenn est sans appel : « Si Annie ne veut pas voir le Vice-Président, elle n’est pas obligée de le faire ! »

On expliqua à Lyndon Johnson qu’Annie était handicapée par un bégaiement sévère (à 85%, c’est à dire que dans 85 % des cas elle n’arrivait pas un prononcer un mot du premier coup), qui s’aggrave encore lorsqu’elle est stressée, par ailleurs et surtout, depuis la veille elle souffre d’une très forte migraine.

Il comprit parfaitement et ne lui en tiendra pas rigueur. La scène d’un Johnson fulminant dans sa limousine, telle que décrite dans le film « L’Etoffe des Héros » est totalement inventée.

Anecdote dans l’anecdote : John Glenn et Loudon Wainwright ont entendu le discours d’investiture du tout nouveau Président des Etats-Unis, John Kennedy, alors qu’ils roulaient tous les deux dans la voiture de Glenn.

Wernher von Braun ou ma patrie est le monde

Comme chacun sait, à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, Wernher von Braun et son équipe se sont rendus aux américains.

Ainsi que l’a caricaturalement résumé l’un des membres du groupe : « Nous méprisions les français, étions mortellement effrayés par les soviétiques, ne croyions pas que les britanniques puissent s’offrir nos services. Alors il ne restait que les Américains. »

Ce fut une décision tout à fait clairvoyante, comme le démontrera la suite des événements…

Devenu homme public, Wernher von Braun rencontrera moins d’hostilité liée au fait d’avoir développé des missiles à Peenemünde pendant la guerre, certainement parce que jusqu’en 1960 lui et son équipe feront exactement la même chose aux Etats-Unis, que celle d’avoir soi-disant opportunément changé de patrie.

Il y eut quelques manifestations sporadiques de petits groupes de pacifistes, tel celui qui a défilé devant le cinéma de Munich, où fut projeté en avant-première son film biographique « I aim at the stars » (« Je vise les étoiles » – « Ich greife nach den Sternen »), en brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire: « Diese Raketen ziehlen nicht auf die Sterne, sondern auf das Leben » : « Ces missiles ne visent pas les étoiles, mais la vie! »

En revanche, beaucoup plus nombreux furent ceux qui raillèrent l’apparente facilité avec laquelle von Braun a changé de patrie, affirmant qu’il n’aurait sans doute aucun scrupule à refaire la même chose si cela devait servir ses ambitions.

Ainsi, alors que Wernher von Braun devait assister à un lancement important au Cap Canaveral, on prévient les journalistes qu’un empêchement de dernière minute ne lui permettra pas d’être présent… Un reporter, sans doute inspiré par la chanson de Tom Lehrer lança : « Qu’est-ce qui se passe, il ne veut pas interrompre ses cours de chinois ? »

A ses détracteurs Wernher von Braun répondait ceci :  » Quelle est ma patrie ? Le domaine de mon père, qui est maintenant en Pologne ? La propriété de la famille von Braun en Prusse, qui fait maintenant partie de l’Union Soviétique ? Mes quartiers à Peenemünde, qui se trouvent maintenant à l’est ? Mon vrai chez-moi est devenu inaccessible… »

« Ma patrie est le monde  » Sénèque