Les astronautes d’ Apollo 9 chantent «joyeux anniversaire» dans l’espace.

Deux interprétations de la chanson « Joyeux anniversaire » sont particulièrement célèbres. Celle de Marilyn Monroe, et celle des astronautes de la mission Apollo 9.

La première est bien évidemment celle, très sensuelle, de Marilyn Monroe au Madison Square Garden, le 19 mai 1962, à l’occasion d’un gala de levée de fonds pour le parti démocrate, auquel participe le Président Kennedy.

Le parti démocrate voulait une star, et un prétexte pour justifier sa présence, l’anniversaire prochain du Président. Il s’agit de la dernière apparition publique importante de Marilyn Monroe avant son décès moins de trois mois plus tard, le 5 août 1962.

L’équipage Apollo 9, James McDivitt, David Scott et Russell Schweickart

La deuxième interprétation inoubliable, date du 8 mars 1969, lorsque l’équipage d’ Apollo 9, James McDivitt, David Scott et Russell Schweickart, en orbite terrestre, entonnent un joyeux anniversaire pour Christopher Kraft (1924 – ), alors directeur des opérations en vol*

Happy birthday to you, happy birthday to you. Happy birthday to you, dear Christopher, happy birthday to you.

Ces deux interprétations, à pratiquement sept ans d’intervalle, ont trois points communs :

  • Elles n’ont pas été chantées le jour même de l’anniversaire des deux personnes concernées, pour Kennedy c’était 10 jours avant, pour Kraft c’était 9 jours après.
  • Il s’agissait pour tous les deux de leur quarante-cinquième anniversaire.
  • Les deux « prestations » ont eu lieu un samedi !

Il se trouve qu’à l’origine le vol Apollo 9 devait décoller le 28 février, le jour de l’anniversaire de Christopher Kraft, mais fut retardé de 2 jours car les astronautes ont attrapé un rhume. Une suspension – hold – de 42 heures a été intégrée au dernier moment au compte à rebours. La mission s’est déroulée du 3 au 13 mars 1969.

Les astronautes avaient également l’intention de souhaiter un joyeux anniversaire en chanson à leur patron, Donald Slayton (1924-1993) né le 1er mars, ainsi qu’à leur secrétaire Charlotte Maltese, mais ces derniers n’étaient pas présents aux moments propices.

*En décembre 1969 il sera nommé directeur adjoint du centre des vols spatiaux habités (Manned Spacecraft Center, actuellement Johnson Space Center) et en janvier 1972, directeur.

Apollo 9, un plan de vol déséquilibré ?

Le journaliste spécialisé dans le spatial William Hines (1916-2005) commente le plan de vol d’ Apollo 9 (du 3 au 13 mars 1969) et la morne platitude des 5 derniers jours de la mission, dans le journal Washington Star en date du 23 mars 1969 :

« Le plan de vol d’ Apollo 9 que la plupart des gens ne connaissent pas était divisé en six périodes d’activités, les 5 premières duraient environ 24 heures, et la dernière 5 jours. Il ne s’agit pas de critiquer l’équipage qui a accompli un brillant travail et peut donc se permettre de se la couler douce jusqu’à la fin du vol. Il ne s’agit pas non plus d’une critique du programme spatial que d’affirmer que la dernière moitié d’Apollo 9 fut ennuyeuse. Ce fut organisé de la sorte et si cela l’avait été autrement, il est très probable que les Etats-Unis ne feraient pas une tentative d’atterrissage sur la Lune en juillet prochain. »

William Hines était connu pour ne pas mâcher ses mots, et ses questions et prises de position incisives, embarrassaient très souvent les représentants de la NASA !

Force est de constater qu’en l’occurrence cette remarque n’est pas d’une très grande pertinence…

En effet, pour d’évidentes raisons, les plans de vol de ce type de missions d’essais sont toujours très denses au début de la mission et beaucoup plus « cool » ensuite… Il s’agit bien évidemment d’atteindre un maximum d’objectifs principaux, le plus rapidement possible au cas où un incident viendrait entrainer une interruption de la mission, et un retour prématuré sur Terre !

 

Apollo 8 et la relativité générale

Lors de son tour d’Europe, avec sa femme et ses deux fils, du 2 au 21 février 1969, Frank Borman répétait souvent pour amuser la galerie, que ses coéquipiers d’ Apollo 8 et lui-même, méritaient des heures supplémentaires parce qu’ils avaient vieilli environ 300 microsecondes de plus que les habitants sur Terre.

Il se trouve que la NASA avait demandé au physicien Carroll Alley* (1927-2016) de l’Université du Maryland de calculer les phénomènes liés aux équations de la relativité générale formulées par Albert Einstein (1879-1955), auxquels seront soumis les astronautes d’ Apollo 8. Cela vaut bien sûr, pour toutes les missions Apollo vers la Lune.

En effet, une horloge atomique qui s’éloigne de la Terre (de tout corps massif) prend de l’avance par rapport à celle qui reste sur la surface, du fait de la diminution du champ de gravitation; le temps s’écoule plus vite.

La relativité prédit également qu’une horloge en mouvement ralentit par rapport à celle restée « immobile » au sol, impliquant cette fois que le temps s’écoule plus lentement (Paradoxe des jumeaux). Il convient donc de tenir compte de ces deux effets inverses !

Le Dr Carroll Alley en a ainsi conclu que la vitesse d’ Apollo 8 est le facteur prédominant tant que le vaisseau se trouve à moins de 6 500 km de la Terre, jusqu’à cette distance le temps « ralenti », et les astronautes vieillissent moins rapidement que s’ils étaient restés sur Terre.

Passé ces 6 500 km, les effets de la gravitation diminuent significativement et dès lors le temps à bord du vaisseau Apollo 8 s’écoule plus rapidement que sur Terre. La différence entre les deux donne + 300 microsecondes.

En réalité les calculs d’Alley ne sont valables que pour William Anders qui effectuait là son premier vol, car en ce qui concerne Frank Borman et James Lovell il faut tenir compte du fait qu’ils ont effectué d’autres vols spatiaux, en orbite autour de la Terre.

Ainsi les mêmes Borman et Lovell  à bord de Gemini VII ont passé deux semaines dans l’espace (du 4 au 18 décembre 1965), pendant lesquels le facteur prépondérant a bien évidemment été la vitesse, au cours de ce vol ils ont donc vieilli moins vite que les personnes sur Terre, de 400 microsecondes. James Lovell a également commandé la mission Gemini XII (du 11 au 15 novembre 1966) pendant laquelle il a rajeuni d’encore quelque 100 microsecondes.

En résumé, pour revenir à la boutade de Frank Borman, si William Anders a bien fait 300 microsecondes de travail supplémentaire, James Lovell et Frank Borman ont travaillé respectivement 200 et 100 microsecondes de moins que ce qui a été comptabilisé sur Terre.

Ils ont donc été trop payés par rapport à leur temps de travail effectif sur l’ensemble de leurs vols spatiaux !

* Il est le scientifique à l’origine des rétro réflecteurs déposés sur la Lune par les missions Apollo 11, 14 et 15, et toujours utilisés à ce jour.

Anecdote dans l’anecdote : Le système GPS (Global Positioning System) est l’application la plus connue de la relativité d’Einstein. Le GPS utilise une constellation de 32 satellites qui orbitent autour de la Terre à 20 200 kilomètres d’altitude, à une vitesse d’environ 14 000 km/h, pour calculer des centaines de millions de positions au sol chaque jour. Sachant qu’à cette altitude, la gravité terrestre est 17 fois moindre qu’au niveau du sol, au bout de 24 heures, une horloge atomique située à bord d’un satellite GPS aura 45 microsecondes d’avance sur la même horloge atomique au sol. La vitesse fait qu’une horloge en mouvement à 14 000 km/h ralentit légèrement, d’environ 7 microsecondes par jour. Il faut donc tenir compte de ces deux effets pour synchroniser les horloges à bord des satellites avec celles au sol pour corriger cette différence, soit + 45 microsecondes – 7 microsecondes = 38 microsecondes. Une erreur de synchronisation de 38 μs équivaut à une erreur de 10 km !