Wernher von Braun reçoit une carte postale de John Glenn

Un matin de l’été 1966, Wernher von Braun trouve dans son courrier, une carte postale envoyée par John Glenn. 

Rien d’inhabituel à ce que Wernher von Braun reçoive des nouvelles de son ami John Glenn, sauf que la carte a été envoyée de Suisse, et est rédigée en allemand :

« Dear Wernher – Hier bin ich in Luzern und Du bist in Huntsville. Solch ein switch ! Es war seit sechs & zwanzig Jahre wann ich habe Deutsch studiert und Ich kann nicht sehr viele Worten erinnern. Ihre Freund J. H. Glenn, Jr. »

« Cher Wernher (il aurait du écrire Lieber Wernher !), voilà que je suis à Lucerne et toi à Huntsville. Quel revirement ! (Glenn emploie le mot anglais switch au lieu de Tausche ou Umstellung) J’ai étudié l’allemand il y a vingt-sept ans et je ne me rappelle pas de beaucoup de mots. Votre ami J.H. Glenn, Jr. »

John Glenn participe au jeu télévisé « Name That Tune »

Quelques semaines après avoir battu le record de vitesse de la traversée transcontinentale des Etats-Unis d’ouest en est, à bord d’un Crusader, le 16 juillet 1957, (cf John Glenn et le Projet Bullet), le commandant Glenn reçoit une invitation pour participer à un jeu télévisé très en vogue, « Name That Tune », présentée alors par le chanteur comédien George DeWitt.

Une émission de divertissement diffusée le mardi en « prime time » sur CBS, de 19h30 à 20h00, dans laquelle une équipe de deux candidats doit reconnaître des chansons dont la mélodie est jouée en direct par un orchestre sur le plateau. Vêtu de son uniforme des Marines, la poitrine bardée de décorations, John Glenn fait équipe avec un rouquin comme lui, un garçonnet de 10 ans, Eddie Hodges.

Name that Tune

Le jeu consiste à reconnaître un air joué en direct par un orchestre. Lorsque le candidat croit avoir trouvé la bonne réponse il doit se précipiter pour faire tinter une cloche de marine éloignée de quelques mètres, et donner le nom de la chanson !  A l’origine il fallait reconnaître trois chansons pour gagner la partie, le gain était de 10, 20 et 30 dollars pour la dernière bonne réponse, ce qui donne le droit à participer au Golden Medley qui consiste à reconnaître 5 chansons en 30 secondes.   (Les règles du jeu ont évolué au cours des saisons)

Le duo fonctionne à merveille, gagnant quatre semaines de suite et empochant au total la coquette somme de 25 000 dollars à se partager ! (L’équivalent de 227 000 dollars en 2015)

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« Même la moitié de 25 000 dollars est une somme colossale pour un pilote des Marines ! » dira t-il.  Après déduction des impôts il lui reste 8 000 dollars (67 000 USD 2015), dont il place l’essentiel pour financer les études universitaires de ses deux enfants, il en dépense tout de même un peu, notamment pour offrir un orgue électrique à sa femme Annie !

Cette émission porta chance aux deux candidats. Eddie Hodges, remarqué grâce à cette émission par la femme du producteur Meredith Wilson, décrochera quelques semaines plus tard un rôle dans la comédie musicale « The Music Man » (John Glenn assistera à la première) dont l’album raflera un Grammy Award. Il jouera  avec Frank Sinatra dans « un trou dans la tête » (dans lequel joue également le présentateur de « Name that Tune », George DeWitt), tiendra le rôle principal dans « Les aventures de Huckleberry Finn » de Michael Curtiz… Adulte, il quittera désabusé  le « show business » pour reprendre des études de psychologie, et embrassera une carrière de conseiller en psychologie.

Quant à John Glenn, il deviendra bientôt un héros national !

Anecdote dans l’anecdote :  lors de la troisième émission, le mardi 8 octobre 1957, qui se déroule 4 jours après le lancement de Spoutnik, George DeWitt ne manque pas de demander à John Glenn son sentiment sur le satellite soviétique :

« Pour ainsi dire, George, ils sont fantastiques » (Glenn emploie fort à propos la tournure idiomatique « out of this world », qui se « traduit » mot à mot par hors de ce monde et qui définit quelque chose d’extraordinairement bien ou bon, déclenchant l’hilarité des spectateurs). Il ajoute plus sérieusement et avec clairvoyance : « C’est une avancée non seulement pour les russes mais également pour la science internationale, nous sommes tous d’accord là-dessus. C’est la première fois que quelqu’un est capable d’envoyer un objet aussi loin dans l’espace et de l’y maintenir pour un certain temps, c’est probablement la première étape vers le voyage dans l’espace ou vers la Lune, qui se réalisera très probablement au cours de la vie d’Eddie »

DeWitt demande alors à Eddie Hodges si cela lui dirait de faire un voyage vers la Lune : « Non monsieur, je préfère être là où je suis » déclara t-il avec un large sourire.

L’extrait original de la première partie de « l’interview », faussement datée du 4 octobre 1957 par « The History Channel » :

Puis il pose la même question à John Glenn : « Aimeriez vous être le premier Homme à atteindre la Lune ? »

Ce dernier sourit puis répond : « Oui, bien sûr, George, j’aimerais beaucoup aller sur la Lune. Mais comme tout pilote d’essai, je testerais tous les équipements avant de démarrer un tel voyage. »

« Vous voudrez être certain d’atteindre votre destination ? »

« Bien sûr » répond Glenn. « Je veux être certain d’arriver à destination, mais également de pouvoir revenir. »

La réponse de John Glenn déclenche l’hilarité du public et des applaudissements nourris.

La devise des ancêtres de John Glenn

La généalogie de la famille de John Glenn remonte à plus de 500 ans.

Ses ancêtres étaient originaires d’Ecosse, les MacGlynn, une branche du clan MacKintosh. 

Pendant 500 ans la devise du clan MacGlynn était : « Alta Pete » que l’on peut traduire par viser haut, avoir des objectifs élevés, ambitieux…

Il y a 200 ans deux mots furent ajoutés, qui complèteront  cette devise d’une manière remarquablement prophétique pour John Glenn, ainsi le motto devient : 

« Alta Pete ad Astra », qui signifie « viser haut vers les étoiles » !