Wernher von Braun et Dale Cox

Le 19 septembre 1956 Dale W. Cox a pour mission d’emmener le Président de la firme Chrysler, Lester « Tex » Colbert, de la ville de Détroit dans le Michigan où se trouve le siège social de la société, jusqu’en Floride.

Ce dernier doit assister au premier lancement de la fusée Jupiter-C, dont Chrysler est le contractant principal, prévu le lendemain du Cap Canaveral à 1:45 heure locale.

Le vol, à bord d’un Douglas A3D, se déroule sans problème. A leur arrivée en Floride ils sont accueillis par un impressionnant comité de réception. Un cocktail a été organisé en l’honneur de Colbert, auquel Dale Cox est invité.

Cox sirote sa vodka tonic lorsqu’un visage familier s’avance vers lui : « Vous êtes le pilote du A3D ? »
« Oui c’est moi, Capitaine de Corvette Dale Cox »,  il ajoute : « Je vous connais Docteur », tout en serrant la main de Wernher von Braun.

Ce dernier doit se rendre à Washington pour faire un compte rendu détaillé sur le lancement de la Jupiter C au Président Eisenhower.

Wernher von Braun doit profiter du retour de Dale Cox à la base navale aérienne de Patuxent River dans le Maryland, ce qui lui permettra d’accomplir l’essentiel du trajet. Il fera le reste du parcours, environ 90 km, en hélicoptère.

Le lendemain matin à 9:00 von Braun arrive sur le tarmac. Cox lui explique les procédures de sécurité. S’agissant du premier vol de Wernher von Braun dans un avion à réaction, le responsable de la maintenance de l’avion, qui a accompagné le pilote dans son déplacement, cède sa place à côté de Cox et après avoir aidé von Braun à s’installer, et à régler le débit de son masque à oxygène, va prendre place sur le siège arrière.

Ils décollent dans un grondement de tonnerre et Cox emmène rapidement l’appareil jusqu’à son altitude de croisière, 10 000 mètres. Au cours du voyage von Braun essaye de reconnaître villes et points géographiques, puis en tant qu’ingénieur et lui-même pilote émérite, imagine des solutions pour améliorer le confort du cockpit, et une nouvelle disposition des instruments pour une meilleure visibilité.

La préparation de l’hélicoptère ayant pris du retard et comme il est bientôt midi, Cox propose à von Braun de venir manger un morceau à la maison. Ayant répondu par l’affirmative, Cox appelle la base afin que l’on prévienne sa femme Patricia: « Dites-lui que je ramène Wernher von Braun pour déjeuner ! »

C’est en voiture qu’ils se rendent au domicile de Cox situé sur la base. La maisonnée est en ébullition, les deux aînés  Brian 7 ans, et Dale III, 5 ans, qui ne ratent jamais une émission de Disney, ont vu les deux programmes intitulés « L’Homme dans l’espace » et « L’Homme et la Lune » dans lesquels von Braun apparait longuement (le troisième volet « Mars et au-delà » sera diffusé le 4 décembre 1957).

Les deux garçonnets sont surexcités à l’idée de le voir en chair et en os. Von Braun est une star aux Etats-Unis. Quant à l’épouse de Cox, prise au dépourvu, elle s’affaire fébrilement en cuisine.

Ils déjeunent sur la terrasse qui surplombe la baie de Chesapeake, il fait très chaud, heureusement une légère brise rafraîchissante remonte de l’océan. Von Braun et Cox discutent du potentiel des avions à réaction et des fusées.
Le repas terminé, Cox emmène von Braun à son hélicoptère et lui souhaite bon voyage.

Quelques semaines plus tard Cox et son épouse reçoivent une lettre de remerciements écrite de la main de Wernher von Braun pour le repas et pour son baptême de l’air en avion à réaction.

Incidemment, quelques deux ans et demi plus tard, Dale William Cox, pilote d’essai de l’US Navy, fera partie des 32 candidats finalistes de la sélection des astronautes du programme Mercury. A 38 ans, né le 17 décembre 1920, il est le plus âgé des finalistes. Il apprendra par téléphone qu’il n’a pas été retenu. Quelques jours plus tard, le jeudi 9 avril 1959, il suivra à la télévision la conférence de presse qui révèle le nom des sept élus, des sept premiers.

Début 1962, Dale Cox est nommé Directeur des Tests pour la Navy, au Site des Tests Nucléaire, à Mercury dans le Nevada.

John Swigert, plus Don Juan que Casanova

L’astronaute John Leonard « Jack » Swigert (Apollo XIII) est resté toute sa vie un célibataire endurci. Pendant les années NASA, il organisait une fête chaque week-end et draguait toutes les filles qu’il voyait. C’était un coureur de jupon et playboy notoire.

Il passait beaucoup de temps à Miami, où la compagnie Eastern Airlines* avait son centre de formation des hôtesses de l’air. Pour l’impénitent séducteur qu’il était, il avait trouvé l’endroit idéal où le nombre de très jolies filles au mètre carré était largement supérieur à la moyenne.

John Swigert était également connu pour être grippe-sous. Il n’avait par exemple aucun scrupule à sortir avec des filles et les laisser payer l’addition.

Une histoire raconte qu’il est sorti avec une fille à Washington D.C. et, prétextant avoir oublié son portefeuille, ne l’a pas seulement laissé régler la note du restaurant, mais également le plein de sa voiture…
Quelle n’est pas sa surprise, lorsque raccompagnant la fille chez elle, cette dernière ne l’invite pas à prendre un dernier verre !

* Dont un autre astronaute, Frank Borman, deviendra le Président

Apollo 17, le réveil n’a pas sonné

Pour avoir dormi une heure de plus que prévu, les trois astronautes d’ Apollo 17 Eugene Cernan, Ronald Evans et Harrison Schmitt sont informés par le capcom, Gordon Fullerton, que la direction de la NASA a décidé de leur décompter à chacun une journée sur leurs congés payés.

Ce n’est bien sûr qu’une taquinerie…

Les trois astronautes d’Apollo 17 sont en route vers la Lune, leur troisième période de sommeil commence 48 heures et 36 minutes après le décollage, (intervenu le jeudi 7 décembre à 00:33, heure de Floride), et doit durer quelques 8 heures et trente minutes.
Mais le réveil n’a pas sonné. Une mésaventure qui arrive à tout le monde.

Les astronautes devaient être réveillés comme l’aimait Montaigne, en musique, pour la première fois au cours de cette mission, qui compta treize réveils musicaux, un record.

Dans la cabine America, Ronald Evans était l’homme de quart, il devait garder ses écouteurs radio sur les oreilles pendant son sommeil. Pour le réveil, le Centre de Contrôle des Missions avait choisi, non pas le son de l’épinette, mais l’hymne de l’université du Kansas, son Alma Mater.

Au premier passage du « JayHawk Fight Song » sur les ondes, aucune réponse. Pourtant cuivres et percussions sont très présents dans la version originale. L’enregistrement est repassé une première fois dix minutes plus tard, puis une dernière fois 45 minutes après. Puis on essaie un bruitage tonitruant, en vain.

Le capcom s’évertue à appeler, Apollo 17 qui ne répond pas. Le silence se prolonge. Enfin, une heure et cinq minutes après l’heure de réveil prévu, la voix de Schmitt se fait entendre : « Nous sommes endormis ».

Réplique sarcastique du CapCom : « C’est le moins que l’on puisse dire ! »

Un peu plus tard Harrison Schmitt fait remarquer : « Notre seul souci aujourd’hui, c’est d’empêcher Ron de se rendormir ».

La question du problème lié au réveil est revenue sur le tapis plus sérieusement quelques cinq heures plus tard. Les astronautes pouvant, à leur discrétion, prendra une pilule de Seconal (somnifère) pour les aider à s’endormir, le médecin a pensé que cette panne d’oreiller était due à ce médicament.

Pour les autres médicaments, les astronautes doivent demander une prescription médicale. Une décision prise, après que Cernan, gêné par des flatulences, comme son camarade d’Apollo 16, John Young, ait pris de sa propre initiative un remède contre la nausée, qui a également pour effet de couper l’appétit.

Mais non, proteste Evans, ce n’est pas le Seconal qui nous a fait dormir trop profondément. Et Il se confesse :  » j’ai tout simplement oublié, avant de m’endormir, de vérifier le potentiomètre qui sert à régler le volume sonore. Il était éteint ».

L’équipage a promis de mieux veiller désormais à ce fait. Et même, de laisser l’amplificateur de la cabine branché pendant les heures de sommeil.

En effet la situation aurait pu s’avérer très dangereuse si les ordinateurs au sol avaient décelé an problème sérieux à bord du véhicule spatial, car le contrôleur de vol aurait été dans l’impossibilité de le signaler aux dormeurs.

Voici la traduction des transcriptions :

02 jours 08 heures  35 minutes  43 secondes (Temps écoulé depuis le décollage) : Le Centre de Contrôle diffuse la musique « Jayhawk Fight Song »

02 08 37 00 –  Le CapCom (CC) Gordon Fullerton :  Bonjour,Apollo 17. Ici Houston. A vous.

02 08 38 17 –  CC : Apollo 17, Houston. Bonjour.

02 08 39 18 – CC : Apollo 17, Ici Houston. Bonjour.

02 08 41 17 – CC : Apollo 17, Houston. Bonjour.

02 08 45 55 : la musique « Jayhawk Fight Song » est rediffusée

02 08 47 58 – CC : Apollo 17, Houston. Bonjour. Vous êtes avec nous ce matin ?

02 09 05 04 –  CC : Bonjour, Apollo 17. Il est temps de se lever. A vous.

02 09 23 14 – CC : Apollo 17; oh, Apollo 17; il est l’heure de selever. Aller debout. A vous.

02 09 23 33 –  CC : Hello, Apollo 17; vous m’entendez? A vous.

02 09 39 39 : la musique « Jayhawk Fight Song » est repassée une troisième fois.

02 09 40 36 – CC : Hello, 17. Hello, 17. Comment me recevez-vous ce matin ?

02 09 40 46 –  LMP (Harrison Schmitt) : Nous sommes endormis.

CC : C’est le moins que l’on puisse dire !

LMP :  Ne laissez jamais Evans monter la garde.

CC : Je pense effectivement que nous devrons en tenir compte à partir de maintenant.

Membre d’équipage non identifié : … Bonjour.

LMP : (Rires) On a fait une sacrée fête la nuit dernière, Gordy. Purée, c’était d’enfer !

02 09 41 16 – CC : Surement !

02 09 45 11 –  CC : 17, Houston. A vous.

Membre d’équipage non identifié :  Allez-y, on vous écoute …

CC : Ok, on a un peu de retard, comme vous le savez mais il n’y a rien d’urgent dans l’immédiat. Inutile de vous presser. N’essayez pas de rattraper le temps perdu par rapport au plan de vol initial. Nous pouvons décaler l’activation de la télémétrie sans problème. A vous.

LMP : OK bien compris. Notre seul souci ce matin est d’empêcher Ron de se rendormir.

CC : Bien reçu.

On se rappellera que lors de l’incident technique ayant retardé le lancement de la mission de 2 heures et 40 minutes, Ron Evans s’était endormi !

Un grand merci à « fan de ducrocq » à l’origine de cette anecdote. Vous pouvez retrouver ses si intéressantes contributions sur le forum du Club de Passionnés d’Astronautique.