Charles Conrad commente la phrase de Neil Armstrong

Au Centre de Contrôle des Missions, dans la banlieue de Houston, personne n’est surpris lorsque Neil Armstrong et Buzz Aldrin demandent à modifier quelque peu le plan de vol.

En effet, ils sollicitent la permission d’effectuer leur sortie sur la Lune avant leur période de repos et non pas après, arguant que de toute façon ils n’arriveraient pas à dormir. 

Tous les astronautes et contrôleurs de vol se précipitent dans le MOCR (Mission Operations Control Room) pour assister à cet événement historique. Chaque console ne possède que 4 prises jack pour connecter un casque audio, et rapidement tous les emplacements sont occupés.

Charles « Pete » Conrad, qui doit commander la prochaine mission lunaire, ne trouve pas de place à la console du CapCom, aussi Jerry C. Bostick le responsable de la section « Dynamique de Vol », qui fait partie de l’équipe blanche de Gene Kranz (celle qui officiait lors de l’atterrissage sur la Lune), lui propose de venir brancher ses écouteurs sur la console  FDO (Prononcer FIDO – Flight Dynamics Officer), dans la « tranchée ».  

A ce moment-là, c’est Philip C. Shaffer de l’équipe verte de Clifford Charlesworth qui fait office de FDO.

Conrad et Bostick sont assis juste derrière la console, lorsque Neil Armstrong pose le pied sur la Lune et annonce : « C’est un petit pas pour un Homme, un bond de géant pour l’humanité ». Charles Conrad se tourne vers Jerry Bostick et lui demande : « Qu’est ce qu’il a dit ?

–  Un grand pas pour l’humanité  ! »

Pete Conrad reste pensif quelques secondes, et lance : « C’est bien le genre de Neil de dire un truc aussi profond. Si cela avait été moi, j’aurai probablement dit : nom de Dieu, cette surface* merdique est glissante ! »

*Charles Conrad parle de la « semelle » de 94 cm de diamètre placée à l’extrémité de chaque jambe, qui doit limiter l’enfoncement du Module Lunaire dans le sol et sur laquelle Neil Armstrong  doit sauter, du dernier barreau de l’échelle, avant de se stabiliser et poser un pied (le gauche en l’occurrence) sur la surface de la Lune.

Un stylo pour Robert Seamans aussi

Le 21 juillet 1961, deux jours après le vol suborbital de Virgil Grissom, le Président John Kennedy signe l’autorisation du budget de la NASA pour l’année fiscale 1962 (HR 6874) soit 1,257 milliards de dollars (10 milliards de dollars 2015) ce qui représente 1,18% du budget fédéral de cette année là.

Hugh Dryden étant en vacances, et James Webb participant à une cérémonie en l’honneur de Grissom, au Cap, c’est Robert Seamans qui se trouve dans la « Fish Room » de la Maison Blanche avec une vingtaine de sénateurs et le vice-président Johnson.

John Kennedy fait son entrée devant les caméras de télévision et s’assoit à la table.

Il fait un discours de cinq minutes sur le programme spatial, sans notes, et commence à signer le document.

Il avait apporté une vingtaine de stylos, et d’une manière ou une autre il les avait tous utilisés pour parapher, signer, dater et surligner !

Chaque fois qu’il changeait de stylo il souriait ! Il se leva avec les stylos dans sa main gauche et commença à les distribuer.

Il s’approche de Robert Seamans :  » En voici un pour vous. »

–  » Merci beaucoup Monsieur le Président. Je le remettrai à M. Webb qui est au Cap aujourd’hui. »

Il continue à distribuer les stylos, y compris au Sénateur Robert Kerr (Président du Comité chargé des affaires spatiales au sénat), celui-là même qui  a recommandé Webb au président Kennedy pour le poste d’administrateur de la NASA (Webb avait travaillé pour la compagnie pétrolière Kerr-McGee Oil), et se dirige vers la sortie, lorsqu’il fait demi-tour, revient vers Seamans  et lui dit : « Tenez, en voici un pour vous également. »

Kennedy HR6874

Sur cette photo on distingue très bien les stylos…

De g. à d. : Dr. Robert C. Seamans Jr., Administrateur Associé de la  NASA; personne non identifiée (partiellement cachée); Cleve Ryan électricien de la maison blanche chargé des médias ; James G. Fulton membre du Congrès (Pennsylvanie); J. Edgar Chenoweth, membre du congrès (Colorado) ; Senateur Hubert Humphrey (Minnesota); Senateur Warren G. Magnuson (Washington); Vice President Lyndon Johnson; Joseph E. Karth membre du Congrès (Minnesota); Senateur Robert S. Kerr (Oklahoma); Overton Brooks membre du Congrès  (Louisiane); Victor L. Anfuso membre du Congrès  (New York); Senateur Clinton P. Anderson (Nouveau Mexique); Senateur Alexandre Wiley (Wisconsin).

Crédit pour les deux photos : Cecil Stoughton. White House Photograph

Robert Seamans et les médias

robertseamans
Robert Seamans

Le formidable intérêt des médias pour le programme spatial, a extrêmement surpris le Dr Robert Seamans.

De par ses fonctions, d’abord comme Administrateur Associé, puis comme Administrateur Adjoint de la NASA, il devait régulièrement côtoyer et travailler avec la presse, ce qui n’était pas forcément désagréable.

Robert Seamans fit de son mieux pour entretenir de bonnes relations avec les journalistes. Il lui arrivait même d’apprécier et de trouver intéressantes les discussions qu’il pouvait avoir avec certains d’entre eux, même s’il devait toujours rester très circonspect.

L’éditorialiste du Washington Star, William Hines*, qui avait surnommé Robert Seamans, le « Tsar de la Lune » était particulièrement critique envers la NASA.

Lors des conférences de presse, il se levait et posait systématiquement ses questions sur un ton  agressif. Pourquoi la NASA est-elle si timorée ? Pourquoi les choses n’avancent-elles pas plus vite ? Pourquoi la NASA n’est-elle pas plus imaginative ?

Quand Robert Seamans rentrait chez lui, sa femme Eugenia  « Gene » lui interdisait de lire les articles de Bill Hines avant le dîner, ou alors, elle lui servait d’abord un Martini !

De même, il demanda un jour à John Finney du New York Times pourquoi il n’écrivait jamais d’article positif ou optimiste sur la NASA ?

Sa réponse : « Si j’écris un article positif il sera publié en page 33, alors que si j’écris un texte sujet à controverse j’ai une bonne chance de le voir publier en première page. C’est aussi simple que ça. Plus mes articles sont proches de la première page, mieux je suis payé !

William Hines

William Hines (1916-2005) était surnommé le « parrain des journalistes spatiaux ».

C’est une légende parmi les journalistes ayant couvert le programme spatial.

Assis sur sa chaise tel un cobra lové, attendant sa proie, il jaillissait pour poser des questions incisives et embarrassantes, qui laissaient souvent les représentants des relations publiques de la NASA sans voix, incapables de répondre.

Extrêmement critique lors de l’incendie d’ Apollo 1, il contribua notamment à ce que l’enquête soit scrupuleusement suivie par une commission du Congrès.