Jacques Tiziou colle John Glenn

Lors d’un voyage en train pour se rendre à Angers, alors que John Glenn, sa femme et sa fille sont en compagnie du journaliste Jacques Tiziou, ce dernier pose une question à l’ancien astronaute :

« Colonel, savez-vous combien la Saturne V a de moteurs, au total, y compris les petits moteurs-fusées de stabilisation du vaisseau Apollo ?

– Non, répond le colonel, j’avoue l’ignorer. Si l’on ajoute aux cinq « F1 » de 680 tonnes de poussée du premier étage, aux cinq « J2 », du 2ème étage et au « J2 » du troisième, le moteur du module de service, et tous les petits moteurs de pilotage et de stabilisation, cela doit bien faire une cinquantaine ? Non ?

– Vous en êtes loin ! Il y en a quatre-vingt-quinze ! Pas un de moins ! Vous savez, personne n’avait fait le compte. Et si je connais ce chiffre, c’est tout simplement que les services du Dr von Braun me l’ont fait savoir, pas plus tard que hier matin !

– 95, répète John Glenn… Oui c’est impressionnant ; il faudra que je pense à caser ce chiffre dans ma conférence de ce soir à Angers. »

Le 26 mai 1966, John Glenn est venu à Angers à l’invitation de la municipalité et de la Société angevine de géographie et d’ethnographie. L’astronaute a été fait citoyen d’honneur de la ville.

John Glenn à Angers le 26 mai 1966. (Crédit photo : Le Courrier de l’Ouest)
John Glenn à Angers le 26 mai 1966. (Crédit photo : Le Courrier de l’Ouest)

« Le colonel Glenn qui devait donner à 18 h 30 une conférence au cinéma Les Variétés, à l’époque l’une des plus grandes salles obscures de France avec 1 500 places, était arrivé en gare Saint-Laud par le train de 11 h 23, en compagnie de son épouse Ann et de sa fille Lynn âgée de 19 ans. Massée sur les trottoirs du boulevard Foch, la foule des Angevins allait lui ménager un véritable accueil de chef d’État, sur le bref parcours menant à l’Hôtel de Ville où le maire Jean Turc l’accueillait au son de la Musique de l’Air américaine » (Le Courrier de l’Ouest)

John Glenn a visité le Japon en 1963 et a effectué deux voyages en Europe, en septembre-octobre 1965, et en mai-juin 1966, avec son épouse et sa fille. Son fils David n’est pas des deux derniers voyages, il fait ses études à Harvard.  Du 24 au 27 mai, John Glenn est en France.

La famille Glenn visite la Tour Eiffel, à gauche René Legrain-Eiffel, petit fils de Gustave Eiffel, le 24 Mai 1966. (Crédit photo : Pierre Godot – Associated Press)
Alain Bombard (1924-2005), Jacques Tiziou (1939-2017) et John Glenn (1921-2016) à La Tour d’Argent. (25 Mai 1966)
John Glenn dans le téléphérique de l’Aiguille du Midi (1966)
« Lyn », « Annie » et John Glenn à l’Aiguille du Midi (1966)

Structure et organisation du programme des fusées de l’armée allemande

Le programme de fusées de l’armée de terre allemande a pour origine le Heereswaffenamt (HWA), qui est le service central pour le développement technique et la production d’armes, de munitions et de matériel de 1919 à 1945, et plus particulièrement sa section Prüfwesen, Abteilung 1 (Wa Prw 1) dirigée en 1932 par le général Karl Emil Becker qui est également directeur des tests.

En 1926 le Lieutenant Colonel Karl Becker (photo ci-contre datant de mars 1937 alors qu’il est General der Artillerie) qui a obtenu un doctorat en chimie en 1922 avec une thèse portant sur l’oxydation électrochimique du phénol, est responsable de la section Ballistik und Munition, et de son centre de recherche.

Dès 1929 il est convaincu du bien-fondé des fusées et finance les premières recherches. A partir de la fin 1933 il est également professeur à l’Université de Technologie de Berlin, et Doyen de son département d’ingénierie militaire (Wehrtechnische Fakultät), nouvellement créé.

L’armée allemande ayant été réduite à 100 000 hommes par le traité de Versailles, elle est constituée principalement d’officiers dont beaucoup vont faire des études supérieures scientifiques, ils seront les cadres ultra spécialisés de la future Wehrmacht.

Il existe également une sous section 1, Wa Prw 1/1, sous la direction du commandant Ernst von Horstig (Il décède 43 jours avant les premiers pas de Neil Armstrong sur la Lune) avant qu’il ne dirige lui-même la section des tests en 1933 après la promotion de Becker.

En mai 1935 le développement des fusées est confié à une sous section particulière, Wa Prw 1/VII. Parallèlement, un peu avant le mois de novembre 1935, les nouvelles installations dévolues aux recherches sur les fusées à Kummersdorf prennent le nom de Versuchsstelle West (Centre de Recherche ouest). Au même moment est pris la décision de construire un centre de recherche totalement autonome… ce sera à Peenemünde.

Les recherches fondamentales sur les fusées ont également eu lieu à la Zentralstelle für Heeresphysik und Heereschimie, (Centre de recherche principal de l’armée pour la physique et la chimie) créé en 1926 sous la houlette de Karl Becker qui avait bien compris qu’un lien étroit devait exister entre la science et les militaires pour le développement de nouvelles armes. 

Ce centre, Wa Prw 1/Z, est sous la direction du physicien Erich Schumann (l’un des directeurs de thèse de Wernher von Braun) qui est responsable des questions scientifiques au sein du HWA. Lorsque Karl Becker est promu chef de la division test en 1932, Wa Prw 1/Z prend la dénomination de Wa Prw 11, et en 1938, après la nomination de Becker comme chef du HWA, la section de Schumann passe sous son giron et devient la Forschungs-Abteilung (Section de recherche) ou Wa F.

En 1936, Wa Prw 1/VII devient une section à part entière dédiée uniquement aux fusées, sous le commandement de Walter Dornberger. On l’appelle Wa Prw R (pour Rakete) de juillet à août 1936, puis le nom est changé en Wa Prw D par souci du secret, pour dissimuler les travaux effectués par cette section. En juin 1937 elle devient Wa Prw 13 et en avril 1938, après la promotion de Becker à la tête du Heereswaffenamt, elle devient Entwicklungs- und Prüfwesen (Développement et tests), le groupe de Dornberger devient alors Wa Prüf 11 qui correspond au département des armes spéciales (Abteilung Sondergerät).

Karl Becker, est également le président du Reichsforschungsrat (Conseil de la recherche du Reich) de 1937 à 1940,  RFR créé à l’instigation d’Erich Schumann.

Il existe des sous départements ou groupes comme Wa Prüf 11 / V qui désignait jusqu’à sa venue à Peenemünde en 1940 le groupe en charge de la propulsion dirigé par Walter Thiel à Kummersdorf, ou Wa Prüf 11 /VI créé en janvier 1939 pour la construction des usines destinées à la production en série des A4 sous la direction du conseiller ministériel Godomar Schubert.

Le nom de la première navette spatiale ou lorsque les fans de Star Trek s’en mêlent

La construction d’un prototype de navette spatiale * OV-101 (Orbital Vehicle) a commencé le 4 juin 1974.

Cette cellule sera notamment utilisée, pour des tests structurels, valider les installations modifiées du Centre Spatial Kennedy, ceux de la base aérienne de Vandenberg d’où la navette spatiale devait décoller pour des missions militaires en orbite polaire, et bien évidemment à partir de 1977 pour les tests en vol, d’abord captifs sur le dos de son Boeing 747 modifié, puis en vol libre pour les tests d’approche et d’atterrissage…

A l’origine, ce prototype devait s’appeler Constitution, et dévoilé au public le 17 septembre 1976, Jour de la Constitution (Jour de la ratification de la Constitution des Etats-Unis) qui plus est, dans un contexte bien particulier, celui des célébrations du bicentenaire des Etats-Unis.

Mais les fans de la série Star Trek (les Trekkers) ne l’entendent pas de cette oreille et submergent la NASA et la Maison Blanche de centaines de milliers de lettres, demandant que cette première navette spatiale soit baptisée du même nom que le vaisseau spatial commandé par le Capitaine James Tibérius Kirk dans la série originale. (Qui compte 79 épisodes, et fut diffusée sur NBC du 8 septembre 1966 au 3 juin 1969.)

On notera que l’USS** Enterprise de la série est avant tout un vaisseau d’exploration scientifique, mais apte à se défendre en cas de besoin, puisqu’il s’agit d’un croiseur lourd de la classe… Constitution !  La cohérence des fans de la série est ici à souligner.

Le mercredi 8 septembre, 9 jours avant le roll-out de l’OV-101 le Président des Etats-Unis Gerald Ford (1913-2006), cédant à la vox populi, enjoindra l’administrateur de la NASA James Fletcher (1919-1991), qu’il rencontre personnellement le jour même, d’entériner le nouveau nom.

Si les responsables de l’agence spatiale américaine sont plutôt ravis par cet engouement du public, au sein du bureau des astronautes, certains sont sceptiques, et même critiques, Fred Haise se demande si les « Trekkies » sont conscients du fait que cet Enterprise là n’ira jamais dans l’espace…

Quant à l’ancien aviateur de la marine, Richard Truly, qui a maintes fois décollé et atterri aux commandes d’un F-8 Crusader sur le « vrai » USS Enterprise (CV-6) cela l’embêtait un peu, pour lui, la nouvelle navette spatiale Enterprise n’est que le dernier vaisseau d’une illustre lignée de bâtiments de la marine des Etats-Unis qui compte 8 USS Enterprise à ce jour. (Un neuvième sera mis en service en 2027, (CVN-80), le troisième porte-avions de la classe Gerald R. Ford.)

OV-101 fut construit sans moteurs ni système ablatif et ne pouvait donc pas être utilisé, en l’état, pour des missions spatiales. Au départ il fut prévu de le modifier pour ce faire, mais d’importants changements structurels apportés lors de la construction de Columbia, ont rendu les modifications à apporter trop onéreuses au regard du coût de construction d’un nouvel exemplaire. Enterprise n’ira donc jamais dans l’espace !

Toujours est-il que le vendredi 17 septembre 1976, comme prévu, Enterprise est dévoilé au public, sous un soleil radieux, un tracteur aux couleurs du drapeau américain remorque la navette hors du hangar des usines Rockwell à Palmdale en Californie.

Parmi les nombreuses personnalités présentes lors de la cérémonie d’inauguration, le gouverneur de Californie Ronald Reagan et son épouse, ainsi que le créateur de la série adulée, Gene Roddenberry, et ses acteurs principaux, à l’exception de William Shatner (le capitaine James T. Kirk). A proximité, un vaisseau Apollo a été disposé pour juger du chemin parcouru…

Un bon mot du Directeur du projet navette spatiale au centre Spatial Marshall, Robert Lindstrom : « Ce jour là l’orbiter a retenu presque autant l’attention que les acteurs de Star Trek. »

 

Les portes du hangar se sont ouvertes, ce magnifique vaisseau est sorti, et la fanfare de l’US Air Force a joué le thème de Star Trek… Je veux remercier la NASA de nous avoir donné l’Enterprise, Gerald Ford pour l’avoir baptisé Enterprise, les fans de Star Trek qui ont insisté pour qu’il soit appelé Enterprise. Aux scientifiques et ingénieurs qui font que ces choses magnifiques arrivent, je leur dis à tous ainsi qu’à Enterprise :  longue vie et prospérité***

                                                                             Leonard Nimoy (1931-2015)

De g. à d. :  Dr. James D. Fletcher, l’Administrateur de la NASADeForest Kelley, (le Dr. Leonard McCoy, Médecin chef), George Takei (M. Hikaro Sulu, pilote); James Doohan (Montgomery « Scotty » Scott, l’officier ingénieur mécanicien); Michelle Nichols (le lieutenant Nyota Uhura, l’officier des communications); Leonard Nimoy (M. Spock, l’officier scientifique, ), Gene Roddenberry, le créateur de la série,  Don Fuqua, Membre de la Chambre des Représentants – Démocrate – Floride, et, Walter Koenig (l’Enseigne Pavel Chekov, l’officier navigateur).

En 1993 la NASA décerne à Gene Roddenberry la Distinguished Public Service Medal, il s’agit de la plus haute distinction de la NASA, qu’un civil non employé par le gouvernement américain puisse obtenir.

Depuis le 19 juillet 2012 Enterprise est exposé au Intrepid Sea-Air-Space Museum à New York. Lors de l’inauguration trois des quatre pilotes d’Enterprise sont présents, Richard Truly, Joe Engle, et Fred Haise. Gordon Fullerton, trop faible pour se déplacer, fut représenté par son épouse, Marie. Il décèdera l’année suivante, le 21 août 2013. Cette fois c’est Soyouz TMA-6 placé sous la queue de l’appareil qui permet d’appréhender l’avancée technologique !

Lors de son arrivée à l’aéroport Kennedy le vendredi 27 avril 2012 (photo ci-dessous), avant son transport par barge vers le USS Intrepid, Enterprise est accueillie notamment par la star de Star Trek, Leonard Nimoy qui lors d’un petit discours rappellera l’histoire de son baptème. « Ceci est une réunion pour moi » dira Nimoy « j’ai rencontré l’Enterprise pour la première fois, il y a trente cinq ans. »

En avril 2014, c’est au tour de William Shatner d’obtenir la NASA Distinguished Public Service Medal. (Le seul membre de Starfleet à obtenir cette récompense.) «Pour son exceptionnelle générosité et son dévouement qui ont contribué à inspirer de nouvelles générations d’explorateurs dans le monde entier, et pour son soutien indéfectible à la NASA et à ses missions de découvertes. »

* Dans la terminologie de la NASA le terme navette spatiale (Space Shuttle) se réfère à l’ensemble : Orbiteur + Réservoir Extérieur +  Fusées d’appoint. Dans le langage courant on utilise la dénomination navette (spatiale) pour désigner l’orbiteur.

**USS = United States Ship —  Dans la série, USS = United Star Ship ou United Space Starship.

***Au salut Vulcain « Live Long and Prosper » on doit répondre  « Peace and Long Life. » (Paix et longue vie).