Les mensurations de Neil Armstrong

Les mesures anthropométriques de Neil Armstrong pour sa combinaison spatiale, ont été réalisées le 2 octobre 1967.

Il s’écoule environ 120 jours entre les préparatifs pour la confection d’une combinaison spatiale Apollo et son acceptation par la NASA. La fabrication à proprement parler prend à elle seule une quarantaine de jours. Pour chaque combinaison il faut prendre 66 mesures de différentes parties du corps de l’astronaute, un processus méticuleux qui demande entre une heure et demie et deux heures.

Ce sont ces mesures anthropométriques qui permettront bien évidemment de commencer la fabrication et l’assemblage de la combinaison spatiale. Du cousu main.

Les astronautes ayant un emploi du temps chargé, ils n’avaient pas toujours le temps de se rendre chez ILC Dover dont les locaux se trouvent dans le Delaware. C’est donc Richard Ellis qui allait souvent à leur rencontre. C’est ainsi que les mesures de Neil Armstrong ont été réalisées dans un hôtel « perdu dans la cambrousse » selon les propres termes de Richard Ellis, bien que sa fiche anthropométrique indique MSC (Manned Spacecraft Center), le centre spatial texan.

Si le torse est réalisé sur mesure, les bras et les jambes sont choisis parmi un éventail de tailles prédéfinies. Les bottes sont fabriquées par rapport aux pointures standards. Quant aux gants, c’est également du sur-mesure, réalisés à partir d’un moulage des mains.

Voici une copie des mesures anthropométriques de Neil Armstrong réalisées le 2 octobre 1967 (il était commandant suppléant de la mission Apollo 8). [Crédit : Bill Ayrey – ILC Dover LP]

Neil-Armstrong-Measurements-2

Ci-dessous une tentative de traduction, avec conversion des mesures du pouce en centimètre.

Mensurations-Neil-Armstrong

Des noms de code pour les astronautes

Le 10 mai 1968, Charles C. Lutz (chef du Apollo Support Branch), dans un mémo confidentiel, entérine une décision d’Alan Shepard qui ne voulait pas que les noms des prochains équipages du programme Apollo puissent être révélés avant l’annonce officielle de la NASA, d’après les commandes effectuées auprès du fabricant des combinaisons spatiales ; ILC Dover (International Latex Corporation).

C’est ainsi qu’au lieu d’utiliser le nom des astronautes, on se servirait d’un code, qui ne serait connu que par un minimum de personnes ; Alan Shepard du bureau des astronautes, Charles Lutz, et Leonard « Len » Shepard chef de projet chez ILC. Il appartient à chacun des trois de communiquer ces codes aux seules personnes qui doivent être dans la confidence au sein de leurs services respectifs.

Voici la liste des astronautes et leur nom de code correspondant ; des noms d’étoiles.

Certains patronymes sont mal orthographiés, Gordan au lieu de Gordon, Pouge au lieu de Pogue, Worran au lieu de Worden.

Sur la liste figurent deux astronautes qui n’iront jamais dans l’espace ; Curt Michel (5 juin 1934 – 26 février 2015) sélectionné dans le groupe 4 en juin 1965 qui a démissionné de la NASA le 18 août 1969, et John Bull (25 septembre 1934 – 11 août 2008) sélectionné dans le groupe 5 en avril 1966 contraint à la démission du corps des astronautes en juillet 1968 (la NASA annonce la nouvelle le 16 juillet) pour raisons de santé (problème pulmonaire).

On notera que le futur premier Homme sur la Lune, Neil Armstrong, se voit affecter l’étoile la plus brillante de notre ciel après le Soleil ; Sirius. Il avait décidément une très bonne étoile…

Une pierre lunaire dans un vitrail de la Cathédrale Nationale de Washington

Le jeudi 13 septembre 2012 la somptueuse Cathédrale Nationale de Washington abrite l’émouvante cérémonie nationale à la mémoire de Neil Armstrong décédé le 25 août…

La pierre lunaire se trouve au centre de l’orbe rouge.

… 38 ans plus tôt, le dimanche 21 juillet 1974 au matin, à l’occasion du 5e anniversaire d’Apollo 11 et des premiers pas sur la Lune, Neil Armstrong et ses deux compagnons Buzz Aldrin et Michael Collins accompagnés de leurs épouses, sont présents en ce même lieu pour apporter un fin fragment de roche lunaire (un basalte contenant un minéral inconnu sur Terre ; la pyroxferroïte) de 7,18 grammes, et 6,3 cm de diamètre, vieux de quelque 3,5 milliards d’années, ramassé dans la Mer de la Tranquillité, qui doit être enchâssé dans un nouveau vitrail de cette sublime cathédrale.

Mission : Apollo 11 – Echantillon : 10057 – Fragment : 230
Crédit Photo : NASA/JSC

Cathédrale dont la construction a débuté le 29 septembre 1907, avec la première pierre posée en présence du président Théodore Roosevelt (27 octobre 1858 – 6 janvier 1919), et s’est achevée 83 ans plus tard, le 29 septembre 1990, avec la dépose du dernier épi de faîtage, sculpté dans du calcaire de l’Indiana (comme le reste de l’édifice), d’une masse de 457 kg, sur le pinacle de la tour sud-ouest, à l’occasion d’une cérémonie en présence du président George H. W. Bush (12 juin 1924 – 30 novembre 2018).

Ce vitrail de 5,80 mètres de haut et de 2,70 mètres de large, dont la dénomination officielle est Vitrail des Scientifiques et des Techniciens, plus connu sous le nom de Vitrail de l’Espace (Space Window ) a été réalisé par Rodney Marshall Winfield (6 février 1925 – 13 décembre 2017) un artiste de St Louis, qui avait déjà créé des vitraux pour des églises et des synagogues. 

Thomas Paine (9 novembre 1921 – 4 mai 1992), l’ancien administrateur de la NASA du 8 octobre 1968 au 15 septembre 1970, souhaite commémorer le cinquième anniversaire d’Apollo 11 de manière très spéciale, il contacte le doyen de la cathédrale, Francis B. Sayre Jr (17 janvier 1915 – 3 octobre 2008), pour lui proposer de donner à l’édifice une œuvre d’art unique, qui la distinguerait de toutes les autres cathédrales au monde. Il s’agit de réunir Art, Science et Religion.

Quoi de mieux que commémorer la plus grande réalisation scientifique des Etats-Unis, la mission Apollo 11 sur la Lune, et la conquête de l’espace en général. Le doyen est enthousiaste, et le conseil vote le projet à l’unanimité.

Et si l’on y insérait une pierre lunaire ?

Le 2 novembre 1973 Thomas Paine s’adresse directement au président des Etats-Unis, Richard Nixon, afin de lui exposer le projet. (Normalement c’est la NASA – depuis juillet 2001 c’est le Astromaterials Acquisition and Curation Office – et la Smithsonian Institution, qui décident du sort des échantillons lunaires). Nixon s’interroge sur la possibilité que d’autres églises, d’autres cathédrales fassent des demandes similaires. Paine lui répond que la cathédrale de Washington n’est pas n’importe quelle Eglise, il s’agit d’un sanctuaire national, unique dans l’histoire américaine du XXe siècle, qui a été le lieu de pratiquement toutes les commémorations. Le 14 janvier 1974 le président Nixon donne son accord et c’est ainsi que le fragment 230 de l’échantillon 10057 est offert à la cathédrale. Richard Nixon avait été invité à la cérémonie, mais ses jours à la tête du gouvernement américain sont comptés, sa complicité active ayant été établie dans l’affaire du Watergate, il est contraint à la démission le 9 août 1974. ll s’agit de la seule pierre lunaire donnée à une institution non gouvernementale.

Thomas Paine, est le principal donateur du vitrail. Il fait notamment don de 22 500 dollars pour initier le projet, soit 130 000 dollars en monnaie constante.

La tâche de Rodney Marshall Winfield va s’avérer plus difficile que prévue, il ne s’agit plus de scènes liturgiques, qui plus est, le doyen de la cathédrale, Francis B. Sayre Jr et le conseil, ont des exigences bien précises. Winfield soumettra 11 propositions qui seront toutes déclinées. Découragé, il envisage de laisser tomber, mais se reprend très vite…

Il explique dans son journal : « J’ai alors décidé d’oublier toutes les limitations des éléments visuels que m’a fourni la NASA, et de simplement créer un vitrail qui montrerait l’immensité de l’univers ».

C’est ainsi que la douzième proposition est la bonne, de l’avis de tous, c’est parfait.

Le vitrail symbolise avec brio, à la fois le microcosme, et le macrocosme de l’univers. On y retrouve la Terre, la Lune, des planètes et des étoiles, ainsi que la trajectoire du vaisseau Apollo…

Il s’agit du seul vitrail de la cathédrale dont les trois pans constituent une image unique. Sous ce dernier on peut lire : « Dieu n’est-il pas en haut dans les cieux ? » (Job 22:12).

Devant le maître-autel où se trouve le révérend Sayre, Neil Armstrong déclare : « Monsieur le Très Révérend, au nom du président et du peuple des Etats-Unis, nous vous offrons ce fragment de création qui provient au-delà de la Terre, pour être intégré dans la structure de cette maison de prière, pour tout le monde. »

La pierre lunaire, enfermée dans un écrin hermétique rempli d’azote, ne sera incorporée à l’œuvre d’art que le mardi 29 mars 1977 par le meilleur Maître Artisan vitrailliste des Etats-Unis, qui avait également mis en place le vitrail ; Dieter Goldkuhle (30 novembre 1938 – 9 mars 2011). De 1966 à sa mort il fabriquera et installera plus de 60 vitraux dans la cathédrale, dont la rosace de la façade ouest, de 8 mètres de diamètre, qui célèbre la majesté et le mystère de la création, conçue par Rowan LeCompte (17 mars 1925 – 11 février 2014).

Les instances avaient préféré attendre que les travaux dans cette partie de la cathédrale soient totalement achevés, de peur que les échafaudages adjacents puissent servir à dérober ce trésor. Jusque-là, la pierre lunaire était en sécurité dans le coffre-fort de la cathédrale, remplacée dans le vitrail par un morceau de carton noir inséré entre deux disques de verre.

Avant de remettre le précieux objet à Dieter Goldkuhle, le Révérend Sayre fait le tour des personnes présentes, s’approchant d’une vieille dame aux cheveux blancs, il lui dit : « Tendez les mains et prenez cette roche vieille de 3,5 milliards d’années. » Sous les yeux ébahis de la dame il dépose le disque dans ses mains jointes. « Mes petit-enfants vont être tellement impressionnés » lui dit-elle, en lui rendant précautionneusement l’inestimable objet.

A gauche, les astronautes d’Apollo 11 avec au centre Neil Armstrong portant la pierre lunaire, alors que la chorale de la cathédrale interprète le « Cantique des Créatures » composé par Saint François d’Assise. Crédit photo : NASA
Le doyen Francis B. Sayre, Jr., bénit le Vitrail de l’Espace. A l’arrière plan de g. à d. : Mme et M. Rodney Winfield ; Dr. James C. Fletcher, Administrateur de la NASA, les astronautes d’Apollo 11 Michael Collins, Neil A. Armstrong, et Buzz Aldrin ; Dr. Thomas O. Paine, ancien Administrateur de la NASA. Crédit photo : NASA

Crédit photo : NASA
A gauche du Vitrail de l’Espace, se trouve une clef de voûte qui commémore également le programme Apollo en particulier, et la conquête de l’espace en général.

Anecdotes dans l’anecdote : Toujours dans la modernité, on peut apercevoir sur la tour ouest de la cathédrale une chimère (ou grotesque) à l’effigie de Dark Vador (Darth Vader) ! La cathédrale compte 2 242 grotesques et 112 gargouilles.

L’urne contenant les cendres de Dieter Goldkuhle se trouve dans le columbarium de la cathédrale de Washington. Le Très Révérend Francis B. Sayre, né à la Maison-Blanche, petit-fils du 28e président des Etats-Unis, Thomas Woodrow Wilson, (sa mère Jessie est la fille de ce dernier), repose également en ce lieu.