Godspeed John Glenn

Le dernier astronaute encore en vie du mythique groupe 1, « Les Sept Premiers », nous a quittés à son tour ce jeudi 8 décembre, à pratiquement 95 ans et demi.

Un héros national entré dans la légende de la conquête de l’espace.

Son premier vol spatial, le premier vol orbital américain, a été une « catharsis nationale sans précédent » selon les termes de l’historien Walter McDougall.

Ce premier vol de John Glenn est le troisième vol spatial orbital après celui de Youri Gagarine le 12 avril 1961 et celui de Guerman Titov le 6 août 1961. A la différence des deux premiers qui s’éjectent en parachute (« détail » sur lequel les soviétiques ont menti), John Glenn revient sur Terre dans sa « capsule », il est donc en réalité le premier « astronaute orbital » selon la règle de la Fédération Internationale d’Astronautique qui stipule qu’un pilote doit atterrir dans son vaisseau spatial pour que le vol soit homologué !

Le titre choisi pour évoquer la disparition de John Glenn n’est pas très original c’est le moins que l’on puisse dire. Cette phrase très largement reprise ces deux derniers jours, contient les trois mots parmi les plus mémorables du programme Mercury, elle fut prononcée par Scott Carpenter, la doublure de Glenn pour cette mission, ce matin du 20 février 1962 quelques secondes avant la mise à feu de la fusée Atlas. Bons vœux que John Glenn n’a pas pu entendre, il les découvrira à l’issue du vol en écoutant les enregistrements des conversations.

La formule godspeed est issue du moyen anglais « god spede » (god = dieu – spede vient de speden = réussir)  qui signifie littéralement : « que Dieu fasse que tu réussisses » ou « que Dieu te vienne en aide » selon l’expression consacrée. En anglais moderne speed signifie vitesse.

Voici l’explication de Scott Carpenter sur sa remarque : « Les deux vols Mercury précédents ont été lancés par des Redstone, une petite fusée pas assez puissante pour donner à John la vitesse lui permettant de se propulser sur orbite. Ce dont il avait besoin, et ce que tout le monde attendait de l’Atlas, c’était de la vitesse. Je n’avais pas du tout prémédité cette phrase, elle est sortie comme ça. Il avait besoin de vitesse, il s’appelait John Glenn, c’était une sorte de salut à un ami, une supplique adressée à la puissance supérieure. Godspeed. »

Scott Carpenter et John Glenn

Les deux héros de Scott Carpenter

Lors d’une interview de l’astronaute – aquanaute Scott Carpenter (1925-2013), réalisée le 30 mars 1998 par Michelle Kelly dans le cadre du NASA Johnson Space Center Oral History Project (JSC OHP), depuis l’été 1997 plus de 900 personnes ont été interviewées, cette dernière lui demande quelles sont les personnes qui ont le plus compté dans sa carrière, celles qu’il admire le plus.

Scott Carpenter : J’ai deux héros dans ma carrière. Le premier c’est Wernher von Braun, car son génie aveuglant nous a emmené sur la Lune.

Ainsi que Jacques-Yves Cousteau, c’est mon deuxième héro. Kennedy également, bien sûr, a été déterminant pour les vols lunaires, car c’est son charisme qui a fédéré le pays autour de cette idée, mais mon vote va pour von Braun en ce qui concerne l’espace et Cousteau pour l’océan.

Michelle Kelly : Que trouvez-vous le plus admirable chez ces deux personnalités ?

Scott Carpenter : C’est l’intellect de von Braun, mais il avait également un extraordinaire charisme. Cousteau, pour tout le travail accompli, bien que son domaine fût loin d’être aussi médiatisé que l’espace, mais alors que von Braun avait du charisme, Cousteau avait de la magie.

Scott Carpenter a choisi la figure la plus emblématique de chacune des deux disciplines que sont l’exploration spatiale et l’exploration océanographique !

Jacques Yves Cousteau et Scott Carpenter 

Pourquoi le nom d’Aurora 7 ?

Le quatrième vol habité du programme Mercury, Mercury Atlas -7, devait être effectué par Donald Slayton qui avait baptisé sa capsule Delta 7, mais une arythmie cardiaque intermittente, l’a cloué au sol jusqu’en janvier 1973.

C’est Scott Carpenter qui est désigné pour le remplacer, il doit donc trouver un indicatif pour sa mission.

Il envisage tout d’abord Rampart 7, en l’honneur d’un massif montagneux de son Colorado natal, mais porte finalement son choix sur un nom ayant une connotation céleste, ce sera Aurora, d’après le phénomène lumineux appelé aurore boréale, en latin aurora borealis.

Il précise que lui aussi, lors de la rentrée atmosphérique, produira une traînée lumineuse. Il trouve par ailleurs que ce nom sonne bien, même si Rampart serait mieux passé au niveau des communications.

Scott Carpenter avait été le témoin privilégié de nombreuses aurores boréales lorsqu’il était affecté à la base aérienne d’ Adak en Alaska, à proximité du cercle polaire, où il avait effectué  des vols de reconnaissance vers l’URSS et la Chine.

Et puis, dans la mythologie, Aurora est la déesse de l’Aurore, soeur de Sol (le Soleil) et de Luna (la Lune). Mythologie dont on s’était déjà pas mal inspiré ; Mercure, Atlas… Carpenter voulait également souligner l’analogie avec le début de l’ère spatiale, l’aurore, étant le moment précis où le bord supérieur du soleil apparaît au-dessus de l’horizon.

Concernant le 7 : au départ Alan Shepard avait choisi comme indicatif Freedom puis avait ajouté 7, car sa capsule était la septième produite par les usines McDonnell. Grissom et Glenn pensant que c’était en l’honneur des sept premiers astronautes, avaient également ajouté un 7 au nom qu’ils avaient choisis, Carpenter fit pareil, Schirra et Cooper feront de même !

Mais pour Scott Carpenter le nom d’Aurora 7 prend une signification bien plus personnelle, en effet, lorsqu’il était enfant, il a vécu dans une grande maison située à l’angle de l’Avenue Aurora et de la Septième Rue.

Même s’il se défend d’avoir pensé à cela, les habitants de Boulder, Colorado, en sont convaincus !

Anecdote dans l’anecdote : un autre point commun entre la déesse Aurore (ou Eos dans la mythologie grecque), et Scott Carpenter (et le chiffre sept) est qu’ils ont eu de multiples amours et une nombreuse descendance. Carpenter a été marié quatre fois, divorcé trois fois, et a eu… 7 enfants, quatre avec sa première femme Renée, deux avec sa seconde femme Maria, et un enfant avec sa troisième épouse, Barbara !