La fille de l’astronaute Stuart Roosa dessine son père

Alors que Rosemary Roosa, la fille de l’astronaute Stuart Roosa, née le 23 juillet 1963, est en CE2, sa mère Joan (23 mai 1934 – 30 octobre 2007) est convoquée à l’école. L’instituteur lui montre un dessin qu’elle a fait de son père, dans un cercueil.

Ce dernier entre alors dans des considérations psychologiques de bas étage, arguant que Rosemary a certainement des angoisses relatives au fait que son père soit astronaute. Il ne devrait pas voler pour le bien-être psychique de sa fille.

A ce moment-là, Stuart Roosa (16 août 1933 – 12 décembre 1994) est affecté à la mission Apollo 14 (du 31 janvier 1971 4 h 03 – au 9 février 1971 20 h 24 UTC) comme pilote du module de commande.

Joan Roosa éclate de rire et lance à l’instit : « Ma fille est juste nulle en dessin, et mon mari ne va certainement pas renoncer à sa mission à cause d’un dessin d’un enfant de 7 ans ! »

Avant de sortir elle précise : « Et puis d’abord ce n’est pas un cercueil, mais un vaisseau spatial ! »

Anecdote dans l’anecdote : Rosemary Roosa était scolarisée à la « Edward White Elementary School », du nom de l’astronaute ayant réalisé la première sortie extravéhiculaire le 3 mars 1965 lors de la mission Gemini IV, et qui est mort le 27 janvier 1967 dans l’incendie d’Apollo 1 avec Virgil Grissom et Roger Chaffee. Edward « Ed » Higgins White II (14 novembre 1930 – 27 janvier 1967).

Charles Conrad s’éjecte de son T-38

Le 10 mai 1972, Charles Conrad aux commandes de son T-38A Talon (69-7086) revient des locaux de ILC Industries, le fabricant des combinaisons spatiales de la NASA, situés à Dover dans le Delaware.

T-38

Il effectue une escale à la base aérienne Dobbins à Marietta en Georgie, puis reprend l’air à destination de la base aérienne Ellington située à 11 km du Centre des Vaisseaux Spatiaux Habités, près de Houston.

Alors qu’il commence son approche sur Ellington on lui indique que le plafond est trop bas, les conditions météorologiques sont défavorables, on lui transmet alors les vecteurs pour un atterrissage à l’aéroport William P. Hobby, à 11 km de Houston.

Alors qu’il entame son approche finale à quelque 250 mètres d’altitude sur la piste de Hobby dans l’obscurité et sous un violent orage et des éclairs, une panne électrique provoque l’extinction des lumières du cockpit et de certains instruments de navigation (ça a du lui rappeler des souvenirs !).

Aussitôt Charles Conrad annule son approche et essaye de remonter au-dessus des nuages, ce faisant le circuit électrique se rétablit, tout redevient normal.

En raison des problèmes rencontrés, il souhaite relier un aéroport permettant l’atterrissage en visuel, il est de ce fait dérouté vers la base aérienne Randolph de San Antonio. Lorsqu’il s’avère qu’il n’aura pas assez de carburant pour rallier Randolph, il est dirigé vers Bergstrom, une base aérienne située à une dizaine de kilomètres au sud-est de la capitale du Texas.

L’appareil tombe en panne d’essence alors qu’il arrive sur Bergstrom, il s’éjecte à 1 100 mètres, à environ 20:45 heure locale. Son T-38 de 756 000 dollars (1961) s’écrase à environ 3 km de la base sur une zone inhabitée. Charles Conrad est sain et sauf. Après un examen médical il est autorisé à rentrer chez lui, le soir même.

La commision d’enquête, dirigée par l’astronaute Stuart Roosa, a déterminé qu’un circuit imprimé insuffisamment protégé contre l’humidité, a provoqué la panne du générateur d’électricité gauche. Ce circuit imprimé fait partie d’un régulateur de tension et d’un circuit de protection, qui permet de passer sur le flux électrique du générateur opposé, lorsque l’un des deux tombe en panne.

Décidément Charles Conrad n’a pas eu beaucoup de chance avec les orages et les éclairs, heureusement, dans les deux cas, tout s’est bien terminé ! La première fois c’était lors du décollage d’Apollo XII !

Les Arbres de Lune de Stuart Roosa

L’astronaute Stuart Roosa (1933-1994) n’a effectué qu’une seule mission spatiale, comme pilote du module de commande de la mission Apollo 14, qui s’est déroulée du 31 janvier au 9 février 1971. Il reste en orbite lunaire alors que ses deux compagnons Alan Shepard et Edgar Mitchell marchent sur la Lune.

L’annulation des trois dernières missions Apollo l’a assurément empêché de fouler à son tour le sol lunaire. Il fait partie du club très fermé des 24 humains ayant orbité autour de la Lune. Il s’est approché à seulement 15 km de sa surface.

Le nom de Stuart Roosa reste à jamais associé à une magnifique histoire, celle des arbres de Lune.

Smokejumper Stuart Roosa 1953 (Photo : Bill Buck)

En 1951, à l’âge de 17 ans, Stuart Roosa, grand amoureux de la nature, travaille tout l’été dans la forêt St Joe dans l’Idaho au Blister Rust Control, Camp 52, comme pompier, et pour aider à l’éradication de la maladie de la rouille (blister rust) qui affecte les arbres de la famille des Pinacées.

Deux ans plus tard, après deux années à l’université, il devient smoke-jumper ; un pompier parachutiste qui intervient principalement sur les départs de feu en zone isolée.

A l’apparition des premières fumées (smoke) les pompiers sautent (jump) en parachute afin de circonscrire très rapidement l’incendie avant qu’il ne se propage.

Un excellent job d’été puisqu’un smoke jumper saisonnier (85% des effectifs) pouvait gagner à l’époque jusqu’à 1 000 dollars en un été (soit 9 000 USD en dollars constants). Ces unités d’élite, dont les classes durent 4 semaines, et s’apparentent à un stage commando, sont sous la responsabilité de l’agence américaine du Service des Forêts (US Forest Service).

Roosa effectue le saut qui lui permet d’obtenir son brevet le 15 juillet 1953. Lors d’un saut, son parachute s’accroche dans un arbre et il reste suspendu à plus de 30 mètres du sol. Il doit utiliser la corde prévue à cet effet, qui fait partie de l’équipement standard, pour se sortir de ce mauvais pas. Sachant que les « atterrissages » dans les arbres sont plutôt fréquents chez les smokejumpers !

Stuart Roosa était basé dans l’unité de Cave Junction – Siskiyou Smokejumper Base – en Oregon, promotion 1953 (CJ53). Il ne fit qu’une saison. Selon sa fiche de service il effectua trois missions aéroportées. (Klamath Forest en Californie, Umpqua Forest en Oregon et Six Rivers Forest en Californie).

En 1954 Roosa intègre le programme des cadets de l’US Air Force… 10 ans plus tard il est pilote d’essai à Edwards… En avril 1966 il devient astronaute (Groupe 5).

Smoke Jumpers – Stuart Roosa parmi la « Promotion 1953 » (Crédit : United States Forest Service)

Lorsque Edward Cliff (1909-1989), directeur de l’agence du Service des Forêts (US Forest Service) de 1962 à 1972 apprend que Roosa, un ancien smoke jumper, va effectuer une mission vers la Lune, il lui soumet une idée : emporter des graines d’arbres avec lui autour de la Lune.

Avec l’accord enthousiaste de Stuart Roosa, et de la NASA, Stanley Krugman (1932-2013) docteur en biologie végétale spécialisé en génétique, est chargé de la sélection des graines, il est alors responsable de la Forest Genetics Research. 

Le projet scientifique est le suivant : déterminer les effets des radiations et de l’impesanteur sur ces graines.  Des contraintes de poids et de volume ne permirent qu’à quelque 500 graines de faire le voyage. L’origine de chaque graine est parfaitement connue et chacune a sa « jumelle » restée sur Terre.

Le but étant bien évidemment de comparer leur croissance et de constater d’éventuelles mutations !

5 espèces d’arbres sont choisies :

  • Loblolly Pine (Pin à torches : Pinus taeda ),
  • Sycamore (Platane : Platanus occidentalis),
  • Sweetgum (Liquidambar : Altingiaceae Liquidambar),
  • Redwood (Séquoia : Sequoia sempervirens),
  • Douglas Fir (Sapin de Douglas :Pseudotsuga menziesii).

Les graines sont stockées dans une petite boite que Roosa dispose dans l’un de ses Personal Preference Kit (PPK)*. Il emporte notamment une broche pour sa mère, des pin’s, ses ailes de pilote de chasse, qui eux atterriront sur la Lune…  Les graines feront 34 fois le tour de la Lune (en 2 jours 18 heures et 35 minutes) et resteront au total un peu moins de 9 jours dans l’espace.

Art Greeley le directeur-adjoint de l’US Forest Service et Stuart Roosa, avec à la main la boîte contenant les graines  (Crédit : United States Forest Service)

Au retour, lors du processus de décontamination, la boîte contenant les précieuses graines s’est ouverte et les graines mélangées. La première tentative de faire germer quelques graines par des scientifiques de la NASA à Houston se solde par un échec. Ils en concluent rapidement que les graines sont « mortes ». Apprenant cela Krugman demande qu’on lui renvoie les graines qu’il confie à deux centres de recherche de l’US Forest Service. (La Southern Forest Research Station à Gulfport au Mississippi et la Western Research Station à Placerville en Californie, où il travaille.)

Pratiquement toutes les graines récupérées germèrent et formèrent des plants !

Aujourd’hui, il est impossible de différencier les arbres issus des graines « lunaires » de celles restées sur Terre. Aucune anomalie n’a été décelée.

Lorsque les arbres furent suffisamment développés (4 ans d’âge) ils purent quitter les pépinières de l’US Forest service…

Ainsi le premier Arbre Lunaire, un Sycamore, a été planté au Washington Square Park à Philadelphie le 6 mai 1975, juste à côté de l’Independence Hall où fut signée la Déclaration d’indépendance (1776) et adoptée la Constitution américaine (1787). Stuart Roosa était bien évidemment présent lors de la cérémonie, de même que le Maire de Philadelphie Frank Rizzo. Gérald Ford alors président des Etats-Unis fit parvenir un petit message dans lequel il décrit ces arbres de Lune comme « les symboles vivants de nos spectaculaires réalisations humaines et scientifiques ». Pour plus de symbolique on aurait pu attendre le 4 juillet 1976 pour planter cet arbre, qui est toujours vivant aujourd’hui.

De g. à d. Stuart Roosa, John McGuire (chef de l’US Forest Service), Ernesta Ballard (Directrice de la Société d’Horticulture de Pennsylvanie), et à moitié caché, Woodsy Owl (Woodsy le Hibou) la mascotte de l’US Forest Service. 

En 1976, dans le cadre d’une opération s’inscrivant à l’occasion des célébrations du Bicentenaire des Etats-Unis les plantations et donations d’arbres de Lune ont fait fureur, mais une gestion défaillante fait que, quarante ans plus tard, on ne sait plus où sont passés la plupart de ces arbres…

Krugman et son équipe créèrent par la suite, avec des greffons, des arbres de Lune de seconde génération (Half Moon Trees), puis de troisième génération, qui furent un temps proposés à la vente pour la modique somme de 32 USD par l’association American Forests.

Depuis 1996, le Dr David Williams, qui travaille au Centre Spatial Goddard à Greenbelt, dans le Maryland, qui ignorait tout de l’histoire de ces arbres avant cette date, tente de localiser et de recenser tous les arbres avant, comme il le dit, qu’il ne soit trop tard. A ce jour seulement 89 arbres de première génération ont été retrouvés (dont 27 sont morts) … Nous sommes loin du compte !  Consulter la liste.

Un arbre de Lune de seconde génération de type sycamore a été planté au cimetière d’Arlington le 9 février 2005 (pour le 34 ème anniversaire de l’atterrissage d’Apolllo 14) au cours d’une cérémonie en l’honneur de Stuart Roosa et de tous les astronautes disparus. Cérémonie à laquelle la veuve de Stuart Roosa, Joan (qui décèdera deux ans et demi plus tard, et sera enterrée à Arlington à côté de son mari), et leur quatre enfants, ont participé.

A gauche Arlington National Cemetery le 9 février 2005 – Peu après Rosemary Roosa pose devant l’arbre « de son père » qui  a bien pris.

Comme l’on écrit les enfants de l’école élémentaire Cannelton dans l’Indiana qui ont ravivé le souvenir de ces arbres de Lune en 1996 : « Long live our beautiful Moon trees ! » (Vive nos magnifiques arbres de Lunes)

Car bientôt hélas, ces arbres resteront les seuls êtres vivants au monde à avoir fait le voyage vers la Lune !

*Sur la liste récapitulant les objets emportés à bord d’Apollo 14 (CSM + LM) on dénombre 14 PPK de 227 g chacun dans le module de commande (CM) soit 3,178 kg au total, ainsi que  3 PPK de 408 g chacun dans le module lunaire (LM) soit 1,224 kg au total. Il existe également un PPK de plus grande taille, sans aucune mention de poids, stocké dans le CM !

Anecdote dans l’anecdote : Apollo 14 détient le record de poids des PPK emportés, soit 4,4 kg.