Un stylo pour Robert Seamans aussi

Le 21 juillet 1961, deux jours après le vol suborbital de Virgil Grissom, le Président John Kennedy signe l’autorisation du budget de la NASA pour l’année fiscale 1962 (HR 6874) soit 1,257 milliards de dollars (10 milliards de dollars 2015) ce qui représente 1,18% du budget fédéral de cette année là.

Hugh Dryden étant en vacances, et James Webb participant à une cérémonie en l’honneur de Grissom, au Cap, c’est Robert Seamans qui se trouve dans la « Fish Room » de la Maison Blanche avec une vingtaine de sénateurs et le vice-président Johnson.

John Kennedy fait son entrée devant les caméras de télévision et s’assoit à la table.

Il fait un discours de cinq minutes sur le programme spatial, sans notes, et commence à signer le document.

Il avait apporté une vingtaine de stylos, et d’une manière ou une autre il les avait tous utilisés pour parapher, signer, dater et surligner !

Chaque fois qu’il changeait de stylo il souriait ! Il se leva avec les stylos dans sa main gauche et commença à les distribuer.

Il s’approche de Robert Seamans :  » En voici un pour vous. »

–  » Merci beaucoup Monsieur le Président. Je le remettrai à M. Webb qui est au Cap aujourd’hui. »

Il continue à distribuer les stylos, y compris au Sénateur Robert Kerr (Président du Comité chargé des affaires spatiales au sénat), celui-là même qui  a recommandé Webb au président Kennedy pour le poste d’administrateur de la NASA (Webb avait travaillé pour la compagnie pétrolière Kerr-McGee Oil), et se dirige vers la sortie, lorsqu’il fait demi-tour, revient vers Seamans  et lui dit : « Tenez, en voici un pour vous également. »

Kennedy HR6874

Sur cette photo on distingue très bien les stylos…

De g. à d. : Dr. Robert C. Seamans Jr., Administrateur Associé de la  NASA; personne non identifiée (partiellement cachée); Cleve Ryan électricien de la maison blanche chargé des médias ; James G. Fulton membre du Congrès (Pennsylvanie); J. Edgar Chenoweth, membre du congrès (Colorado) ; Senateur Hubert Humphrey (Minnesota); Senateur Warren G. Magnuson (Washington); Vice President Lyndon Johnson; Joseph E. Karth membre du Congrès (Minnesota); Senateur Robert S. Kerr (Oklahoma); Overton Brooks membre du Congrès  (Louisiane); Victor L. Anfuso membre du Congrès  (New York); Senateur Clinton P. Anderson (Nouveau Mexique); Senateur Alexandre Wiley (Wisconsin).

Crédit pour les deux photos : Cecil Stoughton. White House Photograph

Pas d’alcool dans l’avion de la NASA ?

A ses débuts, la NASA utilisait un avion de ligne Convair CV-240, comme celui utilisé par John F. Kennedy pour sa campagne présidentielle, pour emmener rapidement ses collaborateurs aux réunions chez les contractants ou dans les différents centre spatiaux.

A bord de l’appareil il y avait un bar, contenant notamment des bouteilles d’alcool.

La première fois que James Webb, l’administrateur de la NASA, prend cet avion, le steward lui propose un verre. Dès son retour au siège de la NASA à Washington, Webb appelle Robert Seamans : « Venez me voir dans mon bureau, nous avons un problème à régler ».

Lorsque Seamans arrive dans son bureau, il lui dit de but en blanc : « Il faut supprimer l’alcool sur notre avion.

– Etes-vous contre le fait de boire un verre ?

– Non, mais nous pouvons nous attirer de gros problèmes si le Congrès apprend que nous servons de l’alcool dans cet avion. Comment est-il financé ?

– Vous n’avez pas payé votre consommation ?

– Il n’était pas question que je prenne un verre dans l’avion, d’où provient l’argent ?

– C’est un fond de roulement.

– D’accord, mais d’où provient la mise de départ ?

– Je n’en sais rien, je vous dirais ça demain ! »

Le lendemain, Seamans ayant mené sa petite enquête, donne l’explication  à Webb : « Ce service a été mis sur pied grâce au fond de caisse de la cafétéria de Langley, qui est subventionnée par l’état, mais les gens payent pour leurs consommations. »

– Il faut supprimer l’alcool de cet avion.

– Beaucoup de gens vont être mécontents !

– Ils seront encore plus contrariés si le Congrès nous tombe dessus, pour un truc aussi ridicule que ça. »

Lors de leur entrevue suivante, Seamans soumet une proposition  à  James Webb : « J’ai une idée, que penseriez-vous si nous mettions tous les deux une centaine de dollars pour approvisionner le bar de l’avion, il suffirait  alors de s’assurer que les consommations soient facturée au juste tarif pour que cette mise de fond se renouvelle perpétuellement. »

« D’accord, je m’en occupe ! »

Ainsi fut fait.

 

John Young ne veut pas qu’on le prenne pour une poule mouillée

Lors de la mission Gemini X, du 18 au 21 juillet 1966, dont John Young est le commandant, une expérience consistant à étudier les radiations ultraviolettes émises par les étoiles (expérience  S13 UV) doit être effectuée lors de la première EVA de Michael Collins.

Cette première sortie spatiale qui doit se faire de nuit, est ce que les américains appellent une « stand –up » EVA, qui comme son nom l’indique, consiste à se tenir debout dans le vaisseau spatial, sur le siège, l’astronaute n’ayant alors que le buste dans le vide de l’espace.

Maurer 70 mm

Collins muni de son appareil photo, un Maurer 70 mm pourvu d’une lentille UV,  doit viser le sud de la Voie Lactée et photographier une série d’étoiles, entre  Beta Crucis (Mimosa – la seconde plus brillante étoile de la constellation de la Croix du Sud) et Gamma Velorum (« Le Joyaux du ciel austral », dans la constellation des Voiles, à laquelle l’astronaute Virgil Grissom donnera le nom de Regor*).

Il prend 22 photos.  Après le lever de soleil, il doit également photographier 9 fois une mire constituée de 4 couleurs (rouge, bleu, jaune et gris), maintenue par une baguette d’un mètre de long, pour déterminer si une pellicule du commerce, enregistre fidèlement les couleurs dans l’espace. (Expérience MSC8)

Si la première expérience se déroule sans anicroche, la dernière est interrompue après la quatrième prise de vue, lorsque les deux astronautes présentent une irritation des yeux entraînant un larmoiement.

John Young : « Il y a une drôle d’odeur, ça irrite les yeux et les fait pleurer ».

Au départ les astronautes suspectent la solution antibuée appliquée sur la visière du casque, puis à cause de l’odeur, une fuite d’hydroxyde de lithium, qui sert à purifier l’air.

Ce sont finalement les ingénieurs au sol qui trouvent la solution : les astronautes ayant enclenché les deux systèmes de ventilation de leur combinaison spatiale, c’est ce double flux d’air qui provoque l’irritation des yeux, la désactivation de l’un d’eux résout le problème.

Sans se départir de son sens de l’humour  John Young  ajoute : « J’avais déjà les yeux qui pleuraient cette nuit, mais je n’ai rien osé dire, je ne voulais pas que l’on me prenne pour une poule mouillée. »

* cf : https://www.anecdotes-spatiales.com/dnoces-navi-et-regor/

Anecdote dans l’anecdote :  C’est le Dr Karl G. Henize qui est à l’origine de l’expérience S13 UV. Mathématicien et docteur en astronomie, il sera sélectionné comme astronaute scientifique en août 1967, groupe 6. Il ne fera qu’un vol spatial en 1985 (Challenger – Mission STS-51F – Spacelab 2 – du 29 juillet au 6 août 85). Il décède le 5 octobre 1993, à 6 400 mètres d’altitude, d’un œdème pulmonaire de haute altitude, alors qu’il tente l’ascension de l’Everest.